1- Des territoires et des espaces à comprendre.
Le sujet nous invite à réfléchir aux enjeux de représentations et de pratiques associées à des contraintes naturelles fortes. Trois termes essentiels dans la géographie :
- des représentations = un ensemble de valeurs que nous reportons sur des termes, des territoires, des notions. Ces représentations sont nécessaires car elles donnent une grille de lecture du monde. Cependant, il faut être capable de prendre du recul sur celles-ci, sur leur force. En effet, ce sont à la fois un produit (quelque chose qui est en nous, issu d'une culture personnelle et collective et sociale) et une production (un processus en cours : toutes les représentations sont mouvantes).
- Des pratiques = ce sont l'ensemble des actions, des activités produites par une société ou des individus et qui créent de l'espace … le tout se lisant dans des territoires. Ces pratiques sont variées, évolutives elles aussi et elles sont issues de choix complexes. Ces choix sont élaborés à partir des représentations que se font les acteurs sur un territoire ou un espace, des relations (ou interrelations ou interactions) entre ces acteurs, mais aussi entre ces acteurs et leur environnement (humain, social, politique, culturel, naturel) … en prenant en compte les contraintes de cet environnement.
- Des contraintes, qu'il faut entendre comme sociales et naturelles. Ce sont des éléments (sociaux, naturels, biotiques, abiotiques) qui vont peser sur des choix. Ces contraintes sont trop souvent lues sous l'angle naturel : c'est insuffisant. Les choix faits par les acteurs individuels ou collectifs sont de plusieurs ordres : naturels (relief, climat, milieu naturel), mais aussi économiques (richesse, accès aux services, …), sociaux-culturels, spatial (les distances métriques et non métriques).
Avant de commencer l'étude de ce sujet, il faut définir ces quatre termes porteurs de représentations fortes :
- l'Afrique = un continent, mais marqué de diversités entre le nord et le sud, entre climats, entre cultures, langues, États, richesse et pauvreté, … Ne pas porter de regard essentialiste ni déterministe sur ce continent. Un regard ni pessimiste ni optimiste mais distancié (prenez de la hauteur).
- le Sahel = un espace mal défini, le « rivage » en arabe (donc un mot importé) marqué lui aussi par un déterminant naturaliste (les faibles précipitations) qu'il faut dépasser. Ses limites sont floues et fluctuantes ...
- Le Sahara = un désert (un mot arabe, Sahra, dérivé du mot ocre ?) là aussi, des limites déterminées par le climat désertique (moins de 100 mm/an) et des limites naturelles pour un sujet qui ne se limite pas à la nature.
- La Méditerranée = une mer, un espace maritime mais aussi terrestre lié à un climat (méditerranéen) ... et comme toute mer, elle forme une rupture et un lien, un espace à part entière et un espace de connexion ...
Le premier enjeu est donc de dépasser un déterminisme inscrit dans les noms de ces territoires. Pour cela, il faut donc dépasser la lecture stricte des territoires pour l'intéresser aux espaces qui composent ces territoires.
Rappels :
- Un territoire = une portion de la surface terrestre appropriée par des sociétés ; ou de manière plus complexe : un agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de l'existence d'un individu ou d'un collectif social et d'informer en retour cet individu ou ce collectif sur sa propre identité. Donc une définition qui prend en compte des éléments naturels, politiques, sociaux (dans cet ordre). Quels sont les éléments qui en font un territoire spécifique ?
- Un espace = une des dimensions de la société qui correspond à l'ensemble des relations que la distance établit entre divers acteurs ou agents. C'est donc un concept social, culturel dans lequel les interactions. Quels sont les éléments qui en font un espace particulier ?
Deuxième enjeu : comprendre comment s'organisent ces espaces : comment ils forment un ou plusieurs territoires. On est dans un exercice de « géographie des territoires » (anciennement « géographie régionale »). L'objectif d'un travail sur ce(s) territoire(s) est donc de comprendre son (leur) fonctionnement spécifiques à partir de grilles de lectures géographiques :
- des outils de la géopolitique (des puissances ; des frontières ; des acteurs ; des tensions ; des conflits ; des interactions ; des représentations ; …)
- des outils de la géographie culturelle (s'intéresser aux cultures dominantes ou minoritaire, notamment leurs pratiques, mais aussi leurs perceptions, les peurs, les représentations, les lieux de culture, la diffusion des cultures, les mémoires, …)
- des outils de la géographie sociale (espace vécu et perçu, notion d'espace mobile, production d'espace, ségrégation, exclusion, mixité, genres, il faut donc s'intéresser aux rapports entre groupes sociaux et voir comment ces rapports créent de l'espace …)
- des outils de la géographie urbaine (croissance, réseaux de villes, systèmes urbains, …)
- des outils de la géographie économique (acteurs, richesse, flux économiques, production de richesse, partages, régions, …)
- des outils de la géographie naturelle (géomorphologie, climatologie, reliefs, paysages naturels, eau, fleuves, ...)
- des outils de l'histoire en s'intéressant aux héritages (histoire ancienne ; colonisation ; décolonisation ; …)
Ces outils empruntent tous des outils à la géographie en général :
- des jeux d'échelle : à quelle échelle étudier ces espaces et ces territoires ?
- Des jeux d'acteurs : une vision systémique du sujet est nécessaire
- une approche sinon synthétique au moins la plus globale possible : il ne faut pas s'arrêter à une entrée (économique, géopolitique, …)
- des jeux de spatialités : quelles logiques, quelles continuités, quelles discontinuités, quelles interfaces, ..
- des jeux de territorialités : c'est à dire l’ensemble des relations qu’une société entretient non seulement avec elle-même, mais encore avec l’extériorité et l’altérité, à l’aide de médiateurs, pour satisfaire ses besoins dans la perspective d’acquérir la plus grande autonomie possible, compte tenu des ressources du système (Claude Raffestin - 1997, « Réinventer l’hospitalité » in Communications, n°65, page 155)
- la cartographie : à utiliser comme un outil de lecture + un outil de compréhension + un vecteur pour transmettre une ou plusieurs informations.
2 – Le cadrage du sujet par le jury du concours
La lettre de cadrage du jury du 21 avril 2017 précise :
- Il faut avoir une approche décloisonnée des territoires et des espaces sahéliens, sahariens et méditerranéens d'Afrique, cela veut dire :
- une approche globale qui prend en compte les différents domaines de la géographie
- une approche systémique
- une vision non caricaturale et donc suffisamment pointue pour bien connaître ces territoires, leur diversité, leur originalité
- « une approche par grands ensembles bioclimatiques, culturels, sociaux, économiques et politiques », ce qui veut dire que cet ensemble peut être découpé en espaces différents, mais pas uniquement en tranches bioclimatiques ou étatiques. Si ces espaces et territoires existent, ils ne doivent pas constituer la seule grille de lecture.
- Prendre du recul sur les représentations, les constructions mentales héritées de la colonisation, ou de la décolonisation pour comprendre les logiques actuelles à une échelle locale, régionale et mondiale.
- Ensuite (deuxième paragraphe), une étude transversale, ce qui sous-entend :
- comprendre les logiques spatiales en œuvre dans ces territoires :
- continuités,
- discontinuités,
- interfaces,
- intégration,
- fragmentation
- l'importance du Sahara comme « espace d’échange au rayonnement continental voire mondial » :
- routes
- réseaux de communication
- mobilités
- flux
- divers axes de travail à connaître :
- les conséquences de l'apport colonial,
- l'importance de la gestion de l'eau,
- les flux, réseaux, mobilités humaines,
- l'urbanisation de la zone, associée à une hausse de la population,
- l'importance des questions environnementales et sanitaires.
- comprendre les logiques spatiales en œuvre dans ces territoires :
- Enfin, le texte propose six axes de travail :
- l'entrée environnementale autour des contraintes, des ressources ou des fleuves qui structurent ces territoires ;
- l'entrée socio-économique autour des notions de développement, d'émergence, de mondialisation, de disparités ou de trafics ;
- l'entrée en terme de mobilités et de déplacements de populations ;
- une entrée culturelle autour de l'idée de diversité pour appréhender la complexité du fonctionnement de ces espaces ;
- une entrée géopolitique qui pousse à penser à différentes échelles ;
- enfin une entrée historique à ne pas négliger.
3- Analyser les limites du sujet à travers un dossier documentaire
1- Où placer les limites nord, sud, est et ouest du territoire étudié ?
Ce travail de réflexion et de définition du sujet vise à comprendre :
- les limites du sujet, notamment à l'est (plus problématique : le Sinaï égyptien est-il en Afrique ? L’Érythrée, l’Éthiopie, le Soudan du Sud sont-ils concernés) et à l'ouest (Madère, les Canaries, le Cap Vert sont-ils dans le sujet?) ;
- si les limites sont naturelles : faut-il couper les États en deux ? (le Nord de la Côte d'Ivoire ou du Nigeria sont sahéliens : savane, culture de mil – sorgho – maïs, de coton et élevage bovin extensif ; faut-il prendre en compte tout le pays ou seulement le nord ?)
- quelles sont les limites maritimes ?
- comprendre certains enjeux du sujet ;
- se poser la question des limites d'un sujet, exercice nécessaire dans une introduction ;
- à se rappeler qu'un sujet peut s'étudier à différentes échelles ;
- À s'intéresser à différents supports (les sources des documents sont importantes aussi.
Document 1 : Le Sahara par la revue Hérodote (n° 142, 3° trimestre 2011 pages 14 et 15)
Document 2 : Le Sahel, tristes confins
Serge Sur, « Le Sahel, tristes confins », Question internationales n°58,
Novembre-décembre 2012, pages 4 à 7 (extraits)
Le Sahel est un espace à tous égards difficile à pénétrer, géographiquement, intellectuellement, politiquement , stratégiquement, …
Divisé d'Ouest en Est en plusieurs États, langue bande de territoires sans unité autre que le caractère déshérité de populations aussi rares que disparates, la sécheresse du climat, l'aridité des sols, les supputations au sujet de la richesse supposée des son sous-sol en ressources naturelles aussi abondantes que variées, mérite-t-il d'être envisagé comme un ensemble homogène ? Appendice méridional étiré du grand désert d'Afrique du Nord, ne rappelle-t-il pas le mot dédaigneux de Lord Salisbury, homme d’État britannique de la période coloniale, disant en substance que le coq gaulois userait ses ergots à gratter les sables stériles du Sahara ? Et il est vrai que les colonisateurs français n'y ont découvert que trop tard les gisements d'hydrocarbures.
Historiquement partagé, de l'extérieur entre francophones et anglophones principalement, à l'intérieur entre sédentaires et nomades, au fond assez peu disputé jusqu'à maintenant, il ne s'est guère fait remarquer que par ses crises. […]
Dans ces conditions, le Sahel n'est pas un puzzle, mais plutôt un chaos. D'abord silencieux, il n'a retenu l'intérêt extérieur que de façon épisodique, sinon sur le plan humanitaire et spécialement alimentaire. Il est aujourd'hui agité par des mouvements divers, parfois violents, d'ordre politique, religieux, terroriste, criminel de droit commun, dans un contexte de pauvreté permanente et d'avidité croissante. L'insécurité qui s'y développe, la fragilisation de nombre d’États qui le partagent, la montée de l'islamisme radical, les menaces humaines et économiques qui en résultent pour les investisseurs extérieurs attirent dès lors l'attention des grandes et moins grandes puissances, lointaines ou voisines. […]
La fragilité de la région la rend vulnérable aussi bien aux phénomènes naturels, climatiques notamment, qu'aux conflits de tous types, qui éclatent et peuvent s'enraciner avec un petit nombre de participants dispersés et volatiles, en fonction de la faiblesse de la population et de l'immensité des espaces. […]
A cet égard, le Sahel, de zone de confins tends à devenir un espace pivot, entre l'Atlantique et la mer Rouge, entre le monde arabo-berbéro-musulman et une Afrique noire en partie chrétienne, en partie musulmane, le tout sur un fond animiste.
Document 3 : Le Sahara, un désert africain particulier,
Yves Lacoste, Hérodote 142 , 3° trimestre 2011, pages 24-26 (extraits)
Le Sahara n’est que la partie principale de la longue bande de déserts qui, dans l’Ancien Monde (en Afrique et en Asie), s’étend de l’Atlantique à la mer Rouge et, sur le continent asiatique, depuis l’Arabie jusqu’au désert de Gobi au nord de la Chine. Dans ce très grand ensemble aride, il faut distinguer deux sous-ensembles très différents tant du point de vue des températures que de celui des grandes formes du relief. Alors qu’à l’ouest le Sahara et l’Arabie sont des déserts chauds (sans hiver froid) et sont surtout de vastes étendues de plaines et de plateaux, à l’est les déserts d’Iran et surtout ceux d’Asie centrale sont des déserts à hivers froids qui sont dominés et traversés par de puissantes chaînes de montagnes, plus ou moins obliques par rapport à l’Himalaya. […]
Autre contraste majeur entre ces deux ensembles désertiques : le Sahara, limité vers le nord par la Méditerranée, passe vers le sud aux forêts claires et aux savanes, formations végétales de la zone tropicale. En Asie, l’ensemble aride prend fin vers le sud à la zone arrosée l’été par le phénomène de la mousson. […]
La relative platitude du Sahara tient au fait qu’il est la partie septentrionale, et la plus large d’ouest en est, de la grande plaque africaine qui s’étend au nord comme au sud de chacun des tropiques. En étant poussée vers le nord par les courants profonds de la visqueuse asthénosphère (ce qu’autrefois les physiciens du globe appelaient le sima) qui se trouve sous l’« écorce terrestre », la plaque africaine rebrousse l’entourage tectonique de la Méditerranée occidentale, ce qui forme les reliefs d’Afrique du Nord. À noter que cette plaque (on parlait autrefois de socle granitique) est recouverte, sauf en bordure de l’Atlantique, de dépôts sédimentaires, des grès continentaux et des calcaires marins, qui forment de vastes plateaux sous lesquels se trouvent des gisements d’hydrocarbures et des nappes d’eau fossile. […]
Donc, au Sahara, faute de grande chaîne de montagnes, pas de pâturage d’altitude ni d’oasis de piémont, sauf sur le versant méridional du Haut Atlas qui borde le désert sur seulement quelques centaines de kilomètres. La plupart des oasis sahariennes s’efforcent de tirer parti de nappes aquifères inégalement profondes.
Document 4 : Le Sahel défini par Théodore Monot
J. Vernet (dir.), Pays du Sahel, du Tchad au Sénégal, du Mali au Niger,
Autrement, Série Monde, no.72, 1994 p. 35)
Le Sahel est une zone éco-climatique qui traverse toute l’Afrique moyenne, au nord de l’équateur, entre le désert proprement dit, c’est-à-dire le Sahara, et la savane de type soudanien. [...] c’est une bande qui court de l’Atlantique à la mer Rouge. Sur cette zone relativement sèche, semi-aride, en principe il pleut tous les ans, plus ou moins. La zone sahélienne commence au nord avec 100 à 250 millimètres de pluies et se termine au sud avec 400 à 500 millimètres, valeurs bien entendu largement approximatives. De ces données climatiques dépendront, également dans une large mesure, la composition floristique et les caractères de la végétation : il s’agit le plus souvent d’une savane plus ou moins boisée comprenant, avec un tapis de graminées particulièrement dense après les pluies annuelles, un peuplement arbustif et arboré. Les paysages sahéliens sont, dans l’ensemble, assez monotones, surtout dans les plaines sans accidents topographiques importants [...].
Document 5 : Définir le Sahel
Lucile Maertens, doctorante et chercheuse à Sciences-Po Paris et à l’université de Genève,
(http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000540-
le-sahel-un-enjeu-international/le-sahel-sur-la-carte-du-monde#)
Le Sahel marque une zone de transition entre le sud du désert saharien et la ceinture soudano-sahélienne moins aride. Il se caractérise par une pluviométrie se situant entre 200 et 600 millimètres par an. Les précipitations ont lieu pendant la saison des pluies et les plus fortes d’entre elles sont enregistrées au mois d’août.
Document 6 : Des limites naturelles ?
Document 7 : Les différentes limites du Sahara
Document 8 : La densité de population dans le nord de l'Afrique en 2010
Document 9 : Relief et hydrographie en Afrique septentrionale
source : Un atlas du Sahara-Sahel, OCDE 2014, page 29
Document 10 : le découpage de l'Afrique par l'ONU
source géoconfluences
Document 11 : Plan des chapitres consacrées à l'Afrique du Nord et au Moyen Orient dans la Nouvelle Géographie Universelle,
MGM-Reclus, François Durand-Dastès, Georges Mutin (dir.),
volume Afrique du Nord, Moyen-Orienty, Monde Indien, 1995
Livre premier: Afrique du Nord, Moyen-Orient
Introduction
Première partie: Entre Orient et Occident
Chap. 1. Unité culturelle et fragmentation politique
Chap. 2. Rivalités et enjeux territoriaux
Chap. 3. La menace de l'aridité
Chap. 4. Une société en mutation
Chap. 5. Une place nouvelle dans le système Monde? Deuxième partie: La presqu’île du Couchant
Chap. 6. Le Maroc, Occident du Monde arabe
Chap. 7. L'Algérie en déconstruction
Chap. 8. La Tunisie, ou l'articulation mesurée
Chap. 9. La Libye, désert en bord de mer
Troisième partie: L'Orient arabe
Chap. 10. L'Égypte à l'étroit
Chap. 11. La péninsule Arabique, ordre tribal et pétrolier
Chap. 12. Le Croissant fertile, l'unité brisée
Chap. 13. Israël et Palestine, une nouvelle espérance?
Quatrième partie: Le monde turco-iranien
Chap. 14. La Turquie: le modèle unitaire en question
Chap. 15. L'Iran paradoxal
Chap. 16. Il était une fois l'Afghanistan…
Document 12 : Les langues en Afrique de l'ouest
source : OCDE, Atlas régional de l'Afrique de l'Ouest, http://www.oecd.org/fr/regional/atlasregionaldelafriquedelouest.htm#languages
2- En quoi cela forme-t-il un territoire ?
Un territoire = une portion de la surface terrestre appropriée par des sociétés ; ou de manière plus complexe : un agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de l'existence d'un individu ou d'un collectif social et d'informer en retour cet individu ou ce collectif sur sa propre identité. Donc une définition qui prend en compte des éléments naturels, politiques, sociaux (dans cet ordre). Quels sont les éléments qui en font un territoire spécifique ?
Ce territoire est marqué par :
- l'importance des contraintes naturelles, notamment l'aridité qui peut fixer une limite sud et la mer (limites nord et est) et l'océan (limite ouest)
- des contraintes qui sont la base de milieux naturels particuliers :
- milieu désertique
- milieu semi-désertique
- milieu sahélien
- milieu soudanien
- milieu méditerranéen
- Chacun de ces milieux a des paysages spécifiques issus d'éléments naturels (précipitations, températures, proximité de l'océan, altitude, pente, …) mais aussi humains (liés à la mise en valeur principalement agricole : type d'élevage, de cultures, d'urbanisation, …)
- ces limites sont toujours relatives : elles ne suffisent pas à déterminer définitivement des limites.
- une appropriation faite par les marges (nord ou sud), via des acteurs extérieurs (langue, toponymie, colonisation) qui ont fixé des frontières considérées comme intangibles … quoique (Sahara Occidental ; Soudan du Sud, Azawad)
- des richesses naturelles enfouies (pétrole, eau dans des nappes fossiles, paysages pour le tourisme)
- des États qui contrôlent ce territoire à partir des marges (littoral méditerranéen ou Atlantique ; sud du Sahel)
- des fleuves qui peuvent servir d'axe de communication (Nil, Niger)
3- En quoi cela forme-t-il un espace ?
Un espace = une des dimensions de la société qui correspond à l'ensemble des relations que la distance établit entre divers acteurs ou agents. C'est donc un concept social, culturel dans lequel les interactions. Quels sont les éléments qui en font un espace particulier ?
Cet espace est marqué par :
- l'importance des mobilités dans des territoires contraignants : l'aridité et la sécheresse poussent les sociétés à se déplacer pour des raisons agricoles mais pas seulement. Cet espace est considéré comme mobile dans le sens où les relations entre les acteurs présents sont fortement mouvantes, mobiles, fluides ou non.
- Cet espace est considéré comme un espace mobile en expansion par Denis Retaillé, un espace qu'il ne faut pas étudier à partir d'une grille de lecture sédentaire mais à partir d'une grille de lecture nomade.
- Cet aussi un espace marqué par la diversité :
- diversité culturelle (langues, religions, modes de vie, …)
- diversité économique
- diversité sociale
- C'est également un espace marqué par la mixité, principalement la mixité des cultures sur un même territoire. Une mixité qui tend à s'élargir par les mobilités.
- La présence de pôles, nœuds, points de rencontre de taille et d'importance différentes. Ces points, pôles, nœuds organisent l'espace, le polarisent soit positivement (attraction) soit négativement (répulsion d'un modèle ou d'un mode de vie par exemple).
- La présence de flux nombreux, légaux, contrôlés ou non qui relient ces pôles, nœuds, points et qui traversent ces territoires. Ils forment des routes, pistes, axes, appropriés par des acteurs, créant ainsi des territoires en réseau qui traversent plusieurs espaces et qui constituent différents espaces également.
4- Cet espace peut-il être découpé en plusieurs espaces ? A partir de quels critères ?
On entre dans des choix (donc l'usage d'une problématique) pour effectuer ce découpage. Évidemment, il faut dépasser la lecture naturaliste (même si les contraintes naturelles n'ont pas disparu, bien sûr) ainsi que le découpage politique (même si les frontières, les États et les systèmes politiques sont variables) pour s'intéresser à des découpages problématisés : (ce qui fait une série de sujets possibles pour les écrits)
- autour des enjeux géopolitiques
- Les frontières
- les puissances (extérieures, locales, émergentes, …)
- des états faillis ou faibles
- les centres de décision
- les influences internes et externes
- l'intégration régionale
- les déplacés, réfugiés lors de crises
- le terrorisme
- autour des mobilités, des circulations
- mobilités humaines récurrentes (liées au pastoralisme, au commerce)
- mobilités humaines temporaires (migrations, déplacés, réfugiés, tourisme)
- mobilités / flux de marchandises
- autour des enjeux culturels et sociaux
- groupes majoritaires et minoritaire (religieux, linguistiques, ethniques, …)
- diffusion de nouvelles pratiques / normes sociales (et rejet)
- ségrégation, place des femmes, des étrangers, …
- autour des enjeux environnementaux :
- désertification
- changement climatique
- ressources naturelles
- protection de l'environnement
- autour des enjeux économiques :
- puissances
- productions
- consommation
- développement / émergence
- trafics, flux, échanges
- disparités
- politiques économiques
- redistribution des richesses
Il ne faut pas oublier que chacun de ces enjeux inclut des éléments qui l'on retrouve dans les autres enjeux : pas de géopolitique sans nature, sans mobilités, sans enjeux culturels ou sociaux ni sans économie, etc...
De plus, chacun de ces thèmes nécessite l'usage de vocabulaire spécifique à maîtriser.
4- L'Afrique du Sahel et Sahara à la Méditerranée dans les manuels scolaires.
Étude de quatre manuels
1 - un manuel de Terminale (Belin, 2016, pages 226 à 231)
2 - un manuel de Sixième (Hachette 2016 pages 228-229)
3 - un manuel de Sixième (Magnard 2016 pages 201-200)
4 - un manuel de quatrième (Hachette 2016, pages 282-285)
Les représentations qui apparaissent sur les territoires en présence : (analyse très rapide, à creuser)
Sans surprise, elles sont liées aux problématiques du programme :
Terminale :
- un territoire vide, riche, exotique et dangereux. (la fiche eduscol précise que l'on peut étudier trois aspects :
- un espace de fortes contraintes physiques, mais disposant de ressources
- un ensemble politiquement fractionné
- un espace convoité.
- Les limites de ce territoire (Sahara) ne sont pas questionnées (naturelles ? Humaines ? Politiques?)
- cet espace semble paradoxalement à la fois :
- homogène (doc 4 sur les ressources assez bien réparties ; doc 13 sur l'eau souterraine, docs 17 à 19 sur l'insécurité ou les violences.
- Hétérogène (docs 7-8-11 qui montre les ruptures politiques, les frontières ou docs 15-16 sur l'inégal partage des ressources)
Sixième : (habiter dans un espace peu densément peuplé (Thème 2 - Habiter un espace de faible densité : a. Habiter un espace à forte(s) contrainte(s) naturelle(s) ou/et de grande biodiversité / b- Habiter un espace de faible densité a vocation agricole) )
- une société rurale, montagnarde (Maroc) ou non (Sénégal), traditionnelle (maisons en pierres ou cases en pisé) dans un milieu contraignant.
- un espace peu densément peuplé
- un mode de vie traditionnel (transhumance au Sénégal) qui peut s'insérer dans des circuits économiques internationaux (huile d'argan au Maroc)
- → deux points de vue proches mais qui montrent deux évolutions différentes.
- → impression que le développement n'est pas endogène mais exogène (Europe)
quatrième : un espace touristique au Maroc (Thème 2 - Les mobilités humaines transnationales a.Un monde de migrants / b. Le tourisme et ses espaces)
- Un espace intégré dans les circuits économiques mondiaux …
- … mais qui est placé plutôt en position de dépendance vis-à-vis des touristes du Nord … (même si le plan Azur est lancé par l’État marocain, le directeur de l'hôtel a un nom européen)
- dans un milieu naturel souffrant de stress hydrique.
5- Deux lectures complémentaires : espaces et territoires, comment découper le sujet ?
Cette entrée par les territoires et les espaces est importante, même s'il faut affiner cette approche. Comme le précise Denis Retaillé dans divers écrits, il faut dépasser une lecture déterminée par le milieu naturel, une lecture née de la géographie classique du XIX° siècle (qui se base sur un présupposé naturaliste) et confrontée par la colonisation puis la constitution des États indépendants (1956-62). Cette lecture donne toute sa part aux tenant d'une organisation de l'espace fixe, territorialisée dans laquelle les points, pôles, axes, lieux semblent fixes, et ce pour des raisons d’appropriation du territoire au point de vue politique (administration, contrôle du territoire, des frontières, …) mais aussi économique (planification, développement, productivisme, …)
« Comme zone, le Sahel est limité par les isohyètes moyennes, variables selon les auteurs, de 150 et 650 mm de précipitations annuelles, avec 400 mm comme médiane qui, dans les conditions thermiques locales, représentent la limite de l’agriculture sans irrigation. Mais cette définition par la délimitation souffre de graves imperfections : la variabilité l’emporte de beaucoup sur la régularité. Autrement dit, même dans le cas où l’on associe le « genre de vie » au milieu, celui-ci n’en est pas vraiment un, en tout cas pas dans la durée. Et cela se mesure à l’année. Faut-il donc introduire une adaptation à ce pas de temps et un mouvement perpétuel des nomades pasteurs et des sédentaires paysans affrontés le long d’une limite mobile, parce que là est la condition de cette définition qui passe de la nature aux sociétés : il faut alors admettre que même les sédentaires sont mobiles tout comme les « paysages ».
Ce n’est pas encore si simple, et l’introduction de l’inertie comme marche vers l’adaptation permet de ralentir le mouvement jusqu’à le stabiliser en un phénomène géographique inscrit dans la terre, mais il faut changer d’échelle, passer de la zone à la niche. En envisageant les conditions locales d’implantation des établissements humains, la généralité de la zone peut être précisée par la possibilité de tenir le pari d’une forme de production sur la longue durée. Dans les conditions d’incertitude qui prévalent au Sahel, l’agriculture n’est possible durablement que là où les conditions de niche permettent les récoltes, même en cas de défaillance météorologique. Cette contraction au long des fleuves, autour des lacs et mares, ou encore, mais pour d’autres raisons, autour des villes, laisse de vastes intervalles aux circuits du pastoralisme qui en font les bases de sécurité et de repli, mais aussi des aires possibles d’extension des champs agricoles en cas de bonne pluviométrie. Or seule une transcription cartographique analytique séparant par principe pastoralisme nomade et agriculture sédentaire, permet de l’entrevoir et l’on peut se demander quelle est la part de la carte et quelle est la part de la « réalité ». En effet, séparer a priori les nomades des sédentaires, relève du classement écologique sans qu’on puisse être assuré de sa validité géographique et encore moins socio-culturelle. Il faut s’expliquer. Non seulement « nomades » et « sédentaires » sont mélangés, mais ils cohabitent dans les mêmes « localités ». Leurs activités ne sont pas non plus nettement distinguées : parfois elles « s’inversent ». Des « nomades » pratiquent l’agriculture, des « sédentaires » pratiquent l’élevage. Ils forment ensemble une société malgré l’absence de fermeture politique : l’État est très éloigné et l’ethnie relève de la fiction politique bien que parfois instrumentalisée. Mais des hiérarchies et des pouvoirs locaux existent et tantôt c’est la chefferie « sédentaire » tantôt la « chefferie nomade » qui est dominante, composant avec les hiérarchies internes aux groupes dits ethniques. »
Denis Retaillé, « Du paradigme sahélien du lieu à l'espace (mondial) mobile »,
L'Information géographique 2011/1 (Vol. 75), p. 72-73.
Il faut donc se servir de plusieurs grilles de lecture pour penser l'organisation de ces territoires et de ces espaces :
- Par les territoires :
- une grille de lecture naturaliste, qui prend en compte les milieux naturels : (du nord au sud)
- le milieu méditerranéen
- le milieu montagnard méditerranéen
- le milieu saharien
- le milieu sahélien
- le milieu soudanais
- Une grille de lecture politique, par les maillages administratifs et politiques
- les États
- les régions
- les départements (ou équivalents)
- les communes
- Une grille de lecture économique par les zones de production
- les zones de production touristique
- les zones de production
- Une grille de lecture par les territoires urbains
- des centres urbains
- des zones périphériques organisées
- des zones périphériques non organisées (bidonvilles, campements)
- une grille de lecture naturaliste, qui prend en compte les milieux naturels : (du nord au sud)
- Par les espaces :
- les flux de marchandises
- trafics légaux, comptabilisés, connus
- trafics légaux, non comptabilisés, mal ou in-connus et estimés (non déclarés, non taxés) trafics illégaux, par nature non comptabilisés, mal connus et estimés.
- les flux de personnes
- flux de touristes
- flux de travailleurs
- flux de réfugiés
- flux de déplacés
- Des flux à appréhender à plusieurs échelles : régionale, nationale, internationale (à l'échelle du sujet) ou internationale (entre Afrique noire, Europe et Moyen-Orient)
- les espaces linguistiques
- langues officielles
- langues non officielles
- les espaces religieux
- les espaces ethniques
- les réseaux (très fluctuants)
- les flux de marchandises