Introduction :
Accroche par exemple autour de la BD les brumes de Sapa (Lolita Séchan, Éditions Delcourt, 2016) qui raconte la rencontre entre une occidentale paumée et Lo Thi Gom, une jeune fille Hmong à Sapa (Laos). Un voyage long, dangereux (moto-taxi) pour atteindre es montagnes présentées comme un réservoir de la tradition puis qui l'histoire montre une évolution rapide des modes de vie en lien avec le développement du tourisme dans cette région de l’ASE, ainsi que les légitimes aspirations des peuples des montagnes à la modernité.
"Les montagnes" = ne sont pas à définir uniquement par leur altitude mais d’abord par les représentations que l’on se fait de la montagne (cf B. Debarbieux) : ici, ce qui caractérise les montagnes c’est d’abord l’isolement, des marges pauvres, peu peuplées, voire rebelles, celles que James Scott ou Willem van Schendel ont appelé la « Zomia » (attention, que dans la péninsule Indochine). Des espaces marqués aussi par des conditions naturelles difficiles (pente, fortes précipitations : souvent au dessus de 2 000 mm/an, voire + de 3 000 au cœur des montagnes de Bornéo ou de Papouasie) et par une végétation dense, celle de la forêt tropicale, dans les étages les plus bas (paysages alpins au dessus de 3 000 m). Ne pas oublier la diversité des montagnes et leur importance relative (+ de 70 % des superficies).
"d'Asie du sud-est" : pas de difficulté majeure si ce n'est qu'il faut préciser = une dizaine de pays dans un climat tropical humide + îles.
Attention, on peut rappeler que ces territoires marginaux ne sont pas entièrement isolés : des connexions anciennes et modernes existent et même s’intensifient avec les plaines peuplées, rizicoles et où siègent les centres des pouvoirs économiques et politiques.
Question : La connexion croissante de ces marges change-t-elle le regard que portent les espaces centraux sur ces territoires ?
(autre pbq : sur la vulnérabilité des territoires de montagne de l’ASE ?)
1- Des territoires difficiles et relativement vides.
a- Des territoires nombreux et variés
- Cinq grands axes de reliefs : 1) l’arc insulaire, Est-Ouest , volcans jusqu’à 5000 m d’altitude (Sumatra → Papouasie) ; 2) les îles centrales, volcans, jusqu’à 2 954 m (Philippines), 3 455 m (Sulawesi), 4 101 m (Bornéo) ; 3) les monts Patkai et Arakan, Nord-Sud, plus bas, prolongement de l’Himalaya ; 4) les monts Phraya (Thaïlande), Nord- Sud, prolongement de l’Himalaya ; 4) la chaîne anamitique entre Laos et Vietnam, Nord-Sud, prolongement de l’Himalaya aussi.
[CROQUIS de localisation de ces chaînes]
- Trois grands groupes de montagnes (critères : densité de population + montagnes volcaniques et montagnes anciennes + relation à la plaine). Pour faire simple, une différence entre
- les montagnes de l'arc insulaire (plutôt peuplées et volcaniques, grignotées par l'urbanisation) ;
- les montagnes de la péninsule (plutôt vides et de plus en plus occupées dans les vallées)
- et Bornéo et Papouasie (plutôt vides mais qui subissent un front pionnier agricole organisé par les États de Malaisie et Indonésie).
b- Des espaces plutôt vides dominés par la forêt tropicale humide.
- Importance de la forêt humide et richesse de la biodiversité (faune + flore) → précipitations (en rappelant le maximum à mi-pente, autour de 2 000 à 3 000 mm/an ; façades occidentales plus arrosées), forêt primaire dense (jusqu'à 1 000 m en moyenne ; 15 000 espèces à Bornéo selon le WWF), grands singes (dont les Orangs-outangs) éléphants de Bornéo, tigres, rhinocéros, serpents en tous genres, petits oiseaux et jolies fleurs endémiques … On est dans des « hot spots » de la biodiversité (notamment en Birmanie-nord Thaïlande-Laos-Vietnam).
- Des faibles densités (sauf sur les pentes des volcans dans les îles) : sauf à Java et dans les montagnes de Luzon (Philippines), on est toujours à moins de 25 habitants par km².
- Des systèmes agraires complexes (culture sur brûlis, polyculture, élevage extensif, chasse, …) mais tout de même connectés aux plaines (échanges riz des plaines contre fruits, tabac, manioc, …).
CROQUIS étagement des cultures Bruneau, Michel. « Évolution des étagements ethno-politiques dans les montagnes sino-indochinoises », Hérodote, vol. 107, no. 4, 2002, pp. 89-117. ]
c- Un isolement relatif
- Des axes de communication peu denses, lié aux conditions naturelles difficiles, le long des fleuves principalement. [CROQUIS des grands axes de communication en ASE]
- Une densité de population qui augmente lié à des migrations intérieures fortes spontanées ou organisées par les États : vers Sumatra depuis 50-60 ans, mais aussi vers Bornéo depuis 20-30 ans ou vers Irian Jaya (Indonsie) depuis moins longtemps + vers les îles du sud des Philippines + vers le centre du Vietnam + vers les piémonts du nord de la Thaïlande depuis 40-50 ans, etc. [CROQUIS des transmigrations Indonésie ou Malaisie ou les 2]
- Des territoires de production aussi : fleuves et barrages hydroélectriques [CROQUIS barrages du Mékong] mais aussi l'exploitation du bois (teck en Birmanie) pharmacopée traditionnelle et viande (gibier) sont aussi vendues dans les plaines.
2- Des représentations fortes sur ces territoires
a- La « zomia » ?
- Un Territoire-frontière
- Un modèle familial, social et politique égalitaire
- Des territoires des minorités ethniques [CROQUIS Thaïlande ou Birmanie]
- mais des territoires toujours pauvres (Vietnam : 14 % de la population en montagne mais 72 % de la population pauvre)
b- Un tourisme ethnique qui renforce des représentations issues de la colonisation
- un tourisme ethnique en plein essor : Laos, Thaïlande nord, Vietnam, Birmanie
- Un tourisme de nature aussi en plein essor (Bornéo, Plongée Philippines, … )
(ps : un café géo que vous avez pu déjà lire : http://cafe-geo.net/de-bangkok-a-bali-geographie-du-tourisme-en-asie-du-sud-est/)
c- des territoires à préserver marqués par de nombreux trafics illégaux
- Nombreux parcs naturels dans les zones de montagne (associer à forêts + à frontières)
- Trafics de drogues (triangle d’or ) [CROQUIS triangle d’or … mais c’est un peu simple, il faudrait y ajouter des éléments liés aux pouvoirs centraux et à la gestion de ce « confins » : capitales, pressions, exportations, … ? ]
- Trafics de bois ou de mines légaux ou illégaux (exemple des jades de Birmanie)
3- Une intégration rapide qui bouleverse en profondeur ces espaces.
a- Les effets de la déforestation et des fronts pionniers
- De nombreux fronts agricoles ou miniers qui fragilisent les forêts des montagnes [CROQUIS Thaïlande ou Bornéo] Borneo a perdu + de la ½ de ses forets, et 1/3 a disparu au cours des 30 dernières années. Environ 56 % des forets tropicales protégées de Kalimantan ont été déboisées entre 1985 et 2001(= + de 29 000 km²). En Indonésie, la superficie consacrée à la production de palmiers à huile = 600 000 hectares (1985) → + 6 millions d'hectares en 2007.
- Des effets importants de la déforestation : tensions sociales et ethniques, violences contre les ONG et défenseurs de l'environnement (le Suisse Bruno Manser en 1993) réduction de la vie animale, biodiversité en recul …. [on peut regarder ce reportage de France 2 diffusé en février 2020 : https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/borneo-a-la-rencontre-des-defenseurs-de-la-foret_3816773.html ou lire : https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/en-2016-200-defenseurs-de-l-environnement-ont-ete-tues_115127 ]
b- Une urbanisation rapide le long des axes routiers
- Une volonté politique de développer les axes routiers souvent le long des fleuves (exemple à Bornéo, à partir des fleuves côtiers) [CROQUIS de la déforestation à Bornéo depuis 1950]
- Des axes routiers supports d’un développement économique = expliquer le rôle des corridors de développement. [CROQUIS des corridors de développement]
- Des fronts urbains qui touchent aussi les piémonts, surtout en Indonésie + Malaisie + Philippines (Luzon) [CROQUIS Kuala Lumpur ou Jakarta]
c- Une transformation sociale forte face à ces changements
- Les effets du tourisme et de l’ouverture : folklorisation des groupes ethniques (comme les Hmongs à Sapa ; d'autres minorités au Vietnam : allez voir la page d'un circuit de randonnée chez Alibert : https://www.allibert-trekking.com/voyage/vietnam-voyage-baie-d-halong … toujours intéressant de voir comment sont présentés les humains de la région : il s sont très photogéniques) ; transformation des relations sociales.
- Des mobilités facilitées vers les villes par cette ouverture et ces routes (exode rural facilité). On peut citer les livres de grande autrice vietnamienne Duong Thu Huong (Terre des oublis) qui évoque ces relations.
- La présence des cultures de rente ou des plantations change la place des minorités qui deviennent minoritaires dans leurs propres territoires (notamment les Dayaks à Bornéo).
- Une présence de l’État qui se renforce qui qui change les sociétés (accès aux soins, scolarisation, accès plus facile à la société de consommation, comme monté dans les ouvrages de l’écrivain indonésien Eka Kurniawan, exemple: L’homme-tigre, 2004)
- Des tension s politiques fortes envers certaines minorités (Hmongs au Laos, Karens en Birmanie, …) : attention à bien se limiter aux minorités des montagnes
Conclusion : Oui, la connexion croissante de ces marges change le regard que portent les espaces centraux sur ces territoires : par le tourisme d'une part, mais pas seulement, de la part des autorités politiques centrales qui y voient des territoires en stock ; des frontières à conquérir ou à sécuriser.
Proposition (un peu confuse je l'avoue) de croquis de synthèse :