Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Geobunnik

Le blog d'un enseignant qui prépare au CAPES et au CRPE en géographie à l'ESPE de Corse à Ajaccio et Corte.

Les acteurs du tourisme et des loisirs

Publié le 27 Mars 2020 par geobunnik in Tourisme

Objectifs

  • comprendre comment fonctionnent les systèmes touristiques et de loisir, en étudiant les acteurs de ces systèmes ;
  • Analyser des pratiques touristiques et de loisirs ;
  • comprendre que ces pratiques sont liées à des choix individuels et collectifs ;
  • Déconstruire des représentations sur ces acteurs ;
  • organiser ses idées dans un plan.

Problématique : La pratique des loisirs et du tourisme, en se confrontant à l'altérité doit-elle passer par des intermédiaires ?

 

1-L'invention du touriste

1-1- Une courte histoire des touristes aux XIX° et XX° siècle

Pour étayer ces propos, on peut s'appuyer sur

  • les ouvrages de Marc BOYER : le Tourisme de Masse, l'Harmattan, 2007 ; le tourisme en France, EMS, 2003 ;
  • ceux de Jean BOUTIER. Le grand tour : une pratique d'éducation des noblesses européennes (XVIe-XVIIIe siècles). Le voyage a l'époque moderne, n° 27, Presses de l’Université de Paris Sorbonne, p. 7-21, 2004 ;
  • ceux de Jean-Didier Urbain : L'idiot du voyage, Histoires de touristes, Plon, 1991 ;
  • ceux d'Alain CORBIN : L'avènement des loisirs ou le désir de rivage 1850-1960, Flammarion, 1995.

 

Selon Marc BOYER, il y a eu à la fin du XVIII° siècle en Grande Bretagne et dans les régions germaniques, une « révolution touristique » qui s'est basée sur une quête d'exotisme de la part d'une élite urbaine romantique. Celle-ci part à la recherche de paysages particulièrement pittoresques, sur les rivages ou en montagne. Cette pratique fondamentalement liée au romantisme (fin XVIII, mi-XIX° siècles) met en avant ces paysages dans les poésies de William BLAKE ou de Victor HUGO jeune ou dans les tableaux de Caspar David FRIEDRICH, de William TURNER.

Les romantiques sont attirés également par d'autres rivages, méditerranéen. Ils entreprennent alors ce que l'on va appeler par la suite 'le Grand Tour' ou 'Touring' ; des longs voyages des élites (nobles puis bourgeoises) européennes vers le sud de l'Europe, voire vers l'Orient idéalisés ou vers les montagnes européennes, principalement les Alpes. Ce voyage est destiné à compléter l'éducation qu'un jeune homme a reçue dans les écoles urbaines.

Les premiers guides de voyage paraissent, destinés à l'éducation des jeunes gens : observations, descriptions des lieux à visiter y dominent. Les premiers itinéraires se dessinent, évoluent selon les conditions géopolitiques.

Marc BOYER parle de « l'invention de l'inutile » pour évoquer des nouvelles pratiques développées au XIX° siècle qui se basent sur les loisirs, le temps libre, mais aussi :

  • les nouveaux moyens de communication : le train, le bateau à vapeur, le vélo, l'automobile.
  • Les nouveaux moyens d'expression : le téléphone, la photographie, les guides de voyage, les récits de voyage, etc.
  • Un désir d'exotisme qui pousse à l'invention de lieux : la Méditerranée, les Alpes, les Pyrénées, l’Égypte, …
  • Des nouvelles pratiques :
    • le bain (mais pas encore dénudé, il faudra attendre le XX° siècle avec le 'sea, sand and sun') ;
    • le spa (du nom d'une commune belge) ;
    • la promenade ;
  • Des saisons qui apparaissent :
    • On va en montagne l'été pour chercher la fraîcheur et éviter les miasmes des villes polluées, sales. En Inde, les colons britanniques quittent la plaine pour gagner les piémonts : Darjeeling devient une station de montagne. En Corse, Vizzavona accueille ses premiers hôtels et touristes avec le train. Dans les Alpes, les stations de Chamonix, Megève, et Saint-Gervais se développent au cours du XIX° siècle, profitant du développement des transports routiers puis ferroviaires, et d'une mode impulsée notamment par la noblesse impériale (sous Napoléon III). Ce n'est qu'au XX° siècle où le ski alpin fait son apparition que ces stations deviennent aussi des stations de sport d'hiver.
    • On gagne les littoraux l'hiver ; la Côte d'Azur, Ajaccio deviennent des stations d'hiver pour les touristes anglais : le Bois et la Chapelle des Anglais à Ajaccio qui devient une station à partir de 1868 et la construction du 'Grand hôtel d'Ajaccio et continental', 100 chambres, des visiteurs prestigieux comme l'empereur d'Autriche ou l'écrivain Joseph Conrad  ; promenade des Anglais à Nice en 1835-1856. Mais aussi des touristes français : l'impératrice Eugénie donne l'exemple à Biarritz, la bourgeoisie parisienne au Touquet-Paris-Plage ou à Deauville et ses planches. On a le même phénomène en Grande Bretagne (Bath, Blackpool, ) en Italie (Venise, ) en Allemagne . Ces stations sont organisées en « côtes » : Côte d'Azur, Côte d'Opale (Nord), Côte d'Argent (en Gironde), Côte d’Émeraude (en Normandie).
    • On développe des stations thermales comme Spa, Brighton, Marienbad ou encore Vichy, Volvic, Contrexéville,

Attention, ce phénomène ne touche pas que l'Europe : en Argentine, la station de Mar del Plata sert de lieu de villégiature pour les habitants de Buenos Aires ; De plus, aux États-Unis, la recherche de nature (la wilderness) aboutit à créer des parcs naturels destinés à la fois à une protection totale de la nature et à son exploitation touristique (Yosemite 1864, parc non pas national mais californien, Yellowstone 1872, premier parc naturel national) : ce dernier étant un « monument culturel … fondé pour le bénéfice et l'agrément du public »

Des nouveaux aménagements, quasi exclusivement privés, sont créés : l'objectif est de faire des villes destinées au loisir, à l'agrément, au repos autour du modèle de la cité-jardin. La nature y est très présente, mais de manière artialisée, mise en scène. L’hôtel remplace l'auberge. Il reproduit la demeure bourgeoise idéalisée : un grand salon, une salle à manger, un escalier monumental, l'électricité et l'eau dans les chambres, … en somme la modernité et surtout l’urbanité. Des villas lorsqu'on revient plus fréquemment. Ces constructions répondent à des canons esthétiques du moment. La promenade (la plus connue étant celle de Nice), parfois aussi appelée croisette (à Cannes) ou remblai (aux Sables-d'Olonne) : ce sont des lieux de promenade pour se montrer et discuter. Des aménagements urbains accompagnent ces bâtiments : un opéra, un théâtre, des parcs, un hippodrome, et plus modestement des kiosques à musique, des terrains de tennis, etc. Enfin, les aménageurs créent des aménagements pour les transports, principalement une gare de chemin de fer.

 

1-2 L'avènement des loisirs

Au début du XX° siècle, le tourisme suit la même évolution : il est élitiste et commence à imposer ses codes aux autres couches de la société occidentale. Il reste en effet un phénomène occidental (Europe, Amérique du Nord, Australie) qui subit les influences des pays neufs : les conventions sociales vont en être changées après la deuxième Guerre mondiale, lorsque le modèle américain, l'American Way of Life, s'imposera en Europe.

Pendant les années 1910-1940, le tourisme s'étend à la montagne en hiver : les premières stations de sport d'hiver (Chamonix, Zermatt, Davos, …) rassemblent la haute société européenne.

Parallèlement, les classes moyennes et populaires accèdent peu à peu à la société de consommation et surtout à la société des loisirs : les premiers congés payés sont accordés par des lois en Europe et en Amérique du nord avant la fin de la deuxième Guerre mondiale. Les premières colonies de vacances sont créées dans l'entre-deux-guerres, le scoutisme se développe aussi.

Le temps consacré au travail diminue régulièrement au cours du XX° siècle dans tous les pays industrialisés : exemple de la France lié aux lois sur la durée du temps de travail …

hebdomadaire

  • 1900 : 11 heures maxi par jour, 7 jours par semaine
  • 1906 : limitation à 6 jours par semaine
  • 1919 : semaine de 48 heures (8 heures, 6 jours)
  • 1936 : semaine de 40 heures (8 heures, 5 jours)
  • 1981 : semaine de 39 heures
  • 2000 : semaine de 35 heures

et annuel, lié aux congés payés :

  • 1900 : pas de congés payés obligatoires
  • 1936 : 2 semaines
  • 1956 : 3 semaines
  • 1968 : 4 semaines
  • 1981 : 5 semaines

Attention aux idées reçues, les français ne sont pas ceux qui ont le plus de jours de congés par an : (si nous disposons de 11 jours fériés potentiels, seul le 1er mai est un jour de repos obligatoire, les autres peuvent être travaillés) : Allemagne 24 jours de congés maximum + 10 de fériés payés (= 34 jours) ; Espagne : 22 + 12 ((donc 34 aussi) ; Italie : 20 +13 (soit 33) ; France : 30 + 1 (donc 31) ; GB : 20 + 0 (soit 20) [source OCDE 2009]

Des outils sont créés pour encadrer ces nouvelles pratiques :

  • Des outils pour les loisirs :
    • des guides et des revues pour pratiquer ;
    • des sites internets d'entreprises, associatifs ou individuels pour pratiquer seul, s'entraîner, améliorer des pratiques, découvrir, etc.
    • des associations qui dispensent des conseils ou des leçons
    • des entreprises (commerce pour animaux, sports, jardinage, …) qui proposent leurs services.
  • Des outils pour le tourisme :
    • Les premiers guides se diffusent  : Le premier guide de voyage moderne est écrit en 1784 par Reichard (en allemand) : Guide des voyageurs en Europe (trois volumes). Il est traduit et diffusé en Europe principalement après les guerres napoléoniennes. Guides Murray (GB) dès 1836, Guides Baedeker (All) dès 1839, Guides Hachette du voyageur (F) qui suivent eux aussi les itinéraires ferroviaires à partir de 1851. Ils sont appelés aussi Guides Joanne (1851-1916) puis Guides bleus. En 1900 le premier guide Michelin pour l'exposition universelle de Paris.
    • Les premières cartes routières sont publiées (Michelin 1905 à l'occasion d'une course automobile puis en 1908 : quatre cartes de France. En 1910 : carte des routes de la Méditerranée et de la région parisienne) soulignent des itinéraires pour les bicyclettes ou les automobiles. 
    • Des ouvrages d'écrivains-voyageurs se diffusent, etc.
    • Enfin, les premiers événements sportifs d'ampleur nationale ou continentale (voire mondiale) diffusent la valeur 'sport' et pousse aux grands rassemblements populaires autour de ces événements qui se déroulent dans des cadres champêtres : le tour de France cycliste en 1903 ; les courses automobiles (rallye de Monte Carlo 1911); les jeux olympiques 1896 : très vite dans les grands centres touristiques = Paris 1900 et 1924 / Londres 1908 / Chamonix 1924 (premiers jeux d'hiver) / Saint-Moritz 1928 et 1948 / Lake Placid 1932 / Garmisch-Partenkirchen 1936

Comme l'a montré Alain CORBIN, les rapports à l'environnement et à la nature changent : on n'a plus un regard romantique sur la nature caractérisé par l'observation ou la contemplation mais un regard d'urbains qui cherchent à échapper à la ville et à jouir des plaisirs de la nature : voile, ski, randonnée, …

Un grand tournant a lieu dans les années 1960 avec l'avènement de la société des loisirs à partir du modèle non plus aristocratique européen mais du modèle démocratique et du tourisme de masse venu des États-Unis et même plus précisément de Californie et de Floride.

La plage devient un lieu de détente et de bronzage. Le culte du corps halé et sculpté par le sport se diffuse, voire s'impose dans les sociétés occidentales puis dans les pays non occidentaux : Japon, Corée puis Chine ou Brésil : les classes moyennes, urbaines, découvrent que le temps libre peut être occupé à des loisirs de découverte, de sport ou de farniente.

Si le modèle aristocratique semble dépassé (élitisme, spas ou golf, admiration des paysages), il ne disparaît pas mais se transforme : les pratiques nouvelles restent sociales (certains lieux doivent être visités ou on doit toujours y être vus : combien de t-shirt avec des noms de lieux touristiques : « j'ai gravi la Grande Muraille », …), elles restent urbaines : on quitte la ville pour gagner des lieux urbains : l'hôtel, le club (invention des années 1950 par Gilbert Trigano et le Club Méditerranée), les stations de ski ou les croisières (concentration humaine, verticalité, horaires fixes, …).

De plus, en plus d'être un temps des loisirs ce troisième temps est aussi celui de deux autres moyens de transport :

  • l'automobile (qui permet de traverser le pays, d'abord sur les routes nationales, comme la Nationale 7 – chanson de Charles TRENNET ; puis sur les autoroutes aux noms touristifiés : autoroute du soleil (A 6), des estuaires (A 10), du littoral (A 55 – Marseille), blanche (A 40 - Alpes) …
  • l'avion qui devient un moyen de transport de masse dans les années 1980 à travers des vols réguliers et surtout des vols charters. Ces vols permettent de relier des enclaves touristiques éloignées mais qui se ressemblent de plus en plus : le sud de la Thaïlande, les îles et les villes de la Méditerranée, les îles des Caraïbes, les métropoles mondiales, … On passe ainsi de 700 millions de passagers au milieu des années 1980 à 4 milliards de passagers millions prévus pour 2017 (source IATA). Les compagnies aériennes connaissent aussi une évolution avec la libéralisation du marché aérien dans les années 1980 (États-Unis) et 1990 (Europe et Asie) : sur les courts et moyens courriers, les compagnies nationales traditionnelles sont concurrencées par des compagnies low cost qui proposent des services moindres à des coûts faibles.

Ainsi, en 2010 les espagnols ont passé 92 % de leurs vacances en Espagne et 8 % à l'étranger ; les français 89 % et 11 % ; les Suédois 75 et 25 ; les allemands 66 et 34 et les britanniques 52 et 38 %)

Durant cette période, l’État devient un acteur du tourisme :

  • d'abord en augmentant le nombre de jours consacrées aux loisirs : RTT en France à partir de 1997, congés payés plus longs (en France : troisième semaine de congés payés en 1956, quatrième en 1968-1970 et cinquième en 1982), … à une période où les classes moyennes sont plus nombreuses (d'abord dans les pays occidentaux puis dans les pays émergents. En France, les taux de départ en vacances, qui étaient de 15 % en 1950, dépassent les 40 % dès 1961, 50 % en 1975 et atteignent 74,1 % en 1999.
  • Ensuite en investissant au profit du tourisme : voies de communication (notamment les autoroutes et les aéroports), plans pour installer des stations balnéaires ou des stations de ski. C'est particulièrement visible en Méditerranée : France, Espagne, Tunisie, …

Le tourisme devient alors une valeur partagée dans le monde entier par les classes moyennes urbaines qui y voient l'occasion de se recréer et d'afficher un statut social. L'urbanisation du monde conjuguée à la mondialisation permet à la fois une augmentation du nombre de touristes et un accroissement des territoires dédiés au tourisme : des nouvelles destinations apparaissent, en Méditerranée : Tunisie, Maroc, Turquie, Égypte (qui passe d'un tourisme élitiste à un tourisme de masse très localisé) ; en Asie : Thaïlande, Indonésie ; en Amérique : les Caraïbes, le Mexique ; … L'offre suit donc la demande des urbains.

Ce lien entre urbanisation et tourisme se retrouve dans les temporalités des départs en vacances (en lien avec les congés payés, le salariat et les vacances scolaires).

Les touristes deviennent alors un acteur majeur d'un système qui se met en place. Ils sont de plus en plus nombreux : 25 millions de visiteurs internationaux en 1950 → 150 millions en 1970 (x 6) → 285 millions (x 2) en 1980 → 600 millions (x 2) en 1997 et 1,2 milliards (x 2) en 2016. La dernière décennie du XX° siècle apparaît alors comme celle d'une euphorie touristique :

« les murs tombent, les frontières s’ouvrent, les formalités douanières sont allégées. Cette décennie fut propice au tourisme international, à la tentation du tourisme international, pour des citoyens qui avaient jusque-là des habitudes de villégiature dans leur espace national. [...] Le contexte international est extrêmement favorable au tourisme. D’autres grands territoires font leur entrée sur le marché comme l’Afrique du Sud et la Chine. L’Afrique du Sud post-apartheid sort de son isolement et devient rapidement le leader du tourisme africain (8,4 millions en 2006). L’impact de l’ouverture de la Chine est considérable pour le tourisme : ce pays longtemps proscrit (seulement 17 877 visiteurs étrangers recensés en 1965) s’impose désormais sur la scène mondiale : 49,6 millions de touristes internationaux en 2006 (et 72 millions d’emplois en relation avec cette activité) ».

[Olivier Dehoorne, Pascal Saffache et Corina Tatar, « Le tourisme international dans le monde : logiques des flux et confins de la touristicité », Études caribéennes, 9-10 | Avril-Août 2008]

Olivier DEHOORNE estime que le tourisme à la fin du XX° siècle devient un temps du « tout tourisme » :

« Phase brève mais euphorique, la dernière décennie du XX° siècle se caractérise par une prodigieuse expansion de l’espace touristique. 1989, les murs tombent, les frontières s’ouvrent, le monde bipolaire prend fin. Les jeunesses occidentales sont curieuses de découvrir les pays d’Europe centrale et orientale longtemps retranchés derrière le Rideau de fer comme l’Allemagne de l’Est, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, etc. L’unification du monde sous la seule bannière capitaliste semble alors prometteuse. Le champ des territoires ouverts au tourisme ne cesse de s’élargir et le contexte géopolitique paraît très favorable.

C’est aussi la période de l’ouverture de la Chine (17 877 visiteurs étrangers recensés en 1965, puis 31,2 millions en 2000 et 57,6 millions en 2011), de l’Afrique du Sud post-apartheid (seconde destination touristique africaine derrière le Maroc, avec 8,4 millions de touristes en 2011), du Vietnam (1,4 millions de touristes en 2000 et 6 millions en 2011), sans oublier le positionnement de nouvelles destinations caribéennes (comme Cuba et la République dominicaine) sur le tourisme balnéaire de masse. »

Source : Dehoorne Olivier, « Une histoire du tourisme international : de la déambulation exotique à la bulle sécurisée », Revue internationale et stratégique, 2013/2 n° 90, p. 77-85.

 

L'idée du tout tourisme est certainement excessive : le tourisme étend son emprise sur de nouveaux territoires selon la même logique que dans les années 1960 : vers des marges proches ou accessibles. De même, Philippe Violier propose de penser l’histoire du tourisme en trois temps : [Philippe Violier, « La troisième révolution touristique », Mondes du Tourisme, Hors-série | 2016 pages 7 et 8]

  • l'invention du tourisme
  • le tourisme de masse
  • la troisième révolution industrielle

Source : Philippe Violier, « La troisième révolution touristique », Mondes du Tourisme, Hors-série | 2016 pages 7 et 8.

On peut aussi résumer cette histoire du tourisme ainsi :

Auteur: Benoît Bunnik

 

2- Dans le tourisme : l'altérité ou l'ailleurs comme demande sociétale ?

Que cherche-ton quand on est touriste ? des loisirs ? De le re-création ? une pratique égo-centrée ? de l'individualisme ? … le tout se caractérisant par un paradoxe entre des pratiques de groupes et une recherche individuelle ? Une enquête de l'OMT estime que 52 % des voyageurs circulent pour la recréation, 27 % pour rendre visite à des parents et amis et 17 % pour affaires (7 % ne précisent pas) … mais l'OMT ne s'intéresse qu'au tourisme international.

 

2-1- Les motivations des touristes

On peut dépasser les critères déjà vus : occidental – classe moyenne ou supérieure – urbain … Et trouver d'autres éléments de différenciation qui tournent autour de la question de savoir si on peut calculer le capital touristique des personnes, à partir de données chiffrables (niveau de revenu et temps disponible), mais aussi à partir d'expériences, d'une culture des loisirs et du tourisme qui se construisent progressivement dans le cadre familial, professionnel ou amical  :

  • Il ne faut pas oublier que dans le tourisme, le déplacement a pour objet de se recréer dans un ailleurs plus efficace que le lieu de résidence habituel. Cette recréation s’effectue selon quatre modalités principales :
    • le repos,
    • la découverte,
    • le jeu
    • le shopping. [source : Violier, Philippe. « Tourisme et médias : regards d'un géographe », Le Temps des médias, vol. 8, no. 1, 2007, pp. 159-170 ]

En décembre 2011 en France, si 51 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont partis en vacances contre seulement 18 % des ouvriers, ceux-ci ne sont pas très éloignés de l’ensemble des français qui ont un taux de départ, toutes professions et catégories sociales confondues, de 26 %, et un taux d’intention de départ de 22 % en février 2012, et de 17 % en mars 2012. (source : INSEE, «Tableau de bord du tourisme», DGCIS, Février 2012)

Marc BOYER (Le tourisme de masse, 2007), propose une nouvelle pyramide sociale de diffusion du tourisme qui propose de placer au sommet de la pyramide les stars, nouvelles idoles contemporaines, puis les autres décideurs culturels et sociaux, et plus bas les classes moyennes et tout en bas les ouvriers et agriculteurs.

Dans l’ouvrage Tourismes 1 de l'équipe du MIT (Belin 2008), il est précisé qu'on ne devient pas touriste, on le devient : l'apprentissage se fait :

  • selon les CSP, l'âge (quand on est jeune, quand on est retraité, …), ses revenus : dans les classes supérieures, les voyages internationaux des enfants jouent un rôle de socialisation des élites, les séjours se font plus souvent à l'étranger ou dans des résidences secondaires. Il s'agit alors d'intensifier les pratiques de sociabilité et de loisir, « pour « compenser » un temps de loisir quotidien en baisse ». en 2007 Anne-Catherine Wagner a montré [« La place du voyage dans la formation des élites », Actes de la recherche en  sciences sociales, no 170, p. 61-67 ] comment les voyages, inscrits dans un ensemble éducatif plus vaste (lycées internationaux, grandes écoles, stages à l'étranger, programmes d'échanges, etc.), contribuent à former les élites (une résurgence du Grand Tour?). Les élites cherchent alors à transmettre des savoirs-faire et des savoir-être (accès aux langues, aux cultures, mobilité, apprentissage du musée, …). Ainsi, contrairement aux immigrés d'origine populaire, souvent bilingues eux aussi, les capitaux hérités et la légitimité des langues acquises leur permettent d'en tirer le profit maximal. De même, le choix de vacances « distinguées », la fréquence, les départs décalés (au soleil l'hiver, à la montagne l'été, etc. mais aussi dans certains lieux ou certains clubs de vacances comme le Club Med), la pluralité des types de vacances caractérisent les modèles des classes sociales supérieures.
  • Le « devoir de partir » n'est pas ressenti par tous comme une injonction, les classes populaires peuvent se réapproprier le temps libre pour des usages sédentaires et « vacanciers » à leur domicile. Ainsi, à niveau de revenu égal, certains partent, d'autres non. Certains non-partants le vivent comme une exclusion. D'autres se réapproprient ce temps libéré : le bricolage, les différents travaux effectués pendant les vacances par des ouvriers dans leur domicile sont vécus comme une forme de loisir utile. Enfin, c'est aussi un moyen d'éviter de se confronter à des sociabilités inconnues, voire rejetées. A  contrario, les séjours de vacances très populaires, organisées par des associations, sont des moments d'apprentissage et de socialisation complexes, tant pour les familles découvrant les vacances que pour les acteurs du tourisme social plus habitués à une clientèle héritière de l'histoire des congés payés.
  • Pour tous, faire partir les enfants est en revanche vécu comme un devoir parental d'éducation, en même temps qu'il peut constituer un voyage par procuration. Les revenus sont un facteur déterminant : en 2015, 50 % des enfants des ménages ayant un revenu inférieur à 1 500  euros ne sont pas partis en vacances. Quoique de plus en plus rares, les colonies de vacances municipales restent donc, pour les familles les moins aisées, une manière de satisfaire à ce qui est perçu à la fois comme une obligation sociale et une nécessité vitale.

Selon la pratique que l'on a :

  • tourisme de masse,
  • tourisme labellisé (qui permet de se distinguer) : écotourisme, tourisme culturel, tourisme durable, …
  • les lieux :
    • Pour les touristes non-occidentaux, l'authenticité de l'expérience touristique procède au contraire de la « modernité » des installations et des « symboles du présent » ;
    • Pour les occidentaux, le voyage à l'étranger est souvent pr »senté comme une quête de soi ou un « tourisme des racines », une quête d'authenticité.

(lire Saskia COUSIN, Bertrand RÉAU, Sociologie du tourisme, La Découverte, coll. « Repères », 2009 -

http://lectures.revues.org/919)

 

Un autre critère à ne pas oublier est celui du temps : il est plus facile à trouver chez un enseignant ou un employé que chez un agriculteur ou un commerçant, même si ceux-ci ne sont pas exclus de la pratique touristique (pour des séjours + courts et + fréquents).

Il existe donc une éducation touristique qui se fait grâce aux guides, aux connaissances (amis), aux médias grand public ou plus pointus, au marché, etc.

Il faut enfin préciser que les pratiques touristiques ne sont pas exclusives : on peut être touriste lors un déplacement qui a un autre but... comment comptabiliser cette pratique ? Cette quantification du phénomène cristallise différentes conceptions du tourisme, fluctuant de ce fait au gré des acteurs (étatiques, commerciaux, scientifiques…), des époques, des moyens et de l’attention qu’ils lui accordent.

 

On peut préciser que les touristes ne sont plus les mêmes qu'il y a 30 ou 50 ans : les bronzés ont fait place à des pratiques plus variées. Les pratiques récentes (des trois dernières décennies) sont marquées par la recherche de :

"une quête d'authenticité perçue comme l'une des motivations centrales du tourisme. Le touriste chercherait par le voyage à fuir l'aliénation de la vie moderne. Une cette quête vouée à l'échec, en raison de la nature même de la pratique touristique, qui a été appropriée par les touristes et par le marché : c'est devenu un élément de marketing visant à démarquer une destination ou une expérience du tourisme" [Dean MacCannell publie The Tourist. A New Theory of the Leisure Class, University of California Press, Berkeley, 1976]].

Rencontres de personnes non liées au secteur touristique à travers des tourismes labellisés « ethnique », « solidaire », « humanitaire » voire « durables ». Dans les pays occidentaux, la rencontre avec l'habitant se fait essentiellement dans un cadre individuel ou familial. Il s'agit par exemple de dormir dans des chambres d'hôte mais aussi de passer par la plate-forme Couchsurfing (400 000 hôtes et 4 millions de surfeurs selon le site en août 2017) ou encore de payer les services de l'entreprise Airbnb, créée en 2008 (voir dossier le Monde 5 août 2017). En 2018, on compte 400 000 offres en France dont 60 000 à Londres, 38 000 à Paris, 35 000 à New York, 30 000 à Moscou et à Rio de Janeiro, 25 000 à Rome, 20 000 à Barcelone, etc.

Cette recherche de rencontres se fait aussi dans le cadre de voyages de « backpackers » (jeunes voyageant sac au dos) qui rencontrent leurs acolytes du monde entier dans des structures qui leur sont plus ou moins destinées (comme les auberges de jeunesse ou guesthouses). Enfin, le tourisme d'aventure – marches dans le désert, trekking, etc. – implique des groupes organisés par des tour-opérateurs spécialisés comme Terres d'aventure, La Balaguère, Explorator ou Allibert, ainsi qu'un grand nombre de petites associations spécialisées sur une destination mais si l'objectif premier est sportif, il se double souvent de rencontres avec des spécialistes locaux (guides, interprètes) qui permettent aux touristes de rencontrer des locaux.

Comme l'écrit Marc BOYER, Les « ethnotouristes » veulent voir ces peuples dont l’allure, les coutumes, les pratiques sont objet à la fois d’attirance et de répulsion. Ce sont les Européens (et Nord-Américains) qui ont inventé cette catégorie de « peuples à voir ». (Marc Boyer « Comment étudier le tourisme ? », Ethnologie française 3/2002 (Vol. 32), p. 393-404).

Mais ce désir de rencontres peut aussi se faire de manière moins positive à travers un tourisme sexuel mais aussi un tourisme particulier appelé « darktourism » (voir une guerre, des camps, des catastrophes naturelles, … exemple à Sarajevo, en Irak ou en Sierra Leone, mais aussi dans des ghettos ou bidonvilles).

Enfin, un tourisme militant existe aussi, plus politique, comme au Chiapas ou en Palestine pour aller rencontrer des « communautés en lutte »

Une autre pratique récente, elle aussi liée à une recherche de rencontre, plus personnelle et toujours à relier à ces révolutions du temps libre et des mobilité est celle d'un tourisme mémoriel non plus centré sur des événement globaux ou collectifs (bataille) mais sur la recherche de racines (Pieds-noirs en Algérie, Nord-américains en Irlande, Australiens en Europe, mais aussi Caribéens, Afro-brésiliens ou Afro-américains en Afrique vers des lieux de mémoire comme l'île de Gorée à Dakar (Sénégal)

 

Une autre tendance, qui concerne plus les touristes des pays émergents ou pauvres et celle de la recherche de la modernité du capitalisme :

« Yuk Wah Chan étudie les touristes chinois qui visitent les villes frontalières vietnamiennes. Issus de milieux populaires et voyageant dans des groupes organisés par des institutions sociales ou culturelles, ils cherchent des destinations et des activités « véritablement touristiques », c'est-à-dire organisées et animées pour les touristes. Si, pour nombre d'entre eux, il s'agit du premier voyage à l'étranger, ce séjour au Vietnam est souvent mal vécu par les touristes chinois : il ne donne pas à voir assez d'infrastructures modernes et rappelle aux visiteurs la Chine des années 1980, avant le boom économique. »

[source : Saskia Cousin et Bertrand Réau. Sociologie du tourisme. La Découverte, 2016 page 51] À Paris, l'achat de produits de luxe fait ainsi partie de cet imaginaire à la fois romantique et capitaliste.

 

Dans cette recherche de rencontre, d'altérité faussée, les touristes interagissent sur les autres acteurs par leurs pratiques et leurs demandes de plus de confort ou de moins de contact avec la population locale (cf. les campagnes menées par les autorités sur et autour de la place Jema-el-Fna à Marrakech pour limiter le nombre de 'faux guides' dans les années 2000). Certains aménagements sont ainsi faits pour limiter les contacts entre locaux et touristes (aménagement de la place du Régistan à Samarcande, Ouzbékistan)

« Au lieu de cela, Samarcande est une ville aseptisée ; une sorte de Disneyland de l'Asie centrale. Au coeur vide et emmuré, sans charme ni saveur. Sinistre boutique à ciel ouvert. Samarcande ne se vit ni ne s'éprouve ; mais se vend, en tickets, foulards, chameaux en mousse et même en chapelets musulmans. Un comble alors que les dômes bleus des mosquées et medersas (écoles de théologie) n’abritent plus de fidèles.

Samarcande est une ville-musée, prostituée d'une énième dictature - elle-même héritière de la folie soviétique. Des jeunes portants des contrefaçons de grandes marques américaines et des maillots de football de Lionel Messi (joueur argentin du FC Barcelone) mangent des glaces, le long d’avenues tracées au cordeau, sur les ruines de leur ancien quartier. Ils jouent au ballon contre le mur d’enceinte de Bibi Khanym, immense mosquée aujourd'hui inoccupée - dans les ruines de laquelle un peintre sans talent propose, dans toutes les langues, ses toiles aux touristes. Le régime d'Islam Karimov - ancien premier secrétaire du parti communiste d'Ouzbékistan et président depuis la chute de l'URSS en 1991 - a érigé un mur entre les grands monuments de la ville et les quartiers populaires. Des employés de la ville travaillent à le peindre et à le recouvrir de mosaïques. Quelle image plus absurde que ces habitants décorant leur propre emmurement ? Coté touristes, le mur passe presque pour un renfort de la fin de l'époque féodale. Coté « vieille ville », les briques mal ajustées et les bourrelets de ciment témoignent de sa construction rapide, survenue il y a trois ans, devant des habitants impuissants. Dans le quartier d'Iskandarov, des maisons centenaires furent détruites en quelques jours, par des ouvriers parfois mineurs. Six siècles d'histoire sacrifiés au prétexte de « reconstruire l'Allée royale » qui reliait, au XIVe siècle, deux grands mausolées de la ville : le Gur Amir et le Ruhabad. Un véritable crime à la masse et à la truelle, qui n'a pas ému les instances internationales. A commencer par l'Unesco, qui ne condamne la construction du mur dans aucun de ses derniers rapports sur Samarcande. La ville figure en effet sur la liste du patrimoine mondial. »

(source Mikael Corre, LeL'islam emmuré de Samarcande, Monde des religions, 18/02/2013)

 

De plus, les touristes sont très sensibles à la conjoncture internationale : les crises économiques influencent les choix de destination ou de départ ; les crises politiques également. On estime aujourd’hui qu'un attentat dans une métropole baisse la fréquentation des ce lieu durant environ 13 mois.

Enfin, on note un changement régulier des envies des touristes : envie de nouveaux territoires (qui élargit l'espace touristique mondial vers d'autres destinations – même se ces choix sont aussi dépendants de la conjoncture géopolitique : ouverture de la Chine, fin de l'URSS, …)

En bref, les touristes sont aussi des habitants des lieux touristiques dans le sens où ils sont des acteurs de ces lieux.Ce ne sont pas des personnes passives : elles se déplacent, consomment (des marchandises et de l'espace), vivent dans ces lieux (quelques heures, quelques jours, quelques semaines) et ont une représentation de ces lieux importante, puisqu'elle conditionne à la fois l'image du lieu mais aussi sa pérennité (un lieu mal aimé, mal noté, malsain ne restera certainement pas un lieu touristique : Le cas de Coney Island à New York est emblématique à ce titre : ce parc a été jusqu'aux années 1960 un centre d'amusement récréatif et touristique pour les habitants de New York car il était bien desservi par le métro et les trains de banlieue. Le développement du cinéma et l'usage massif de l'automobile lui porta un coup important. Autres exemples : le Sahara mauritanien, algérien ou malien ont constitué des lieux touristiques … mis en veille pour un temps. Ou encore la Côte d'Ivoire et son Club Med d’Assine,celui des Bronzés. La destination a disparu de la scène internationale et le village accueille désormais les Abidjanais en week-end.

 

2.2 Une grande diversité de pratiques touristiques

Ces recherches de rencontres, de nouvelles destinations et de nouvelles activités sont à considérer à la fois pour ce qu'elles sont et à la fois sous un angle mixte. Ainsi, on ne peut pas isoler chacune d'elle des autres activités et pratiques. Elles sont souvent mixées, un même séjour pouvant associer un tourisme balnéaire + un tourisme culturel + un tourisme d'affaires ou sanitaire.

De plus, il ne faut pas oublier que ces pratiques de loisirs ou de tourisme sont issues non seulement d'une culture (vue partie précédente) mais aussi de contraintes économiques ou sociales.

Enfin, autre paramètre à prendre en compte, les touristes ont une double facette :

  • d'une part ce sont des individus qui agissent comme individus lors du choix de leur destination (un choix issu de leur capital touristique, bien sûr et qui le renforce), mais aussi lors du choix de la forme du logement, des repas, du transport, etc. Les critères économiques ne sont pas les seuls à prendre en compte : il faut aussi tenir compte des moments de vie (voyage de noce, voyage initiatique en bande de jeunes, pèlerinage religieux ou non sur les lieux de son enfance ou de sa jeunesse, comme les pieds-noirs retournant en Algérie, etc.)
  • d'autre part ils sont aussi des groupes constitués temporairement, que ce soit pour un transport (dans un train, un bus, un avion), pour l'hébergement ou pour l'ensemble du voyage (voyage organisé ou tout inclus).

Se pose alors la question d'une possible typologie des pratiques touristiques et de loisirs, autour :

  • de temporalités (dans l'année et dans la vie, dans la semaine)
  • de rythmes de pratiques (fréquente, régulière, irrégulière, exceptionnelle)
  • d'éloignement par rapport au domicile (à domicile, dans le quartier, dans la ville, dans la région, ailleurs)
  • de pratiques en intérieur ou en extérieur (dans l'écoumène ou à la limite de celui-ci)
  • de pratiques individuelles ou collectives
  • de consommation
  • d'un usage utile ou non (bricolage, aide, …)
  • d'une notion récréative et de re-créativité (se faire du bien à soi)
  • de contrainte ou de plaisir

Pour ma part, ma typologie part d'une première bifurcation :

  • il existe des activités proches, quotidiennes ou très fréquentes : ce sont les loisirs
  • d'autres activités se font de manière plus espacées et plus éloignées : c'est le tourisme.

 

A partir de cette bifurcation, un deuxième élément est à prendre en compte, celui de l'intérêt posé sur cette pratique :

  • il y des activités destinées à être utiles : bricolage, santé, sport, … (même si ces activités incluent une dimension de plaisir)
  • en revanche, d'autres sont faites uniquement pour le plaisir qu'elles peuvent apporter : sorties culturelles, visites chez des amis ou en famille, pèlerinage, vacances, …

Enfin, troisième élément pris en compte, celui de la recherche de l'altérité :

  • certaines activités sont faites pour rester seul : certains sports, le bricolage, certaines sorties culturelles, certaines expériences sportives ou culturelles ;
  • D'autres activités ne peuvent être faites qu'en groupe ;
  • enfin, d'autres activités recherchent la rencontre de personnes inconnues (tourisme ethnique, participer à une action ou à une association humanitaire, …).

 

Cette grille de lecture est assez complexe. Elle doit intégrer les pratiques de loisir suivantes :

  • bricolage – peinture – musique – arts – jardinage ;
  • lecture – télévision – cinéma – théâtre (regarder) – sport (supporter dans un stade) ;
  • théâtre (jouer) – sport (entraînements, sport-loisir, hors compétition)  ;
  • sport (compétition) ;
  • promenades – lèche-vitrines - ...
  • visites de zoos - de musées – d'expositions - parc d'attraction local ou régional - ...

Ainsi que les pratiques touristiques suivantes :

  • Le tourisme balnéaire qui consiste principalement à se baigner ou à bronzer soit sur une plage soit sur les bords d'une piscine. Les lieux privilégiés sont situés dans les zones méditerranéennes ou tropicales, avec les avantages de ces milieux (chaleur, ensoleillement, exotisme) et ses inconvénients (saison aride en Méditerranée, saison des cyclones dans les milieux tropicaux, risques géopolitiques, enfermement dans des villages fermés aux locaux, etc.). Les principaux lieu de ce tourisme sont : les rives de la Méditerranée, les Caraïbes et les côtes de la Méso-amérique, l'Asie du sud-est (Thaïlande, Indonésie, Philippines, …). Les loisirs associés à la plage s'y sont développés : plongée sous-marine, voile, kitesurf, surf, découverte de la faune marine et sous-marine, ...
  • Le tourisme culturel  est une forme de tourisme centré sur la culture, l’environnement culturel (incluant les paysages de la destination), les valeurs et les styles de vie, le patrimoine local, les arts plastiques et ceux du spectacle, les industries, les traditions et les ressources de loisirs de la communauté d’accueil. Il peut comprendre la participation à des événements culturels, des visites de musées et monuments et la rencontre avec des locaux. Il ne doit pas seulement être considéré comme une activité économique identifiable, mais plutôt comme englobant toutes les expériences vécues par les visiteurs d’une destination au-delà de leur univers de vie habituel ; Ce tourisme culturel est plutôt urbain : pratiqué pour et par les urbains, dans un environnement urbain :
    • visites de monuments, de musées, de lieux de mémoire (Auschwitz, Douaumont, …)
    • tours ou croisières autour d'un thème historique ou culturel ;
    • visites d'expositions temporaires ;
    • etc.
  • C'est devenu un moyen de dynamiser des régions qui ont connu une forte désindustrialisation (Ruhr, Nord Pas de Calais – Louvre Lens, Lille 2004 – Lorraine – Beaubourg à Metz – etc.
  • Le tourisme religieux est lié évidemment aux croyances des voyageurs. La plupart des destinations sont proches : locales, régionales voire nationales, sauf pour quelques religions internationales, comme l'Islam, le catholicisme, le judaïsme ou le bouddhisme. Durant le séjour,la pratique dominante, voire exclusive est celle de la prière et du recueillement sur des lieux où se seraient passés des faits religieux : naissance ou mort d'un prophète ; lieu d'un miracle, d'une bataille, d'un apparition divine, etc. C'est un phénomène ancien. En effet, dès les premiers temps de la chrétienté, de l'islam et du bouddhisme, des pèlerinages sont organisés :
    • chez les chrétiens vers Rome, Jérusalem ou St Jacques de Compostelle ; vers Kiev (73 sépulcres de saints) ou Moscou pour les orthodoxes ; Puis au XIX° siècle vers Lourdes (5 millions de visiteurs), Lisieux, Fatima (Portugal) ou Czestochowa (Pologne – 4 millions de visiteurs)
    • chez les musulmans vers La Mecque et Médine pour les sunnites, mais aussi vers Nadjaf ou Kerbala pour les Chiites ;
    • chez les hindouistes, la vallée du Gange et plus particulièrement Bénarès ;
    • Chez les Bouddhistes tous les lieux de vie du Bouddha ; mais aussi au Japon (Isé, temple reconstruit tous les 20 ans)
  • Le pèlerinage est vu comme une épreuve physique, un déplacement où l'on réduit les intermédiaires avec celui/celle que l'on prie (sensé renforcer la foi lorsqu’on se rapproche d'un lieu saint), C'est un acte de purification mais encore un chemin, un parcourt où le pèlerin se met dans les pas d'une personne admirée.
  • Le tourisme médical ou tourisme de santé : Il s'agit généralement d'actes médicaux qui vont de l'intervention dentaire au pontage coronarien en passant par la chirurgie esthétique. Il reprend la logique du tourisme des bains du XIX° siècle : concentration des aménités dans un lieu, avec des activités annexes plus ou moins développées (visites, plages, …). Ce type de tourisme se pratiquait entre pays du nord ou de personnes du sud vers le nord jusqu'en 1997, date de la crise économique asiatique (1997-2001). Les clients asiatiques sont restés chez eux et les pays asiatiques ont décidé d'élargir leur offre touristique à la santé. Le mouvement a été amplifié par les conséquences du 11/09/2001 : les clients arabo-musulmans ayant plus de mal à circuler vers les pays du Nord se sont tournés vers des destinations plus proches. Chaque destination s'est spécialisée : transplantation du foie à Singapour, chirurgie de l’œil en Thaïlande, …
  • Le tourisme d'affaires est également appelé MICE (Meeting, Incentive, Congress/Convention, Exhibition). Il a commencé a devenir important dans les années 1980. Le choix de la destination, sa date, sa durée sont plus liés au sujet traité qu'à la destination elle-même. L'objectif est de travailler, et les temps prévus aux loisirs sont minces. Cependant, les logiques qui président au choix des destinations par les organisateurs sont les mêmes que dans le tourisme classique : connectivité, capacités d'hébergement (plutôt de luxe) et attractivité du lieu (image positive, festive privilégiée). Ces activités se déroulent :
    • sur ½ journée (pour 45 % des entreprises françaises ayant organisé des réunions professionnelles en 2015)
    • sur une journée (55 % des entreprises)
    • sur deux ou trois jours (pour 36 % des entreprises)
    • sur plus de 4 jours (5 % des cas en 2015)
  • Elles prennent la forme de :
    • réunions ou séminaires
    • conventions ou congrès
    • de l'événementiel (plus plaisir)
    • ou encore de l'incentive (ou stimulation)
  • Attention, en France en 2015, près de la moitié (44 %) de ces activités se font dans les locaux de l'entreprise, le reste se faisant dans des hôtels, des salles spécialisées (traiteur, …), des centres de congrès, plus rarement dans des centres de loisirs (13 % en 2015 dans des villages vacances, golfs, parcs à thème, haras, musée, …) (source : enquête Coachomnium 2016, une entreprise spécialisée dans l’analyse et l'organisation du tourisme d'affaires).
  • Le tourisme sportif est très varié : selon KURTZMAN et ZAUHAR (« A Wave in Time – The Sports Tourism Phenomena », Journal of Sport and Tourism, no 8:1, p. 35-47.2003), on trouve cinq formes de tourisme sportif :
    • sport tourism attraction : le tourisme sportif ciblé sur l’utilisation des attractions sportives (musées sportifs, congrès, conférences sportives, exhibitions et démonstrations sportives, parcs sportifs [aquatiques en particulier], zones de descente en radeau, golfs, pistes et aménagements pour le ski, stades, patinoires, etc.) ;
    • sport tourism ressorts : les séjours de tourisme sportif dans des centres, des stations ou des camps de loisir ou d’entraînement sportif ; (sports d'hiver, plongée, … )
    • sport tourism cruises : les croisières à objectif sportif dont l’objet est un sport, la rencontre de sportifs, les visites de lieux sportifs, etc. ;
    • sport tourism tours : les voyages de tourisme sportif pour l’exercice de la pratique d’une activité sportive : golf, tennis, randonnée, safari, trekking, etc. ;
    • sport tourism events : le tourisme sportif à l’occasion d’un événement régional, national ou international (rencontre internationale, Jeux olympiques…).
  • Le tourisme gourmand : Aux États-Unis et au Canada, la notion de tourisme culinaire est largement utilisée (culinary tourism). En Europe, la notion de tourisme gastronomique est parfois utilisée alors que, plus souvent, l’intérêt spécifique porté à un produit, le vin par exemple, fait parler de viti-vini-culture en France ou d’enoturismo en Italie. Dans plusieurs pays, l’agrotourisme est la seule référence mentionnée même si, comme c’est le cas en Angleterre, certains auteurs parlent de tourisme du « bon » goût (tasting tourism). Dans ce cadre, les touristes cherchent à visiter un terroir à la recherche de sensations culinaires, à rencontrer des exploitants agricoles ou vinicoles, à acheter des produits labellisés. Ces touristes se déplacent vers les terroirs les plus renommés et renforcent donc des lieux touristiques préexistants : France (Bordelais, Bourgogne, Alsace, …) Italie du nord et du centre, vignoble californien (Nappa Valley), etc.
  • Le tourisme des parcs d'attraction qui est dominé par des entreprises privées de « l'entertainment » comme Disney, Warner ou d'autres ? C'est un tourisme extrêmement concentré puisqu'on le trouve uniquement dans quelques régions du monde :
    • en Amérique du Nord (Floride autour d'Orlando : Sea World - Universal Studios - Disney World – MGM studios / Californie :Sea World – Disney land) ;
    • l'Europe du nord et de l'ouest (Euro Disney – Europa Park en Allemagne – Tivoli Garden au Danemark ;
    • L'Asie (Japon : Universal studio – Disneyland / Corée du Sud : Everland / Hong Kong : HK Disneyland – Ocean Park / Chine ;
    • Dubaï ;
  • Le tourisme de découverte ethnique ou ethno-tourisme qui se développe rapidement ces dernières décennies, même s'il a eu des précurseurs dans les années 1970 (route des zindes) voire même dans les années de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle avec des zoo humains qui montaient les sauvages des autres continents. Aujourd'hui, il correspond à une quête d'authenticité chez les occidentaux qui idéalisent parfois les autres peuples primitifs ou non (mythe du bon sauvage de ROUSSEAU). Il se fait donc aux limites de l'écoumène (forêts pour aller voir des tribus, déserts pour vivre avec les bédouins, touaregs ou aborigènes ; montagnes asiatiques ou sud-américaines). On trouve aussi cette pratique dans des lieux urbains (bidonvilles). Le point commun est qu'il se pratique dans des pays pauvres. (Lire Les brumes de Sapa de Lolita Séchan). 
  • Le tourisme sexuel. « Plusieurs recherches scientifiques ont montré que le développement rapide du tourisme dans certaines régions s’accompagnait de l’extension de formes multiples de prostitution qui, dans des contextes où les difficultés économiques prédominent, permettent d’assurer un accès à des ressources matérielles en échange de faveurs sexuelles. La prostitution constitue dans plusieurs contextes une stratégie de survie, accélérant l’exploitation, sinon l’esclavage sexuel des femmes et des jeunes garçons et filles. La prostitution serait la plus élevée dans les pays asiatiques comme la Thaïlande, les Philippines, l’Indonésie et la Malaisie où elle contribuerait significativement au produit intérieur brut (de 2 % à 14 %). L’Amérique latine (Brésil, Colombie, Costa Rica) et les Caraïbes (Cuba, République dominicaine) sont aussi des zones de haute densité eu égard au nombre de prostitués, en particulier des femmes. En Afrique, la zone maghrébine, la Zambie, le Kenya et Madagascar sont des pays où l’on assiste à une progression de la prostitution. La prostitution masculine est aussi l’une des formes présentes dans plusieurs pays, soit sous la forme d’exploitation des enfants et des adolescents par des homosexuels, soit sous la forme d’une institutionnalisation de rapports d’hommes adultes avec des touristes de sexe féminin (qui pourraient constituer près de 10 % du contingent des femmes touristes selon MAURER, 1992). En Jamaïque République Dominicaine, Indonésie, (+ Keny et Tanzanie) des « beach boys » cherchent ainsi des relations sexuelles tarifées ou non avec des jeunes filles ou des femmes plus âgées. Les voyageurs qui utilisent des services sexuels présentent aussi des profils tout à fait hétérogènes, en termes de nationalité, de genre, d’âge, d’origine ethnique, d’orientation sexuelle, de statut socio-économique, de pratiques sexuelles et de significations qu’ils accordent à ces rencontres (O’Connell Davidson, 2001). Deux grands types de touristes sexuels ont pu être dégagés : « les touristes sexuels occasionnels » qui voyagent pour des raisons non sexuelles et qui pourront, à l’occasion, avoir des relations sexuelles avec des travailleurs du sexe et les « touristes sexuels assidus » ou hard-core qui ne voyagent que dans le but d’avoir des relations sexuelles, souvent interdites dans leur pays d’origine. Dans la première catégorie on trouve des hommes, mais aussi de plus en plus de femmes alors que les touristes sexuels hard-core seraient surtout des hommes, d’origine caucasienne. » (source : Joseph J. LÉVY et Élyzabeth LACOMBE, « Le tourisme sexuel : ses plaisirs et ses dangers », Téoros, 22-1 | 2003, 4-9.)
  • Les destinations les plus propices restent les pays pauvres :
    • le Sud-est Asiatique (Thaïlande, Philippines, Indonésie, Sri Lanka..), les Caraïbes (la Barbade, République Dominicaine, Cuba, Jamaïque, Saint-Domingue...)
    • l’Afrique (Maroc, Tunisie, Zambie, Gambie, Kenya...) l'Amérique Latine (Costa-Rica, Colombie, Brésil…)
    • ou encore le sud de l’Europe (Grèce par exemple surtout Mykonos). 
    • Les pays Industrialisés sont aussi touchés. Ce sont généralement ceux où la prostitution  est légalisée : l' Australie (état de Victoria), la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne (cf. Coupe du monde de football 2006) les Pays-Bas(700 bordels dont 250 à Amsterdam), le Danemark, l'Autriche… 
    • Les flux du tourisme sexuel se calquent sur ceux du tourisme classique.
  • Le tourisme de croisière qui se développe énormément depuis ces 25 dernières années en Europe. Il combine plusieurs pratiques : culturelles, sportives, balnéaires, gourmand, … selon le niveau de qualité espéré par les croisiéristes. Je m'arrête là car la liste peut être sans fin. La difficulté est donc de proposer une typologie qui (contrairement à ce cours) ne se contente pas d'être une liste sans logique claire). Pour cela, n'oubliez pas de proposer des critères de classement (localisation, intensité, rapport au corps, à l'esprit, seule ou en groupe, etc.). Ce qu'il faut donc retenir de ces pratiques :
    • pas de déterminisme = des pratiques variées dans le temps (de l'année et de la vie) ;
    • des pratiques combinées, mixées lors d'un même déplacement ou d'une même séquence temporaire ;
    • des pratiques issues de choix personnels ou collectifs liés à une culture de classe, une culture familiale, une culture nationale ;
    • des pratiques qui s’inscrivent dans un rapport à la consommation de plus en plus marqué ;
    • des pratiques qui suivent des modèles, ou qui peuvent les rejeter : contre la tourisme de masse, contre la consommation de masse ;
    • des pratiques qui sont issue d'une succession de choix (familiaux, économiques, culturels, sociaux, …)

3- Le touriste et le consommateur de loisirs, des acteurs dans des systèmes économiques complexes.

3-1- Des systèmes économiques complexes

Après avoir vu la construction culturelle de l'accès au tourisme et aux loisirs, puis les différentes pratiques qui y sont liées, un troisième temps pour voir comment ces pratiques s'insèrent dans des systèmes économiques complexes. Des pratiques, et des représentations, qui peuvent âtre aussi à la base de tensions entre acteurs.

« Un système touristique synthétise un ensemble spécifique et historiquement daté de pratiques, d’acteurs et de lieux touristiques. Le système touristique est doté d’une certaine autonomie informant ainsi les lieux touristiques et les pratiques selon les règles en vigueur. On peut mettre en évidence trois systèmes successifs : le tourisme artisanal (XVIII/XIX° siècle), le tourisme industriel (XIX° siècle), le tourisme de masse diversifié (XX° siècle). » (source de la définition : géoconfluences) Ici, nous nous intéressons au système de masse diversifié.

De même, l’équipe Mit considère le système touristique comme une interrelation entre des acteurs, des lieux et des pratiques afin de permettre aux individus la recréation par le déplacement et l’habiter temporaire. Ce système touristique est composé de nombreuses interrelations tels que « des entreprises, des normes et des valeurs, des lois, des touristes, des lieux touristiques de qualités différentes, des marchés et des relations non-marchandes, ainsi que d’autres institutions sociales, des imaginaires, des images et des discours ». [source : R. Knafou (dir), Tourismes 2, équipe Mit, 2005, notamment page 342]

Le touriste et le consommateur de loisirs sont bien sûr au cœur de ce système, ils sont capable d’action et de faire des choix par rationalité (ou non) et calcul. Selon leur vécu passé en tant que touriste ou consommateur / producteur de loisirs, mais aussi leur degré de connaissance de la destination visitée ou encore leur contexte de tourisme ou de consommateur / producteur de loisirs (accompagnant, budget, durée…), ils procèdent à une sélection de lieux ou d'activités selon un répertoire dont ils évaluent la pertinence selon leur projet. Évidemment, ces acteurs centraux sont aussi mobiles et effectuent des choix dans ce cadre.

En temps qu'acteurs ,les touristes ont une double facette :

  • d'une part, ce sont des individus qui agissent comme individus lors du choix de leur destination (un choix issu de leur capital touristique, bien sûr et qui le renforce), mais aussi lors du choix de la forme du logement, des repas, du transport, etc. Les critères économiques ne sont pas les seuls à prendre en compte : il faut aussi tenir compte des moments de vie (voyage de noce, voyage initiatique en bande de jeunes, pèlerinage religieux ou non sur les lieux de son enfance ou de sa jeunesse, comme les pieds-noirs retournant en Algérie, etc.)
  • d'autre part , ce sont aussi des groupes constitués temporairement, que ce soit pour un transport (dans un train, un bus, un avion), pour l'hébergement ou pour l'ensemble du voyage (organisé).

Dans les deux cas, les touristes interagissent sur les autres acteurs par leurs pratiques et leurs demandes de plus de confort ou moins de contact avec la population locale (cf. les campagnes menées par les autorités sur et autour de la place Jema-el-Fna à Marrakech pour limiter le nombre de 'faux guides' dans les années 2000. De plus, ils sont très sensibles à la conjoncture internationale : les crises économiques influencent les choix de destination ou de départ ; les crises politiques également. Enfin, on note un changement régulier des envies des touristes : envie de nouveaux territoires (qui élargit l'espace touristique mondial vers d'autres destinations – même se ces choix sont aussi dépendants de la conjoncture géopolitique : ouverture de la Chine, fin de l'URSS, …)

 

Deux sphères s'entrecroisent pour appréhender les autres acteurs :

  • une sphère territoriale qui regroupe les acteurs locaux du tourisme et des loisirs dans les espaces récepteurs :
    • d'une part, les entrepreneurs privés ou les associations qui, sans être intégrés dans la sphère commerciale, offrent des prestations de loisirs, touristiques ou para-touristiques (hébergement, restauration, commerces, organisation de visites, …) ;
    • d'autre part, les structures d'encadrement, publiques ou parapubliques, du secteur des loisirs ou du tourisme (collectivités locales et régionales, État) qui sont amenées à définir les règles économiques, sociales et urbanistiques en vigueur dans le champ des loisirs ou du tourisme, à financer et organiser l'aménagement des zones de loisirs ou touristiques tout en assurant des fonctions de promotion dans les espaces émetteurs.
    • Parmi ces structures, on peut citer le rôle majeur des États et de leurs agences. Leurs cadres d'intervention sont nombreux et variés : intervention législatrice indirecte à travers des législations sur le travail dans le tourisme et hors du tourisme (temps de travail, congés payés, ..) , le droit de posséder la terre ou les entreprises par les étrangers, l'autorisation ou non de quitter le territoire national (ou même la région à travers de passeports intérieurs) ou directe : autoriser ou non des implantations, délimiter des zones dédiées au tourisme, imposer des règles de construction (zonage), financer des infrastructures ou des construction, octroyer des financement, proposer ou imposer des plans de développement du tourisme (plan Racine dans le Languedoc 1963-1985 ; plan neige 1964, …) Aujourd'hui, l’État reste au centre de l’aménagement touristique car il institutionnalise et planifie l’action, produit le foncier à des prix « compétitifs » allant jusqu’à 50 % de sa valeur, oriente et produit les documents d’urbanisme, aménage / équipe, en partie par le biais des organes décentralisés (les collectivités locales) et déconcentrés (les walis), et assure enfin le contrôle et le suivi des travaux sur le terrain. Le rôle des États est aussi lié à la géopolitique : Le tourisme nécessite des conditions d'accueil particulières : il se développe surtout dans des régions politiquement stables sans violences politiques ouvertes contre le tourisme. On l'a vu dans les années 2010-2013 à la suite des révolutions arabes en Tunisie et en Égypte ou en Thaïlande durant les trois années durant lesquelles le pouvoir central a été contesté par les « chemises rouges » dans les rues de Bangkok (2008-2011)

 

2000

2005

2007

2008

2010

2011

2012

2015

2016

Tunisie :

(en millions de touristes)

 

 

6,7

7

6,9

4,7

5,9

5,3

5,7

Égypte :

(en millions de touristes)

5,5

 

 

 

14,8

10

11,6

9

 

Thaïlande

(en millions de touristes)

10

11,5

14,5

14,2

14,2

 

22

30

 

 

  • Il est évident que les pays en guerre ou sans État stable restent peu ouverts au tourisme : Afghanistan, Irak, Somalie, Mali, Libye, … De même, certains pays restent délibérément fermés au tourisme. Cela a été le cas pendant longtemps de la Birmanie, du Bhoutan (ouvert à un tourisme de luxe : 200 $ de taxe par jour) et c'est toujours la cas de la Corée du Nord (faible tourisme politique et faible tourisme des voisins de Corée du sud, selon les évolutions des relations géopolitiques entre les deux pays). Les États et les autres acteurs institutionnels (régions) est aussi important dans la promotion du tourisme et dans sa forme : Certains acteurs institutionnels mettent en avant le tourisme pour promouvoir une image de marque : l'Inde (« Incredible India »), le Maroc, la Tunisie, la Corse : on parle d'un « nation branding » dans le jargon commercial.
  • Enfin, il faut aussi évoquer le rôle des habitants, qui peuvent voir dans le tourisme :
    • une opportunité d'emploi, d'investissement, de développement collectif ou individuel, une ouverture sur d'autres modes de vie ou de consommation ;
    • une menace pour leur mode de vie, leurs emplois, …
    • Ces habitants peuvent rester seuls ou se constituer en groupes : des associations de défense de l'environnement, du patrimoine, des paysages, de la culture locale, … Ils peuvent aussi intégrer des structures officielles, de l’État pour se faire entendre (syndicats, partis politiques, …)

 

  • une sphère commerciale qui regroupe les différents acteurs qui suscitent, organisent, encadrent, acheminent et accueillent les consommateurs de loisirs ou touristiques. Y figurent notamment
    • les compagnies de transport. En effet, l'accessibilité étant un facteur déterminant dans le tourisme, il est soumis à des impératifs divers : le temps d'accès, le coût du transport, le budget dédié au déplacements (10 à 15 % du budget quand on reste dans son pays, mais jusqu'à 60 % du budget pour des voyages lointains et brefs, comme pour les européens qui vont dans l’océan Indien ou le Pacifique). Le besoin de transport répond à une demande complexe qui doit allier rapidité, coût, sécurité, confort, adaptation aux aléas naturels ou géopolitiques. On peut distinguer des secteurs concentrés (avec peu d'opérateurs sur un marché plutôt fermé) et d'autres dispersés :
      • secteur encore très concentré, le rail reste utilisé pour les transports nationaux à longue distance, mais il est plus ou moins développé selon les pays (très développé en Chine, très faiblement aux États-Unis, par exemple). Le développement des réseaux rapides (Lignes à Grande Vitesse) permet à ce mode de transport de continuer d'être compétitif sur certaines lignes à certains moments de l'année. Il permet surtout de relier des métropoles entre elles (ou à des lieux touristiques, plages ou stations de montagne).
      • Les compagnies aériennes ont connu une double évolution depuis le milieu des années 1980 : d'une part une concentration très fortes au sein d'alliances commerciales entre compagnies qui se partagent des territoires aériens : Star alliance (n°1 : Lufthansa, Air Canada, SAS, United Airlines, Singapore Ailines), Sky Team (Air France, KLM, Aeroflot, Delta, Corean, …) Onewold (British Airways, American Airlines, Japan Airlines, …) ; d'autre part l'apparition des compagnies à bas coût (ou low cost) qui proposent des prestations réduites aux passagers afin de réduire le coût du billet d'avion de 30 % environ en moyenne. (en 2004, environ 20 % des passagers en Europe ; 38 % en 2011).
      • Les compagnies de croisières sont relativement anciennes, mais elles ont connu un redémarrage récent de leur activité (500 000 passagers dans les années 1970 => 18 millions de nos jours, dont 10 millions aux États-Unis. Le secteur connaît une forte concentration : deux territoires majeurs (Caraïbes et Méditerranée et ses annexes) et deux grands groupes aux États-Unis ( Royal Caribbéan Cruises ; Carnival Cruise Lines) + quelques groupes européens (Costa Croisières, Cunard, P&O Cruises, Aida croisières, MSC Croisières, …) La concentration se traduit aussi par la présence d'immeubles flottants de plus de 5 000 passagers.
    • Les secteurs où les acteurs sont peu concentrés :
      • La route reste le moyen de transport le plus utilisé pour le tourisme (80 % des flux en Europe occidentale) : automobile, autocars qui sont de plus en plus confortables : air conditionné, toilettes, bars, voire douches. Un secteur peu concentré : beaucoup de petites entreprises familiales qui louent leurs services à des tours opérateurs, quelques sociétés privées qui sont souvent en monopole sur des longues distances (cas Greyhound aux EU ou en Austalie, Euroline en Europe, …)
      • Les navires des voies navigables restent peu nombreux. On les trouve sur les grands fleuves : Mississippi, Nil, Volga, Rhin, … sous forme d’hôtels flottants ou de ferrys aménagés.
    • les chaînes intégrées dans le secteur de l'hébergement, de la restauration ou de l'animation : elle sont aussi marqués par un processus double : celui de la concentration progressive dans des alliances nationales ou mondiales, et celui de la montée en gamme (vers plus de luxe, comme l'exemple du Club Méditerranée).
      • L’hôtellerie : Les hôteliers restent des acteurs importants car dans nombre de pays, les séjours en hôtel représentent 50 à 80 % des nuitées (mais seulement 12 % en France). Ces hôtels sont classés selon leur confort, la qualité des prestations mais ces classements se font à l'échelle nationale, entraînant des inégalités et empêchant les comparaisons. Au cours du XX° siècle, les chaînes intégrées se sont étendues, en devenant propriétaires ou en développant des franchises. Quelques groupes de taille mondiale se sont formés : ING (GB – 650 000 chambres), Hilton (EU – 600 000 chambres), Wyndham (EU – 600 000), Marriot (EU – 600 000), Accor (F – 500 000), ou encore Hyatt, … Des groupes occidentaux qui dominent le marché mondial, sauf dans quelques pays où des groupes locaux ont soit le monopole (Cubatur à Cuba) ou ont pu en constituer un de fait (Inde : Taj Group ; Hong Kong : Shangri-La International). Les hôteliers indépendants ont pu se grouper pour améliorer la commercialisation des chambres ou se regrouper dans une centrale d'achat (en France, Logis de France 55 000 chambres ; Châteaux et Hôtels, 10 000 chambres ; Best Western, 16 000 chambres).
      • Le camping-caravaning est né du tourisme associatif dont le but était d'apporter une offre touristique aux clientèles les plus modestes. Là aussi, le processus est celui d'une montée en gamme, avec des campings de plus en plus dotés d'équipements de loisirs (piscines, jeux pour enfants, animations, …) et de mieux en mieux associés entre eux, même s'il n'y a pas de processus de concentration économique. On estime qu'il y a 60 millions de pratiquants en Amérique du Nord et 80 en Europe.
      • Les villages de vacances dont modèle est celui du Club Méditerranée, même s'ils sont apparus dès les années 1920 en Italie pour récompenser des travailleurs méritants. Ils sont soit privés soit associatifs (sans but lucratif, comme des associations, des communes, des comités d'entreprises, des caisses d'allocation familiale).
      • Les centres de vacances : Ils sont très variés (scoutisme, colonies de vacances, UCPA, …), là aussi, on en trouve des privés et des non lucratifs (80 % relèvent d'associations). Après un grand succès dans les années 1960-1970 (Europe occidentale et communiste, Amérique du Nord), aujourd'hui en recul notable.
    • Des acteurs individuels : 
      • Les locations meublées qui peuvent représenter une part importante de l'offre (comme en Suisse, en Italie ou en Autriche : 20 % de l'offre). Ils sont très variés en qualité et en localisation. Ils peuvent aussi appartenir à des groupes privés (cf. les stations de sport d'hiver).
      • Les gîtes ruraux ;
      • Les résidences secondaires . En France 10 % des logements ; quelques régions en concentrent beaucoup : la Normandie ou l'Yonne proches de Paris ; le Forez ou les monts du Lyonnais proches de Lyon, le sud du Massif central, la Dordogne, … ; les littoraux de Bretagne ou de Méditerranée – Autres pays où les résidences secondaires sont nombreuses : Norvège, Italie, Suisse.
      • Les plate-formes de location d'appartement en ligne (type Airbnb, HomeAway, Flipkey, ou encore Holidaylettings) dont l'importance ne fait qu'auglmenter ces cernières années (voir plus haut pour Airbnb)
      • Enfin, il faut aussi prendre en compte des hébergements non payants : 2001, 58% des longs séjours estivaux de vacance des Français se sont effectués soit dans une résidence secondaire en propriété (10%), soit chez des parents et amis (résidence principale ou secondaire) (48%). Le poids du secteur non-commercial est encore plus important pour les vacances hivernales, puisqu'il comprend 71% des séjours, avec respectivement 9 % et 62% pour les secondes résidences et les séjours chez des parents et amis. En Belgique, ce ne sont que 20 % des séjours effectués en 2001 qui se sont déroulés dans une seconde résidence en propriété (4 %) ou chez des parents et amis (16 %). Même si l'on tient compte uniquement des séjours qui se sont déroulés sur le territoire national, les chiffres n'atteignent que 12 % pour les secondes résidences et 14 % pour les parents et amis.
    • les sociétés commerciales de ventes de produits pour les loisirs (petites structures ou supermarchés spécialisés ou non),
    • les entreprises et réseaux de production et de vente de voyages, ou tours-opérateurs (TO). C'est une activité qui est née avec le tourisme : le premier TO est Thomas Cook fondé en 1841. Une activité qui est très diversifiée et qui organise généralement le transport, l'hébergement et la nourriture, voire les activités sportives ou culturelles (ou cultuelles : les pèlerinages). Si là encore on assiste à une concentration économique des acteurs avec quelques opérateurs mondiaux, il n'en reste pas moins que le secteur compte plus de 3 000 entreprises dans le monde plus ou moins généralistes, plus ou moins spécialisées dans des niches (tourisme d'affaire, sportif, religieux, culturel, écotourisme, …). Le premier TO mondial est allemand, c'est TUI (Touristik Union International) qui commercialise 15 millions de voyages par an (dont Nouvelles Frontières). Ses principaux concurrents sont NUR et Reisen (Allemands), mais aussi Airtours (GB), Havas, Look voyages, Fram (France). Ces TO s'appuient sur un réseau de plus de 70 000 agences de voyages dans le monde disposant de plus de 200 000 points de vente. La plus grande partie d'entre elles fait office d'intermédiaire entre le TO et le touriste en vendant des circuits et des séjours en contre-partie d'une commission. Le reste de leur activité économique provenant de la vente de titres de transports. Si la mpitié des agences sont indépendantes, les autres sont affiliées à un groupe sous la forme de réseau. Une fois encore dans ce secteur on assiste à une concentration des acteurs : Havas, Selectour en France ; Turbo en Italie ; ABN ou Rabo aux Pays-Bas ; American Travel ou Thomas Cook aux EU. Ces TO peuvent avoir une influence très grande dans la forme que peut prendre le tourisme dans certains territoires en imposant de force ou de gré des structures ou des formes spécifiques : Les T.O. allemands ont ainsi développé de petits élevages de porcs près des zones touristiques en Tunisie et les hôtels Holiday Inn s'adjoignent de même partout des boutiques de charcuterie. Dans la station de Bajamar (Canaries), créée par des Allemands et pour des Allemands, même les emplois de vendeuses dans le petit supermarché sont tenus par des Allemandes (Odouard, 1973). Il s'agit donc de concevoir une sorte d'établissement total, pouvant dispenser le villégiateur de tout recours à l'extérieur et de tout contact dérangeant. Les Maldives représentent un cas extrême de ce type d'aménagement, conçu par des TO européens : sur les 1.200 îles de cet archipel corallien, dont seulement 202 habitées, 68 îlots accueillent 1,2 millions de touristes en 2011 (200 000 en 1995). chaque île s'est vue attribuer une fonction spécialisée : l'île de Malé, avec son aéroport est le point d'entrée des touristes. Les autres îles portent chacune un complexe hôtelier différent (îles hôtels), constitué de bungalows et de structures de loisirs disséminées au milieu des cocotiers bordant des plages de sables fin. Chaque île jouit d'une grande autonomie car elle dispose de ses propres moyens de transport ainsi que de petites unités de production d'électricité et d'eau douce, peut assurer le stockage des aliments et s'approvisionne par commande directe à l'étranger. Les prix varient selon la qualité des équipements et l'approvisionnement en eau, problème majeur de ces îles. Groupées dans un rayon de 50 km autour de Malé, elles se distinguent des îles habitées par les autochtones qui sont plus dispersées. En vertu de considérations morales et religieuses, le gouvernement de cet État musulman limite volontairement le mouillage des bateaux de plaisance et d'excursions sur ces dernières, empêchant ainsi les contacts entre les touristes et la population locale, ce qui permet de réduire les risques d'une augmentation de la consommation d'alcool ou de drogue. Il existe trois grands types de TO :
      • Les tour-opérateurs, producteurs de voyages, conçoivent des circuits en négociant directement avec des compagnies aériennes, des réceptifs hôteliers, des guides ou des restaurants. Pour décrocher des prix attractifs, ces groupes, tels que TUI France (Nouvelles Frontières, Marmara, etc), Fram, Thomas Cook, ou Look voyages, doivent s'engager sur des volumes et verser des avances. Ce fonctionnement leur permet de contrôler l'ensemble de la chaîne de vente mais les rend très sensibles aux crises sur le marché et à la diminution du nombre de touristes. Les tour-opérateurs commercialisent leurs forfaits essentiellement par le biais de leur réseau de distribution (agences de voyages physiques), auquel ils reversent une commission.
      • Les e-voyagistes, distributeurs de voyages, vendent des circuits achetés auprès des tour-opérateurs, ainsi que des vols secs, réservations d'hôtels et locations de voitures. L'activité de ces sites Internet – tels que Opodo, eDreams, Go Voyages, Expedia, Last minute ou Voyage privé – consiste à négocier les prix les plus intéressants sur des voyages déjà conçus. Ils se présentent sous la forme de comparateurs de prix. Et ils supplantent les réseaux intégrés des tour-opérateurs. En raison de coûts fixes peu élevés, d'une absence d'engagements auprès de prestataires, ils résistent plus facilement aux crises du marché. La concurrence entre ces nombreux acteurs est toutefois rude.
      • Certains acteurs ont développé un modèle économique mixte, comme Promovacances, qui produit 70 % de ses séjours et redistribue 30 % de voyages conçus par d'autres tour-opérateurs.
    • Les agences de voyages forment un maillon de la chaîne de commercialisation des produits touristiques. C'est une activité très fragmentée : 85 % des établissements emploient moins de 10 salariés et réalisent le tiers de l'activité lorsque les dix premiers acteurs représentent également, à eux seuls, un autre tiers du chiffre d'affaires du secteur. On compte entre 1 500 et 2 000 agences de voyages indépendantes en France, c'est-à-dire non affiliées à des voyagistes. La plupart sont cependant adhérentes à l'un des cinq principaux groupements volontaires : Selectour, Manor, Afat, Tourcom et Cediv. A côté de ces agences, il faut distinguer les agences de voyage en ligne qui représentent une catégorie d'intervenant encore jeune, née à la fin des années 1990 avec l'explosion d'Internet. Leur vocation première a d'abord été de proposer essentiellement des vols secs et des déstockages de dernière minute à prix bradés. Leur développement a été extrêmement rapide et leurs taux de croissance, mêmes s'ils tendent à ralentir, restent à deux chiffres.
    • D'autres acteurs interviennent comme intermédiaires entre les TO et les entreprises de transport, ce sont les GPS ou « Global Distribution System ». Ce sont des plates-formes électroniques de réservation utilisées par les agences de voyages pour effectuer leurs réservations. Les GDS ont aujourd'hui investi la distribution directe en créant des sites de vente en ligne. Les GDS sont nés à partir des années 1970, souvent à l'initiative des compagnies aériennes américaines, afin d'automatiser les systèmes d'information (consultation des horaires, des disponibilités, des prix, réservation) reliant les transporteurs et les agences de voyages, à une époque où Internet n'existait pas encore. Parmi les plus connus : Amadeus, créé par un consortium de compagnies aériennes européennes en 1987 (Air France, Iberia, Lufthansa et SAS). C'est l'un des leaders mondiaux des solutions de traitement de réservations et un fournisseur de solutions technologiques de pointe pour l'industrie du voyage et du tourisme. Les clients d'Amadeus sont des fournisseurs de voyages (compagnies aériennes, hôtels, compagnies ferroviaires et de ferries, etc.), des vendeurs de voyages (agences de voyages et sites Internet) et des acheteurs de voyages (les entreprises et voyageurs) ; Sabre, créé par American Airlines en 1976 ;Worldspan, créé en 1990 par Delta Airlines, Northwest et TWA ; ou encore Galileo, créé en 1993 par United Airlines, British Airways, Swissair, KLM, US Airways et Alitalia. Développés à l'origine pour permettre aux compagnies aériennes de faciliter la vente de billets auprès des agences, les GDS ont peu à peu étendu leur activité à d'autres produits : hébergement, agences de location de voiture, etc. Ainsi, par exemple, Amadeus relie aujourd'hui près de 65 000 points de service et agences à 469 compagnies aériennes, 58 000 hôtels et 50 agences de location de voiture.
    • Enfin, la grande distribution ne représente qu'un poids faible dans la distribution totale de produits touristiques, avec un volume d'affaires limité à 600-700 M d'€ environ. Le nombre d'intervenants dans ce segment est limité : principalement Leclerc et Carrefour, et, dans des proportions plus modestes, Auchan et la Fnac.

 

  • Ces acteurs de la sphère commerciale exercent une influence forte sur les espaces récepteurs :
    • ils en assurent la sélection, sur base essentiellement de critères économico-techniques (bonne accessibilité, infrastructures performantes d'hébergements, main-d’œuvre qualifiée, stabilité économique ou politique, …),
    • ils y réalisent des investissements parfois substantiels,
    • ils y imposent diverses normes et formes de contrôle (définition de normes de qualité, pression à la baisse sur les prix, sélection stricte de la main-d’œuvre, …).
    • Ils jouent également un rôle important dans les espaces émetteurs, tant par la publicité qu'ils font de leur produits – et donc, indirectement des destinations qui en sont le support – que par la commercialisation de ces mêmes produits.

Ces deux sphères prennent en compte également les distances (métriques, culturelles, sociales, économiques ou politiques) entre les lieux émetteurs de touristes et les espaces récepteurs. Parmi ces distances, la prise en compte de la notion de risques est essentielle dans ces logiques spatiales tout comme les aménités locales (ensoleillement, place disponible, coût de la vie, apport technique ou non, patrimoine culturel ou historique, …)

3-2- Des pratiques qui ne se font pas sans tension

Dans ces systèmes, si les acteurs en présence sont capables de s'entendre pour créer un lieu touristique ou l'aménager, ils sont aussi soumis à des concurrences (internes et externes) et des tensions plus ou moins fortes. Ces tensions sont à appréhender non seulement entre acteurs mais aussi en tenant compte d'agents non humains, qu'ils soient biotiques (animaux, plantes, …) ou abiotiques (séismes, volcanisme, changement climatique, …). De plus, il faut bien voir que chaque acteur a des objectifs qui lui sont spécifiques.

Ces tensions sont complexes et intègrent souvent plusieurs niveaux d'opposition.

  • des tensions liées à la géopolitique internationale :
    • Principalement liés à des enjeux sécuritaires (risques d'attentats, de violences, …)
    • Des études ont montré que le choix d'une destination est lié à la représentation sécuritaire du lieu d'accueil : les lieux des attentats sont ainsi marqués par un recul de la fréquentation pendant une période d'environ 13 mois.
    • Voir les effets des révolutions arabes sur la fréquentation touristique en Tunisie et en Égypte + les effets des différents attentats sur le tourisme en Turquie : 50 attentats et plus de 400 morts dans le pays entre juillet 2015 et décembre 2016 : la fréquentation a alors baissé d'un tiers (25 M de touristes en 2016, soit la fréquentation de 2007... contre 36 M de touristes en 2015)
    • Mais également lié à des tensions entre pays :
      • la Turquie a été marqué pendant la même période (2015-2016) par une baisse de la fréquentation des touristes russes (crise diplomatique liée à la guerre en Syrie et à la destruction d'un avion russe par l'armée turque en novembre 2015. Des russes partis … en Tunisie en 2015 (de 5,5 à 7 M de touristes russes accueillis en Tunisie entre 2014 et 2015).
      • le Qatar a aussi connu une baisse de sa fréquentation en 2016-2017 lié aux tensions diplomatiques entre ce pays et l'Arabie Saoudite, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn et le Yémen.
      • On peut rappeler le recul du tourisme chinois en France après le passage de la flamme olympique avant les JO de Pékin.
      • De même, le tourisme s'est effondré (- 27 % mais - 67 % pour les touristes chinois) au printemps 20174 en Corée du sud, suite aux tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis.
  • des tensions liées à la géopolitique interne, nationale ou régionale ;
    • des choix par l’État central de développer en priorité un espace plutôt qu'un autre, ce qui entraîne des déséquilibres territoriaux (richesse) entre régions.
      • Au Maroc, c'est l’État qui a décidé d'investir dans cinq zones touristiques dans les années 1960-70 (des Zones à Aménager en Priorité, ZAP) : trois sur le littoral méditerranéen et deux sur le littoral atlantique mais aussi de concentrer le tourisme à partir de Marrakech, aux dépends d'autres régions.
      • En Tunisie, le tourisme balnéaire des années 1970-2000 a abouti à une coupure du pays en deux zones : une zone littorale plus riche et un intérieur pauvre.
    • des conflits identitaires et politiques liés au rôle des acteurs locaux dans les choix d'aménagement ou de développement économiques ;
      • A Barcelone, comme à Venise, à Dubrovnik et aux Baléares, mais aussi dans des quartiers plus réduits des grandes métropoles (Île de la Cité, Quartier Latin à Paris ; centre de Stockholm, d'Amsterdam ou de Londres, …) la concurrence entre les activités touristiques et les habitants permanents poussent à des tensions de plus en plus fortes.
      • En Corse, des débats existent quant au choix d'un tourisme de masse ou de haut de gamme.
      • A Marrakech, tensions entre les habitants permanents de la médian (vieille ville) et les touristes, notamment à cause de la hausse du coût des logements lié à des achats de riad par des occidentaux (principalement européens) qui transforment ces vieilles demeures traditionnelles en hôtels de luxe. Entre 2001 et 2005, le prix du foncier est passé de 10 000 dirham le m² à 12-15 000 dirham pour un riad rénové et de 2 000 à 8 000 pour un riad non rénové. Des prix en baisse ces dernières années, stabilisés autour de 12 -13 000 dirhams/m².
      • Au Sénégal, la « Petite côte » au sud de Dakar a été aménagée à partir du milieu de années 1970 pour accueillir un tourisme de masse dans une région rurale. Des conflits et tensions ont apparus liés à l’appropriation des ressources, de l’interprétation et de la représentation stéréotypée de la fonction des sites traditionnels emblématiques et mythiques. Le tourisme a supplanté l'agriculture locale, entraînant des inégalités socio-économiques fortes entre locaux et étrangers. En effet, à côté des hôtels se sont développés de nombreuses copropriétés privées et fermées (Gated communauties) destinées à des touristes étrangers. Avec un processus de privatisation des espaces naturels à des fins touristiques, « des portions de front de mer se ferment, des enclaves hôtelières se greffent au littoral, des îlots de richesse et de surconsommation s’imposent à des populations dépourvues ». Les populations locales ont été progressivement exclues de ce développement urbain et se sont paupérisés. L’arrière-pays est devenu le refuge des populations locales à faible revenu, mises à l’écart d’un bord de mer urbanisé qui s’internationalise. De plus, dans cette opposition, il faut aussi tenir compte de la valeur symbolique que représentent ces terres pour les populations locales : des terres considérées comme sacrées ont été vendues et construites. Enfin, dans ce conflit, le paramètre environnemental est aussi important : cette artificialisation des sols mal contrôlée aboutit à des dégradations, à l’imperméabilisation des sols et renforce les phénomènes de pollution des côtes par les eaux pluviales.
    • des tensions sociales entre groupes ou classes sociales liés à la redistribution de richesses :
      • exemple de Rio de Janeiro et les conséquences de la présence de Favellas sur le tourisme.
      • A l'Île Maurice, le développement rapide du tourisme dans les années 1970 s'est accompagné d'une urbanisation à marche forcée, avec la construction d'hôtels mais aussi de logements plus réduits destinés à accueillir des touristes (de la paillote à la villa de luxe, des logements appelés localement des « campements »). De plus, si 24 plages sont protégées et sont publiques, 29 plages dites « populaires » ne sont pas protégées et peuvent être réquisitionnées pour l'usage privé de clients d'hôtels de luxe. Des fortes tensions existent aussi entre les marchands ambulants de grillade et les autorités et les hôtels de luxe. Ils sont accusés de concurrence déloyale, de non-respect des règles d'hygiène, altercations et manque d'infrastructures.
    • Des conflits sociaux liés aux salaires ou aux conditions de travail :
      • dans les îles françaises (Martinique et Guadeloupe 2009, Mayotte 2011)
      • A Madagascar durant l'été 2015
    • Des tensions et des violences liées à la présence de mafias qui tentent de bénéficier des effets négatifs du tourisme (spéculation foncière, trafics de drogues, …) : Corse, Var et littoral méditerranéen français, Costa del Sol (Interpol estime à 18 000 le nombre de criminels présents sur cette côte de 150 km de long en Andalousie, autour de Marbella et Malaga.
    • des tensions liées à des aménagements ;
      • construction de nouveaux axes de transport ou de nouveaux sites touristiques (station, …)
      • A Barcelone contre la construction d'un hôtel (La Vela)
    • gestion des déchets, de l'eau, de l'énergie, …
      • exemple de Marrakech (golfs, piscines, … dans une région aride)
      • plages de Pampelonne et de La Baule (2017) : lié au partage de la plage entre espaces privés et publics et surtout pour la gestion de la plage par une entreprise privée (Véolia à La Baule : gestion des déchets, nettoyage et aménagement = une redevance doublée ou triplée pour les entreprises commerciales présentes sur la plage).
    • des logiques se mettent en place pour contester ces aménagements :
      • manifestations
      • violences
      • votes de rejet
      • cela suit une logique bien connue en géographie, celle du Nimby (not in my back-yard, pas dans mon jardin)
    • ces tensions sont souvent résolues :
      • soit par l'imposition d'un choix par le groupe le plus puissant
      • soit par un arbitrage d'une structure accepté de tous (justice, médiateur)
      • soit par un zonage (chacun chez soi)
    • des tensions liées à des droits d'usage :
      • En 2005, le groupe Manon, dirigé par Marc GUERIN, et auquel a participé le géographe Bruno CHARLIER, propose de définir les conflits d'usage ainsi dans son rapport Horizon 2020 : conflits d'usage dans les territoires, quel nouveau rôle pour l'Etat ? :

"Les conflits d'usage mettent aux prises des individus entre eux ou des individus et un groupe plus large. Ils peuvent être provoqués par la coexistence dans un même lieu d'activités identiques ou différentes ou par des projets d'implantation de ces activités. Ils ont souvent pour cause immédiate la concurrence pour l'utilisation d'une ressource ou à une voie de communication (chemin, sentier) et enfin l'altération de la qualité de la ressource par la pollution ou la destruction (air, eau, diversité biologique, cadre de vie, paysage) par différentes nuisances (sonores, olfactives, visuelles).

On constate qu'il y a conflit lorsque l'opposition entre les parties se manifeste sous quelque forme que ce soit (plaintes orales ou écrites, altercations physiques, campagnes de presse ou de publications diverses, constitution de groupe de pression, actes de malveillance, manifestations ou assignations en justice). Les conflits d’usage cristallisent sur l'utilisation du sol des insatisfactions personnelles et des tensions qui ont parfois d'autres origines. Ils expriment des divergences d'intérêts mais aussi des différences d'identités professionnelles et territoriales."

(Groupe Manon, Horizons 2020 : conflits d'usage dans les territoires, quel nouveau rôle pour l’État ?, mars 2005)

  •  
    • Les conflits d'usage sont de plus en plus variés. Comme l'a montré le séminaire organisé en 2001 par l'équipe "Politiques publiques et territoires" du centre de recherche "Villes, société et territoires" de l'université de Tours, le territoire est devenu un enjeu majeur, au cœur des conflits, notamment de conflits d'aménagement. Depuis les années 1970, on a noté un changement dans la forme d'action et le public concerné par ces conflits : de nombreux conflits éclatent alors contre la rénovation des centres villes, leur requalification, mais aussi contre des projets d'installation de centrales nucléaires. Dès lors, un groupe de pression informel se crée, fait de personnes non concernées directement mais qui agissent. Dans les années 1980, des nouvelles sources de conflit apparaissent : autour de la gestion des déchets nucléaires, de la construction de marinas ou de prisons (comme aux États-Unis).
    • La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont marquées par une hausse des conflits (autoroutes, TGV, stockage et élimination des déchets nucléaires, rocades de grandes villes, ...), une période suivie d'un relatif recul des conflits lié à un processus double, soit la prise en compte de la parole du public, comme aux États-Unis, en Australie, en Suisse, en Belgique ou au Québec, soit par le recul de la prise en compte de cette parole, avec des procédures plus rapides, comme aux Pays-Bas qui votent en 1993 une loi "anti-nimby". La France fait le choix en 2002 de faciliter la démocratie de proximité. Une démocratie limitée car souvent les aménageurs ne conçoivent la prise en compte du public qu'après avoir fait des études poussées, à la veille des travaux.
    • Ces tensions et conflits d'usage ont pour objet :
      • le partage d'un territoire : plages (antiburkini) ; montagnes (Vanoise entre éleveurs et touristes) ; partage entre chasseurs et promeneurs (forêts, comme Fontainebleau) ; étalement urbain (parc naturel de Nairobi au Kenya)
      • l'exploitation d'autres ressources (mines, …) = des conflits d'usage (chasse vs promenade) ;
      • la protection vs l'exploitation touristique ou agricole (ours, loups, …) ; ex ? (pèche contre tourisme?)
      • La spéculation financière sur les terres ou les appartements : Venise; Barcelone
      • les réglementations (Airbnb et locations contre hôtels) : Paris et autres métropoles européennes
Commenter cet article