Problématique : L'usage de pratiques mobiles dont le but est de changer le rapport à la distance avec l'Autre produit-il une archipélisation des espaces touristiques associée à une forte hiérarchie des lieux mis en tourisme ?
Dans ce texte, nous allons voir :
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Que les notions de distance et de mobilité sont au cœur des études géographiques sur le tourisme, notamment dans la notion d'habiter.
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Que ces deux notions, mobilité et distance, supposent ou imposent l'idée d'un contact avec l'altérité ;
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Que ces mobilités entraînent des flux mesurables et hiérarchisés ;
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Que ces activités sont liées à une société particulière dans laquelle le temps libre est plus important et que ces pratiques sont individuelles ou collectives et qu'elles nécessitent ou non des aménagements particuliers.
1- La mobilité, une valeur positive
(dépasser les frontières et prendre en compte une certaine manière d'altérité)
1-1- La mobilité comme mode de pensée touristique et de loisirs
Avec l'avènement des sociétés du temps libre et des loisirs et avec le développement du tourisme, les humain.e.s ont de plus en plus porté sur la notion de mobilité un regard positif. On peut citer le livre de Jean VIARD, l'éloge de la mobilité, éditions de l'Aube, 2006. Pour lui, nous sommes dans une époque de la mobilité généralisée, mais iul faut mettre en place une politique raisonnée, la démocratiser et réduire ses nuisances. De même, John URRY évoque en 2006 (Mobilities) un « mobility turn » de nos sociétés. De même, Zygmunt BAUMAN explique que la mobilité est relationnelle : la mobilité de l’un n’a lieu qu’au prix de l’immobilité de l’autre. Cela signifie qu’il y a des « gagnants » et des « perdants » de la mobilité. Les gagnants étant les élites extraterritoriales, les « propriétaires absents » qui existent « indépendamment des unités territoriales limitées où s’exercent le pouvoir politique et culturel » et qui, toujours prêtes à partir quand bon leur semble, saisissent les opportunités là où elles se présentent. Les perdants étant ceux qui sont retenus sur place et dont les possibilités d’existence sont affectées par la délocalisation du capital mondial.
Il apparaît alors que la mobilité devient un symbole d’ouverture vers l’autre et le monde, d’inclusion sociale , tandis que l’immobilité est associée à l'idée d'exclusion, de fixité, d'ancrage, d'immobilisme. Les mobilités et immobilités dans l’espace géographique apparaissent ainsi associées, dans les représentations et imaginaires, à des mobilités et immobilités dans l’espace social. Les déplacements géographiques ont alors l’image d’être également des mouvements sociaux, d’ouverture, d’intégration, de changement social. De même, ne pas se déplacer dans l’espace géographique renvoie, dans l’imaginaire, à l’absence de tout changement social, sans pour autant que la pertinence de ces représentations soit éprouvée.
Concrètement, au delà de la capacité à se déplacer, il faut s'intéresser aux déplacement lors d'activités de loisirs ou de tourisme sous plusieurs formes et plusieurs échelles :
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des déplacements de proximité pour chercher des aménités naturelles (forêt, plage, campagne, montagne) : un reste des excursions et des promenades aristocratiques ?
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des déplacements de proximité pour pratiquer des loisirs enfermés (sport en salle, culture dans un musée, prières dans un lieu de culte, cours de dessin ou de musique, yoga, etc.)
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des déplacements de proximité à but amical, familial mais aussi de shopping.
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des déplacements de longue distance pour se ré-créer (congés, vacance, farniente) dans un lieu ou sur un territoire.
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des déplacements de longue distance pour découvrir et se confronter à l'altérité (du musée aux parcs naturel et aux voyages de rencontre)
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des déplacements de longue distance pour rencontrer des amis, de la famille.
Il faut aussi appréhender les mobilités sous l'angle des mobilités sur place, là encore à l'échelle locale et à petite échelle :
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des circuits proches (promenades, randonnées)
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des circuits lointains (excursions, randonnées, promenades mais aussi autotours, bus, train touristiques ou non, …)
Cela peut se traduire ainsi selon Hall (2003, page 23) :
Dans sa thèse sur les espaces du tourisme à Kuala Lumpur (Indonésie), page 79, Frédéric BOUCHON écrit :
« Selon Ashworth, le nouveau touriste urbain est caractérisé par les éléments de : sélectivité, rapidité (visites courtes), répétition (visites fréquentes) et inconséquence (capacité d’attention limitée). Il connaît en général bien la destination et n’est plus intéressé par les attractions de la ville. Il recherche les lieux alternatifs, ou ceux de la banalité du quotidien, que Maitland (2009) nomme de la vie de tous les jours. Maitland souligne l’émergence de la quête du quotidien d’une ville par le touriste. Il veut vivre son expérience urbaine comme n’importe quel citadin de cette ville. Se fondre dans le lieu, être pris pour un résident, éviter les lieux touristiques fait partie des aspirations de ce visiteur chevronné, qui ne veut pas être associé à la masse veule des primo-visiteurs. En cela, la politique de création de lieux « iconiques » va à contre-courant des demandes du touriste éduqué et chevronné. Il est plus sensible à l’âme du lieu, représentée par la simplicité de marqueurs anodins, que part des buildings monumentaux, pâles copies d’autres gratte-ciel, ou d’autres vaisseaux iconiques d’autres villes du monde. Le lieu touristique appréhendé de façon purement visuelle, dans une courte visite guidée, reste aride par sa brièveté et l’impossibilité de saisir le contexte. L’ubiquité générée par internet, la possibilité de développer une approche cognitive très élevée de la ville, questionne la relation faite à la ville. La « proximité » cognitive avec une ville se fait par la familiarité avec les constructions iconiques et édifices « signature ». Tout le monde peut reconnaître le Guggenheim de Bilbao, l’Opéra de Sydney, les tours Petronas ou le « carré » de CCTV à Pékin. Cependant l’appartenance à une ville ne se fait que par l’expérience de la ville, au quotidien, au travers de détails urbains, et d’appropriation individuelle des marqueurs du lieu. En cela, Maitland, résume ce besoin d’une vision alternative des villes, tel qu’exprimé par les tendances touristiques actuelles ».
[ Frédéric Bouchon. Kuala Lumpur, métropolisation et mondialisation au risque du tourisme : enjeux et perspectives. Géographie. Université Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2012 ]
1-2- L'importance de modes d'habiter polytopiques
Cette évolution sociétale qui touche le monde urbanisé (occidental ou non) est à associer à la notion d'habitat polytopique développée par Mathis Stock. Dans sa théorie, il propose de dépasser une lecture simple des flux pour s'intéresser à une entrée par les pratiques de l'espace et des territoires. Celles-ci sont de plus en plus liées aux mobilités individuelles qui induit logiquement un abandon temporaire de son lieu de résidence principal pour habiter dans d'autres lieux, secondaires, de manière temporaire (congés ou retraite dans une résidence secondaire ou un hôtel-club dans son pays ou ailleurs ; visite à de la famille ou à des amis ; vacances / tourisme). Selon lui, on peut parler d'habitants temporaires dans des sociétés à individus mobiles. Ces individus, par leurs pratiques régulières ou non, répétitives ou récurrentes, transforment le lieu étranger en un lieu familier. De plus, ces pratiques diverses de plusieurs lieux enrichissent aussi les individus mobiles et donc leur capital spatial et culturel … renforçant ainsi l'idée positive de la mobilité vue plus haut.
Ainsi, on peut rappeler :
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la place des résidences secondaires en France : 3,3 millions (10 % du parc de logements et dont 10 % sont détenues par des étrangers en 2005 – INSEE 2016) : plus de 485 000 en PACA, 370 000 en Rhône-Alpes, 350 000 en Languedoc-Roussillon, 230 000 en Bretagne, 200 000 en Aquitaine, 191 000 en Pays de la Loire, 165 000 en Normandie, 122 000 en Île-de-France, 85 000 en Corse, ….
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la place des résidences secondaires en Europe : 10 % en Espagne, moins de 5 % aux Pays-Bas, 1 % en Grande-Bretagne et en Allemagne.
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des mobilités renforcées entre plusieurs territoires chez des catégories de retraités : Selon les chiffres de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), plus d'un million de retraités percevant une pension française, soit près d'un retraité sur dix, vivent à l'étranger, pour la moitié en Europe, et pour 44 % en Afrique. Précisément, au 31 décembre 2013, 1,27 million de retraités du régime général percevant une retraite personnelle, une pension de réversion ou les deux à la fois, résidaient à l'étranger dans 180 pays. Cela représente 9,4 % des 13,5 millions de retraités à cette date, toutes nationalités confondues. (source les Échos, 30 mars 2015 et 28 novembre 2014) Les principaux pays d'accueil sont le Maroc, la Thaïlande et le Portugal. Plusieurs profils se dégagent : les retraités qui regagnent leur pays d'origine, ceux qui recherchent un cadre de vie agréable ou encore ceux qui compensent la perte de leur pouvoir d'achat.
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De même, on connaît les "Sun City" et autres "The Villages" en Floride pour accueillir temporairement ou non les retraités d'Amérique du Nord. "The Villages" compte 120 000 habitants (8 300 en 2000) et s'est construite autour de règles communautaires strictes interdisant l’installation de familles avec enfants de moins de 19 ans et requérant qu’au moins un de ses membres soit âgé de plus de 55 ans. En Dordogne, on compte 10 000 anglais (sur 420 000 habitants) … surnommé "Dordogneshire".
1-3- … mais une mobilité à distance de l'Autre.
Dans les pratiques de mobilités de loisir ou de tourisme, si l'objectif est parfois de rencontrer les autres, la plupart du temps cela se traduit par des rencontre filtrées par des agences de voyages ou par des barrières (langue, richesse, culture ; murs ou grillages dans les hôtels-clubs).
Cependant, dans les métropoles comme dans tous les lieux de forte urbanité (que Jacques Lévy définit comme une association de la densité et de la diversité), les rencontres et les confrontations avec l'Autre sont facilitées et parfois recherchées (boîtes de nuit, camping, …)
Lieux touristiques et gestion de l’altérité Réflexions autour des pratiques de sociabilité
(source : Vincent Coëffé, « Lieux touristiques et gestion de l’altérité », Mondes du Tourisme, 8, 2013, pages 11-18)
"L’entre-soi est une figure de la sociabilité touristique qui traverse en réalité toute l’histoire du tourisme. Si les stations ont finalement garanti une certaine porosité en permettant la circulation et l’installation d’acteurs qui n’étaient pas des touristes (mais des résidents “permanents” notamment), un nouveau type de lieu est apparu, capable de garantir encore mieux l’entre-soi touristique à mesure qu’émerge le tourisme “de masse” et la fréquentation toujours plus nombreuse de lieux à fort différentiel d’altérité. Le comptoir, qui a constitué une invention littorale majeure dans le monde du tourisme incarne sous la forme du village-club ce passage mais il ne s’agit plus de produire forcément un entre-soi “de classe” (oisive). C’est ce que montre un modèle de lieu comme celui du Club Med. […] La force du comptoir, pour l’individu mal doté en “compétences spatiales” notamment, est son organisation éprouvée qui peut se lire aussi à travers les différentes formes de standardisation qu’il est capable d’offrir (hébergement, restauration, etc.), tout en assurant la coprésence rassurante d’un groupe construit autour d’une même position : celle d’être ici, temporairement, dans un contexte de recréation. […]
De ce point de vue, le comptoir fonctionne comme un “sas”, une enveloppe protectrice qui permet d’affronter individuellement et collectivement l’altérité. Cette fonction d’“entre-lieu” se retrouve d’ailleurs plus ou moins dans les voyages à forfait qui délestent les touristes d’une certaine dose d’inconnu et qui leur permettent de se rendre davantage disponibles aux autres. […]
En pointillés, et sans que les touristes en soient toujours pleinement conscients, les stations et comptoirs ont permis et permettent encore de réduire la distance (culturelle, cognitive) avec certains lieux, préparant les individus qui en font l’expérience, à davantage d’autonomie avant et pendant leur futur déplacement. Ces deux modèles de lieu ont favorisé la multiplication et l’extension des mobilités touristiques en sorte qu’elles ont contribué à l’accroissement des savoirs géographiques des touristes sur plusieurs générations, y compris en termes de compétences de sociabilité dans des lieux du hors-quotidien. […]
Nous comprenons mieux pourquoi […] les métropoles remportent un succès sans précédent auprès des touristes, qui viennent alimenter par la diversité de leurs provenances ces “concentrés de Monde” que sont les grandes villes. Alors que les touristes peuvent toujours opter, à certains moments au moins du séjour métropolitain, pour un retranchement sur leur hôtel aux standards mondialisés, le choix de la métropole est celui d’un lieu qui continuerait de fonctionner sans eux, les touristes ne faisant qu’ajouter à la diversité ambiante qui caractérise l’urbanité, notamment “européenne”. Ainsi, l’entre-soi touristique n’est pas ici le mode de sociabilité privilégié. Le projet des touristes visitant les métropoles est d’abord d’être immergé dans un bain hautement chargé en altérité. […]
Cela se traduit notamment par la volonté des touristes de participer aux grands événements métropolitains (et aux micro-événements qui lui sont liés) au cours desquels ils se mêlent aux résidents, comme lors de l’opération “Paris-Plage” par exemple. Les touristes contribuent même à faire de la métropole en général et de la métropole européenne en particulier un événement permanent, en prolongeant l’animation des rues jusqu’aux confins de la nuit, et en propulsant certaines villes au rang de “lieu du moment” qui est peut-être en train de devenir un “moment de lieu”, comme c’est le cas de Barcelone et de ses ramblas très fréquentées, aux provenances mêlées."
2-L'importance de la distance dans les activités de loisir et de tourisme
2-1 Dépasser la distance métrique par des moyens de communication toujours plus rapides et connectés entre eux.
Sans refaire l'histoire des moyens de transport et du tourisme, il faut rappeler que ces deux activités sont intimement liées :
- le chemin de fer et la marine à vapeur ont pu permettre le développement de stations touristiques ou de régions touristiques au XIX° siècle : Normandie, Biarritz, Côte d'Azur, Chamonix en France ; Vers 1840, les stations de Brighton à Margate (Eastbourne, Folkestone, Hastings, Douvres, Ramsgate) sont à moins de trois heures et demie de Londres, permettant ainsi leur développement touristique.
- Le rôle du train n'est pas que passé : les lignes à grande vitesse qui relient les métropoles entre elles participent aussi de ce mouvement de connexion et d'accessibilité de territoires touristiques. On peut aussi penser à la ligne de train qui relie la Chine des han à celle des Tibétains (Ligne Golmud – Lhassa ouverte en 2006) mais aussi à des train « mythiques » comme le Transsibérien qui participe actuellement à la mise en tourisme de la Sibérie [lire Ekaterina Andreeva-Jourdain, « Le Transsibérien, vecteur de la mise en tourisme des destinations enclavées », Téoros, 32-2 | 2013, 26-36. } ou l'Alaska Railroad Corporation qui participe à cette mise en tourisme de cet état des États-Unis. [Lire Matthieu Schorung, « L’Alaska Railroad Corporation : un modèle ferroviaire original aux confins des États-Unis entre diversification commerciale et stratégie touristique intégrée », EchoGéo, 38 | 2016].
- Il existe aussi des chemins de fer touristiques : en France, le tourisme ferroviaire s’apparente aujourd’hui à une « niche » touristique avec 4,5 millions de visiteurs annuels, on pense au Train Jaune de laCatalogne Française ; en Suisse, les « Glacier Express » et « Bernina Express » des Chemins de Fer Rhétiques (RhB) ; aux États-Unis, l’État de l’Ohio (11 millions d’habitants) compte sur son sol 30 trains touristiques attirant 3 millions de visiteurs ; au Pays de Galles le tourisme ferroviaire valorisant le patrimoine industriel est particulièrement dynamique ; en Inde, le Darjeling Himalayan Railway ou le Nilgiri Mountain Railway ; au Mexique, El Chepe, ou « Ferrocaril Chihuahua al pacifico», unique train de voyageur au Mexique, qui relie Guadalajara à Tequila ; etc.
- La marine a permis de connecter des territoires de bord à bord, facilitant le développement touristique de la Balagne, de Cuba ou de la Jamaïque par exemple, mais aussi des rives de la Manche (XIX° siècle) avec ces pleasure piers, jetées à vocation récréative. La première est à Brighton en 1823. Suivent Scheveningen, Blankenberge et bien d’autres stations. Le bateau à vapeur permet aussi d’atteindre l’Egypte au XIXe siècle et l’Europe à partir des États-Unis, puis les rives de l'Asie. Le Fidji passent du statut d'île-relais (transport trans-Pacifique) à celui de territoire touristique dès les années 1930 (construction de l'hôtel Grand Pacific.
- Au partir des années 1920, l'automobile participe à cette évolution, mais il faut souligner l'effet structurant des autoroutes en Europe ou en Amérique du Nord à partie des années 1950-1970 : des régions entières s'ouvrent au tourisme de masse (Californie, Floride, Languedoc-Roussillon, côtes espagnoles, Alpes du Nord, etc. )
- L'avion enfin permet aussi de créer des lieux touristiques à partir des années 1950 :
- les Antilles françaises mais aussi Tahiti, avec l’inauguration de l’aéroport de Faaa en 1960 ou aux Seychelles, à la suite de l’ouverture de l’aéroport de Pointe Larue, en 1971.
- Entre 1958 et 1967, le trafic de l’ensemble des compagnies, régulières ou charters, vers l’Espagne est multiplié par neuf. Dans le même temps, le courant Amérique du Nord- Caraïbes prend de l’ampleur, à l’instar du flux Europe- Afrique du Nord.
- A Bénidorm (Espagne), dans les années 1970 on a construit des immeubles calibrés sur la taille des avions venant de toute d'Europe.
- Il y a une quarantaine d'années, les stations de Cancun (Mexique), Antalya (Turquie), Nusa Dua (Bali ; Indonésie) ou Sharm al-Sheikh (Égypte), ont toutes été planifiés par des Etats et créées ex nihilo pour accueillir des centaines de milliers de touristes étrangers. De même, Dubaï profite actuellement de son statut de hub aéroportuaire pour développer des activités touristiques (14 M de touristes en 2015.
Selon Jean-Christophe GAY, « Dans les îles de Méditerranée occidentale, les hôtels se sont agglomérés autour de Palma, Ajaccio, Calvi ou Alghero (Sardaigne). Pour les États ou Territoires pluri-insulaires, ce sont les îles principales qui ont d’abord accueilli le flux touristique, car c’est dans ces îles capitales (Viti Levu au Fidji, Mahé aux Seychelles, Tahiti en Polynésie française…) que se sont concentrés les grands équipements portuaires et aéroportuaires, de même que l’adduction d’eau, l’électrification, l’extension du réseau téléphonique, la construction d’hôpitaux et d’écoles, etc. Autant d’éléments indispensables si l’on veut qu’arrivent les touristes et que s’épanouisse le tourisme international. » [source : Jean-Christophe GAY, Transports et mise en tourisme du monde, Cahiers de Géographie - n°4 - 2006)
Exemple : la localisation du tourisme en Corse : un lien fort avec des infrastructures de transport
Exemple : la connexité des parcs à thème, l'exemple de Ocean Parc et Disney à Hong Kong
Exemple : La concentration des touristes en Polynésie française corellée au système aérien
2-2- La baisse du coût du transport, corrélée à la hausse du coût environnemental
Dans le processus de mondialisation que connaît notre Monde depuis quelques dizaines d'années, un des faits les plus marquant est la baisse du coût de transport des marchandises, des personnes et des informations. Le coût du transport aérien est ainsi passé de 0,80 dollar par mile parcouru en 1930 à 0,32 en 1980 et à 0,15 en 2011 (plus d'avions, de passagers, révolution du low cost). Le coût d'un appel de trois minutes entre Londres et New York est passé de 250 dollars en 1930 à 3 dollars en 1990 … et est quasi nul avec Skype aujourd'hui.
Cette baisse du coût est à associer à la baisse du temps de transport (à corréler avec la conjecture de Zahavi (le budget temps consacré aux transports ne varie pas … mais comme les moyens de transports sont plus rapides, nous parcourons plus de distance métrique chaque jour). Les progrès les plus rapides ont eu lieu dans les années 1950-1980 dans le domaine des machines, mais des gains de temps ont été faits récemment notamment dans le domaine de l'intermodalité.
Cependant, si le coût économique baisse, le coût environnemental des mobilités touristiques reste élevé : en 2012, les touristes étrangers sont arrivés sur le territoire métropolitain à 60 % par route, 27 % par avion, 7 % par bateau ou Shuttle (Eurotunnel) et 6 % par train. Or, un trajet longue distance émet en moyenne, par voyageur, 13 fois plus de gaz à effet de serre (GES) s’il est réalisé en avion plutôt qu’en train, 10 fois plus en voiture plutôt qu’en train (le taux moyen d’occupation des véhicules, d’une part, les modes de production de l’énergie employée, d’autre part, entrent en considération). D’après le Groupe de travail sur le tourisme durable de la Commission européenne, les déplacements touristiques occasionnent 8 % des émissions de gaz à effet de serre (en eq.CO2) de l’Europe des 15. Pour le monde, on, estime la part du tourisme à 5 % des émissions totales de GES. De même, la contribution de l’aviation aux émissions de CO2 d’origine humaine est estimée entre 2 et 3 % du total.
2-3- Le temps, valeur centrale au cœur d'une déroutinisation [Norbert Ellias et Eric Dunning, 1994, p 110)]
Dans la compréhension des mobilités dans les loisirs et le tourisme, la prise en compte du temps est essentielle. Au delà du temps gagné pour ce qu'on appelle désormais le temps libre (voir introduction), il faut prendre ce temps livre comme un moment particulier, perçu comme constructif pour ceux qui prennent ce temps pour des loisirs ou du tourisme.
Dans un ouvrage en 2009, Michel Bonneau évoque les loisirs sous l'angle d'un temps dégagé devenu un temps géré, (Michel Bonneau, Les Loisirs. Du temps dégagé au temps géré, ellipses, 2009). Le temps du loisir et du tourisme est un temps dans lequel les temporalités quotidiennes sont remplacées par d'autres pratiques (repos, sieste, promenades, flâneries, …)
Si les lieux du temps lent sont prioritairement l'hôtel-club et le paquebot de croisière, d'autres lieux semblent propices à ce ralentissement du temps :
- les plages (on estime à 50 000 km de plage dans le monde, environ ¼ des littoraux).
- les randonnées ou treks en montagne les principaux lieux sont l'Himalaya, les Andes (chemin des Incas au Pérou), les Alpes (GR 5, Via Alpina 5 000 km), les Rocheuses ou les Appalaches (Appalachian Trail)
- les randonnées ou méharées désertiques :
- Sahara, de la côte mauritanienne à l’Égypte c'est le désert classique, mais soumis à des pressions géopolitiques fortes.
- les déserts du Kalahari (Damaland, Namibie, Boswana, côte atlantique, etc.) plus éloignés des centres émetteurs
- Jordanie, Oman
- Gobi,
- les déserts des États-Unis (Utah, Nevada, Colorado, Nouveau-Mexique) du Mexique (Sonora, Basse-Californie) du Chili (Atacama), de Bolivie, du Pérou.
- Les déserts australiens (déserts de Gibson, de Strzelecki, le grand désert de sable ou de Victoria, avec Uluru, l’inselberg d’Ayers Rock)
- les safaris dans des parcs privés ou publics, principalement en Afrique : Tanzanie (Serengeti, Ngorongroro), Kenya (masaï Mara), Afrique du Sud (Kruger) mais aussi ponctuellement au Togo (parc du W), Cameroun, Namibie, etc.
Dans ces territoires, les pratiques sont plus lentes : vitesse de marche ou voiture au ralenti (pour regarder et photographier les animaux sauvages), les territoires parcourus sont réduits, l'objectif est de ralentir le temps pour se récréer.
Mais le temps est aussi à prendre en compte dans l'aménagement des territoires : il y a un temps avant la mise en tourisme mais surtout un temps qui peut suivre la mise en tourisme avec des cycles de croissance économique et spatiale et des temps de déclin. Si le terme de friche touristique existe, les lieux concernés sont rares (centres de vacances, stations de moyenne montagne, région ou pays en conflit), certains territoires ou sites touristiques peuvent changer de nature et devenir des lieux « ordinaires ». Certains parlent de « post-tourisme » dans lequel les touristes cherchent des lieux moins marqués par l'industrie touristique de masse pour trouver des lieux considérés comme authentique, plus locaux (ou localisés) ou banaux.
2-4- Un mode de relation à l'écoumène.
Ces mobilités participent aussi à une relation particulière à l'écoumène sous deux formes principales, elles-mêmes subdivisées en diverses formes :
- une découverte de l'écoumène :
- Par le voyage vers d'autres destinations, même si le tourisme international augmente, il est quand même limité :
- à des destinations proches, frontalières : L'exemple de l'Allemagne :
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- à 1,2 Milliards de touristes internationaux en 2016 contre 5 à 6 M de touristes domestiques (estimations).
- À des voyages plus ou moins organisés. Selon Atout France, un voyage organisé est un voyage de 2 jours minimum; avec un groupe constitué de 10 personnes ou plus et c'est un voyage d’agrément uniquement, incluant les croisières et les centres de villégiature (dont les resorts). Selon une étude publiée en avril 2016, un peu moins de 7 millions de Français ont effectué un voyage d’agrément en groupe organisé en 2013. Leurs voyages à l’étranger représentent 75 % des journées générées et 84 % des dépenses de ces voyageurs (voir l’infographie ci-dessous).
- Par le voyage vers d'autres destinations, même si le tourisme international augmente, il est quand même limité :
Exemple du Japon :
source : Olivier Dehoorne, Pascal Saffache and Corina Tatar, « Le tourisme international dans le monde : logiques des flux et confins de la touristicité », Études caribéennes [Online], 9-10 | Avril-Août 2008
- une recherche des limites de celle-ci par des pratiques variées :
- pratiques sportives ou de découverte de la nature
- en montagne : randonnée, ski de randonnée, escalade, trek, observation de la faune et de la flore…
- sur le littoral : sur l'estran (promenades, baignades, bronzage, cueillette) ; proche du littoral (ski nautique, voile, yachting) ; hors des côtes (yachting, voile) ; sous l'eau (plongée, snorkling, petits sous-marins) ;
- en forêt tempérée ou tropicale ;
- dans les territoires désertiques : polaires (randonnée raquettes, skidoo, observation de la faune et flore hivernale … → Canada, Groenland, Norvège, Suède, Russie), dans les déserts (méharée, randonnées, promenades à la journée, découvertes ornithologiques ou floristiques → Sahara marocain et égyptien, Jordanie, désert du Kalahari, désert de Gobi) ;
- dans l'atmosphère : parapente, kite-surf, ULM, vol à voile, aviation, …
- des pratiques localisées ou territorialisées (sur un territoire restreint : ville, région, petit pays)
- des hébergements extraordinaires (cabanes dans les bois, tipis, yourtes)
- des sports mécaniques sur des terrains dédiés (moto cross, descente de VTT)
- des visites de découverte d'un lieu
- des pratiques itinérantes sur un territoire régional, national ou international
- randonnées / trekking ;
- auto-tours ;
- tours organisés en bus ;
- voyages seuls en bus ou train (cartes comme Interrail en Europe) ;
- croisières ;
- pratiques itinérantes autour du monde selon deux modes principaux :
- en groupe, sur un temps relativement réduit (1-2 mois) ;
- seul sur un temps relativement long (3-12 mois voire plus)
- pratiques sportives ou de découverte de la nature
2-5- Une mise à distance de soi par des pratiques ludiques
Dans la même logique de recherche de distance et de mobilités, le tourisme actuel se caractérise aussi par une recherche de mise à distance de soi par des pratiques ludiques ou de réflexion. Cette recherche de la distance via la mobilité se produit :
- Lors de séjours :
- séjour de repos dans des hôtels ou hôtels-clubs (piscine) associés à des pratiques sportives organisées dans ce cadre (séjours à thèmes : cyclisme, randonnée, plongée, …). Ces pratiques peuvent être aussi culturelles (cuisine, musique, arts visuels, photographie, …)
- séjour de sport : Jean Pierre Augustin distingue d'une part les activités sportives jouées dans des enceintes dédiées, avec des règles strictes et une compétition comme but et d'autre part des activités ludo-sportives qui se font en plein air ou sans lieu dédié, avec des règles évolutives et larges, sans compétition normée.
- séjour de méditation ou de sports doux (yoga , taï Chi, …)
- Lors de temps de loisirs qui ont les mêmes objectifs mais dans un temps plus bref et des lieux plus proches :
- repos, pique-nique, farniente, prendre un café chez des amis ou dans un bar ;
- dîner au restaurant ou recevoir des amis chez soi ;
- jouer aux cartes, jeux de société, consoles vidéo, internet ;
- pratiquer une activité ludo-sportive ;
- participer à des groupes de méditation, de discussion (lecture, cinéma, …), des cafés littéraires ou géographiques, etc.
3- Des flux toujours plus nombreux et hiérarchises
3-1- Carte des flux touristiques internationaux
Voir sur ce blog : http://geobunnik.over-blog.fr/2017/04/le-tourisme-dans-le-monde.html
Attention, il faut aussi regarder ces flux à d'autres échelles.
Si on se place à l'échelle de l'Europe, les Allemands et les Britanniques sont souvent les premiers clients étrangers des autres pays européens : les Allemands notamment en Italie, Croatie et Autriche et les Britanniques en France et dans la péninsule ibérique. Les Français, très présents dans l’hexagone, ne constituent jamais la première clientèle d’un des 13 autres pays européens les plus touristiques : ils arrivent en deuxième position en Belgique et en troisième en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne. La Belgique accueille en premier lieu ses voisins néerlandais ; de même, la Suède reçoit principalement des Norvégiens. Enfin, les Italiens et les Espagnols sortent encore moins de leurs frontières que les Français.
Dans le Sud de l'Europe, les pays bâtissent le plus souvent leur tourisme sur les plages et l’ensoleillement. Ces littoraux drainent notamment 318 millions de nuitées en Espagne, 202 millions en Italie, 62millions en Croatie et 48 millions au Portugal. La part du littoral est particulièrement élevée en Grèce, Croatie, Portugal et Espagne (plus des trois quarts des nuitées), mais d’à peine la moitié au Royaume-Uni et d’un tiers en France. Les littoraux du Sud attirent la plupart des touristes étrangers, essentiellement des Européens. Les touristes résidents y sont minoritaires, mais ces résultats n’intègrent pas l’hébergement non marchand (dans des résidences secondaires, chez la famille ou des amis). À l’inverse, en Allemagne, en Scandinavie, au Royaume-Uni et en France, ce sont surtout des résidents qui font du tourisme sur le littoral.
Les capitales attirent souvent une proportion importante de touristes étrangers, notamment Paris et Londres, grâce à leur patrimoine architectural et culturel ainsi qu’à leurs centres de décisions économiques. Les régions abritant ces deux capitales sont les premières régions touristiques de leur pays avec 20 %des nuitées. Les touristes étrangers représentent plus de 80 % des nuitées dans l’agglomération de Londres et 55 % en Île-de-France. Dans des pays plus décentralisés comme l’Allemagne et l’Italie, les régions capitales de Berlin et Rome ont un poids économique moins important : elles ne captent que 8%des nuitées,même si elles attirent une proportion importante d’étrangers (respectivement 44 % et 67 % de touristes étrangers). De même, dans de plus petits pays, comme la Belgique et l’Autriche, les régions capitales ne sont pas les principales régions touristiques, mais accueillent 80 % de touristes étrangers. À l’inverse, en Espagne, la région de Madrid attire légèrement moins d’étrangers (48 %) que ses régions littorales.
En Europe, les touristes provenant des autres continents représentent 16 % des nuitées étrangères. L’histoire peut expliquer l’importance de certains flux touristiques. Ainsi, au Royaume-Uni, la clientèle extra-européenne assure 41 % des nuitées étrangères ; elle vient principalement de pays de langue anglaise ou du Commonwealth, États-Unis, Australie, Canada, Inde, Pakistan, etc. La part des nuitées extra-européennes est moitié moindre en France, en Allemagne et en Italie. Dans les 14 pays les plus touristiques de l’UE, la clientèle asiatique est la première clientèle extra-européenne avec 39 % des nuitées. Elle se dirige d’abord vers le Royaume-Uni (17,7 millions de nuitées), puis la France et l’Italie. La France attire plus de Chinois et de Japonais que les autres pays de l’UE. La clientèle chinoise croît rapidement en Europe : depuis 2012, elle devance la clientèle japonaise.
En second lieu, vient la clientèle d’Amérique du Nord (37 % des nuitées extra-européennes). Elle privilégie le Royaume-Uni (17,4 millions de nuitées), l’Italie (14,1) et la France (9,9). Les touristes originaires d’Amérique du Sud et centrale se dirigent d’abord vers l’Italie et l’Espagne, puis vers la France. Les Africains viennent surtout au Royaume-Uni, puis en France, en Italie et en Espagne. La clientèle d’Océanie (7 %) séjourne d’abord au Royaume-Uni (5,4 millions, soit 40 % des nuitées océaniennes des 14 pays), puis en Italie (2,7 millions).
3-2 Une diversité de moyens de transport
Les moyens de transport sont vus de plusieurs manières :
- d'une part comme une expérience du voyage (cyclotourisme, randonnée équestre, méharée, voyage en train ou en bus, croisière …)
- d'autre part comme un moyen de se déplacer. Dans ce cas, il faut souligner l'importance de la multimodalité ou de l'intégration des différents modes de transport.
Ces deux aspects sont associés et permettent de comprendre la variété des flux de transports.
Dans les pays riches, les mieux documentés, le principal moyen de transport est l'automobile (85 % en France). Ce sont donc les autoroutes qui déterminent les principaux axes : exemple de l'Europe.
Le chemin de fer structure aussi ces axes, par des lignes classiques mais aussi par des lignes à grande vitesse. Le rail représente aujourd'hui 12 % des transports en France, mais 6,3 % des arrivées internationales seulement, et même 2,2 % en Italie. En Chine, c'est un mode de transport plus utilisé, et pas uniquement pour les LGV, pour des raisons politiques et culturelles :
De même, les principaux aéroports sont liés à des flux touristiques, mais pas uniquement. Ce sont des portes d'entrées qui structurent les flux mais aussi les territoires touristiques : N'oubliez pas de penser l'aéroport à la fois comme un lieu de départ qui polarise les flux et un lieu d'arrivée.
3-3- Des hubs qui polarisent ces flux : vers une archipélisation du monde touristique
Selon Olivier DEHOORNE, Pascal Saffache and Corina Tatar, « Le tourisme international dans le monde : logiques des flux et confins de la touristicité », Études caribéennes [Online], 9-10 | Avril-Août 2008 , le monde touristique se construit en archipel :
« L’espace touristique dessine une structure en archipel d’où ressort une triade positionnée sur la partie méridionale de la triade économique (Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et du Nord, le Japon et les nouvelles puissances économiques voisines) qui domine le monde. En effet, à partir de ces puissances économiques s’opère un glissement progressif des centres touristiques vers le soleil et la mer, jouant sur les avantages sociaux et économiques que procurent les différences de niveaux de vie et contribuant à diffuser de nouveaux revenus vers le Sud. À l’intérieur de ces bassins, la diffusion des flux est loin d’être uniforme et de répondre à une simple approche centre-périphérie : par exemple sur le pourtour méditerranéen, les séjours des 22 millions de touristes effectués dans les pays d’Afrique du Nord en 2005 se sont concentrés dans quelques secteurs privilégiés des territoires marocains, tunisiens et égyptiens alors que les immensités algérienne et libyenne furent très peu fréquentées avec respectivement 6,5 % et 0,7 % des visiteurs. La situation est identique dans l’Arc antillais où les arrivées touristiques sont très contrastées d’une île à l’autre en dépit d’atouts en apparence très proches. La qualité des ressources et la proximité géographique par rapport aux foyers émetteurs doivent être pondérées au regard de l’importance des choix de développement arrêtés (par exemple en faveur du désenclavement et de l’aménagement des ressources), de la stabilité sociale et politique. L’un des premiers Club-Med de la Caraïbe fut installé à Haïti, pays qui a aujourd’hui disparu de l’espace touristique caribéen (et mondial) tandis que la République dominicaine et les grandes îles voisines, Cuba, Porto-Rico, la Jamaïque dominent le marché régional.
L’espace touristique se compose donc de territoires en réseau, « discontinu et feuilleté » : les territoires touristiques majeurs dominent leur espace régional et s’imposent sur la scène mondiale par la diversité des flux internationaux qu’ils polarisent. À l’inverse l’activité des territoires touristiques, de moindre envergure, en quelque sorte de second ordre, s’organise essentiellement dans le cadre de leur bassin régional. Les territoires s’organisent donc en réseau avec un emboîtement entre les échelles régionales et mondiale. Mais dans le cadre de l’espace touristique mondial, ces réseaux tendent à se superposer et s’enchevêtrer. Quelques exemples peuvent être développés par exemple dans l’ensemble Asie orientale-Pacifique où l’Archipel hawaïen et l’île de Bali constituent des territoires touristiques internationaux vers lesquels convergent une majorité de touristes régionaux, mais également des flux internationaux, représentant des nationalités très variées, qui consacrent la notoriété des lieux. À l’inverse l’activité des destinations telles les îles de Guam, de Jeju (Corée du Sud), de Riau (Indonésie) relève du niveau régional ; la présence des nationalités extra-régionales y est marginale. Bien sûr elles s’efforcent de se placer sur la scène internationale, comme l’île chinoise de Hainan (par exemple à l’occasion de grands évènements comme des concours de beauté du type Miss Univers). Cette approche hiérarchisée est également établie dans l’espace méditerranéen ou caribéen. Dans ce dernier espace, les destinations comme Cuba, la République dominicaine ou la Floride s’affichent sur le plan mondial tandis que d’autres, moins réputées, telles les Bahamas, Belize ou les Îles Vierges demeurent à l’échelle régionale voire confinées dans une logique nationale pour des îles comme Curaçao (Antilles néerlandaises), la Guadeloupe et la Martinique (Antilles françaises, 90 % de touristes nationaux). »
Cette archipélisation a été rendue possible grâce aux moyens de transports et à des choix politiques et économiques : libéralisation des marchés de l'aviation, choix de destinations « hors sol » par des autorités nationales (Cancun au Mexique, Pataya en Thaïlande, Charm el Cheikh en Égypte, îles mise en tourisme aux Seychelles : on parle alors de comptoirs touristiques, c'est à dire des lieux touristiques créés par et pour le tourisme, maîtrisés par un acteur unique, promoteur ou concessionnaire de l’exploitation du lieu. Ce sont des lieux fermés où s’applique une réglementation spécifique et au sein duquel la fonction d’hébergement est essentielle. Aucune population permanente n’y réside.
Ce sont aussi stations touristiques définies par l’omniprésence de l’activité touristique, qui est créatrice du lieu et y conserve une place prépondérante : elles sont en effet créées par et pour les touristes. À la différence des comptoirs, les stations sont des lieux ouverts, habités par une population permanente, dont l’activité n’est pas forcément liée au tourisme et qui peut évoluer vers une ville à part entière (cas de la Baule).
Comme les autres territoires ou lieux touristiques, ceux-ci sont dépendants de mobilités organisées par des compagnies de transport et des tours opérateurs. Il ne faut pas les négliger car les mobilités créées par ces lieux ont aussi créé des aménagements spécifiques (port, aéroport).
4- Des aménagements toujours plus nombreux et plus grands pour gérer ces flux
4-1- Un gigantisme assumé des infrastructures de transport et d'accueil
La libéralisation des transports aériens (apparition de nouveaux acteurs, low cost ; alliances entre compagnies majeures pour garder une taille mondiale : Skyteam, One world, Star alliance ...) , couplée à une hausse des mobilités (élévation du niveau de vie, culture de la mobilité, urbanisation, …) ont abouti à une polarisation des flux dans des métropoles ou des hubs, mais cela s'est accompagné d'aménagements toujours plus grands.
- Les aéroports : Depuis 1950, le trafic aérien est passé de quelques millions de personnes à 1 milliards en 1986 puis 2 milliards en 2006 et plus de 3,5 milliards aujourd'hui. Les premiers aéroports mondiaux gèrent un trafic de plus de 90 000 000 personnes par an (soit près de 250 000 personnes par jour ou 7,5 M par mois). Les constructeurs aéronautiques ont suivi cette évolution en proposant des longs courriers toujours plus grands et accueillant toujours plus de passagers (Boeing 747, 1970 = 400 à 600 passagers ; Aibus A 380, 2007 = 500 à 850 passagers). Les aéroports ont du adapter leurs pistes et les aérogares pour accueillir ces avions. En 2017, seuls 64 aéroports peuvent le faire. Ainsi, l'aéroport de Roissy a ainsi dû construire un aérogare spécial (aérogare 2E). De plus, le système d'organisation en hubs a renforcé quelques aéroports qui se positionnent comme hubs régionaux (en Europe : Paris, Londres, Francfort, Madrid, Istanbul, Moscou / en Asie : Singapour, Dubaï, Bangkok, Shanghai, Beijing, Osaka, Tokyo / en Amérique : Atlanta, New York, Los Angeles). Dans chaque pays ou région, d'autres hubs secondaires relayent ces centres.
liste des hubs par compagnie aérienne, selon Alliances
- Les ports connaissent la même évolution, non pas pour le transport de passagers (en hausse réduite) mais pour les croisières. Les Grands ports de départ se sont agrandis pour permettre un accueil toujours plus massif de passagers. Les paquebots sont toujours plus grands (Harmony of the Seas, 5 500 passagers + 2 400 membres d'équipage)
source : Le Figaro
- Les ports se sont adaptés à ce gigantisme,comme le montre l'exemple du port de Barcelone : Les chiffres du tourisme de croisière sont aussi éloquents. Barcelone est le premier port de croisière de Méditerranée depuis 2004. En 1994, le port accueille 175 376 passagers, 576 204 passagers en l’an 2000, pour la première fois 1.049 230 passagers en 2004 et en 2010 le record de 2 347 976 passagers est atteint (Port de Barcelone, 2000, 2004, 2010). La moyenne des 700 escales par an pour la première décennie du millénaire est franchie avec 900 escales pour 2010 et surtout 260 millions de retombées sur l’économie locale pour les statistiques de l’autorité portuaire de Barcelone (Puerto de Barcelona, 2011). Ces données représentent le succès des aménagements conséquents que la ville décida lors de sa remise en question au plan économique et de l’aménagement de son port dans les années 1980. Le taux de progression est de 9 % par an pour le nombre d’escales ces trois dernières années. Barcelone devient de fait le premier port touristique de croisière d’Europe et le 4ème du monde avec les bases navales américaines d’une dimension supérieure dont Miami reste inégalé. Josep Oriol, directeur du Port de Barcelone, peut alors affirmer en 2004 : « Le Port de Barcelone possède maintenant une renommée internationale, provenant de la présence des grands opérateurs internationaux de la croisière. De plus, il dispose des meilleurs installations et équipements de services du continent européen pour ce type de trafic maritime ». source : Patrice Ballester, « Les nouvelles logiques spatiales du port de Barcelone : tourisme de croisière, aménagement et paysage », Études caribéennes, 18, Avril 2011.
- A une autre échelle, les gares des métropoles européennes ou asiatiques (Chine, Japon surtout) se sont aussi adaptées à ces flux concentrés dans le temps et l'espace.
- Principales gares européennes :
- Gare du Nord (Paris) = 207 M (2015)
- Hambourg = 164 M
- St Lazare (Paris) = 160 M
- Rome Termini = 150 M
- Francfort = 130 M
- Milan = 120 M
- Zurich = 120 M
- Waterloo (Londres) = 103 M
- Cologne = 102 M
- Berlin Hauptbanhof = 100 M
- Gare de Lyon (Paris) = 90 M
- Madrid = 88 M
- Gare Victoria (Londres) = 85 M
- Exemple Hauptbanhof de Berlin : La Gare centrale de Berlin est l'un des projets architecturaux les plus spectaculaires de la capitale. Après onze ans de travaux, l'ancienne Lehrter Stadtbahnhof, devenue la gare de croisement la plus grande et la plus moderne d'Europe, a été réouverte le 28 mai 2006. On y trouve deux niveaux principaux pour la circulation des trains et trois niveaux de correspondance et commerciaux. Néanmoins, le concept d'une « cathédrale des transports » n'a pas pu être totalement réalisé comme le souhaitait l'architectecte Meinhard von Gerkan. Par exemple, la construction voûtée devait faire place à un toit plat, et la toiture en verre a été considérablement raccourcie au-dessus de la voie ferrée supérieure. Malgré tout, la gare possède une structure filigrane, colossale et lumineuse. Le grand hall de verre de 321 mètres de long du chemin de fer urbain s'étendant dans le sens Est-Ouest est traversé par le hall de la gare, long de 160 mètres et large de 40 mètres, orienté dans le sens Nord-Sud. Un système raffiné de grandes ouvertures dans les plafonds de tous les étages laisse passer la lumière du jour jusqu'aux voies inférieures. L'architecture souligne le caractère de la gare, carrefour de transports. La signification de la nouvelle gare centrale berlinoise, interface dans une Europe en croissance, a été le facteur déterminant du projet des architectes hambourgeois Gerkan, Marg & Partner.
4-2- L'importance grandissante de la connectivité
Ces aménagements sont à relier à l'idée de connectivité et de multimodalité. Les gares, aérogares et ports actuels sont pensés de manière à associer plusieurs modes de transports afin de faciliter les mobilités.