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Geobunnik

Le blog d'un enseignant qui prépare au CAPES et au CRPE en géographie à l'ESPE de Corse à Ajaccio et Corte.

Nations et minorités en conflit

Publié le 28 Mars 2013 par geobunnik in Une géographie des conflits

Trois documents proposés :

  • Un premier document sur la notion d'autochtonie :

    • Des minorités aux droits reconnus par l'ONU, par l’État canadien (qui parle de peuples premiers) au nom de son occupation antérieure d'un territoire.(antérieure = à l'occupation européenne à partir des Grandes Découvertes). On parle aussi des « premières nations ».

    • Les conflits des autochtones portent souvent sur les droits de la chasse ou de la pêche ; sur l'autorité de la justice (nationale ou traditionnelle?), sur l'exploitation du sol ou du sous-sol.

    • Ces conflits aboutissent parfois à des violences individuelles ou en groupe, mais la plupart du temps, cela se termine par des négociations et un médiation par la justice.

    • Exemple : les Cri du lac Lubicon (Québec) ; les Innus du Québec, les Algonquins du Lac Barrière.

    • Cela pose la question de la définition des minorités ou celle de Nation.

  • Un deuxième document sur les Roms en Europe (carte de Philippe Rekacewicz) :

    • Un peuple ou une nation sans État (comme d'autres : Kurdes, Palestiniens, Kabyles, Mapuche, Tibétains, …)

    • Un regard sur les minorités qui peut être compatissant, agressif, positif, négatif, … Il y a donc, comme dans tout conflit la présence de représentations. Quoi qu'il arrive une minorité mal connue, souvent rejetée et sur laquelle sont portés des clichés forts (mobiles, bidonvilles, dangereux, …)

    • Une diversité au sein de cette minorité (on parle de roms, de tziganes, de gitans, …)

    • Des groupes qui connaissent une exclusion sociale et économique, qui vivent selon des canaux économiques parfois parallèles (illégaux ou non) voire des autorités parallèles (existence d'un « roi des roms » en Hongrie).

    • Des relations avec le pouvoir central qui sont parfois difficiles, avec des formes de répressions ou de ségrégation potant sur la définition de la nation (magyarisation en Hongrie par le pouvoir actuel mené par Viktor ORBAN, idem en Roumanie à un degré moindre actuellement, mais il ne faut pas oublier la politique de sédentarisation forcée pendant le régime communiste dirigé par Nicolaï CEAUCESCU).

    • Des conflits nombreux mais de basse intensité et très localisés.

  • Un troisième document sur les minorités en Chine.

    • Une définition des minorités qui reprend celle de Staline et des soviétiques : une minorité définie selon des critères essentiellement politiques et non pas ethnique, religieux, linguistique et qui vise alors à une unification. (Staline : « La nation est un communauté stable historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique, qui se traduit dans une communauté de culture. »)

    • Une reconnaissance officielle des minorités (elles sont 55 à côté des Hans majoritaires) mais dans des territoires qui leurs sont attribués ; en Chine, 9 % de la population pour 5/8 du territoire chinois.

    • Des minorités qui se trouvent dans les marges, les périphéries de l'empire : les Ouïgours (8,4 millions de personnes) à l'ouest, les Tibétains (5,4 millions) au sud-ouest, les Miaos (9 millions) au sud, les Tujia (8 millions) au sud, les Mongols (6 millions) au nord, etc... Une exception : les Hui musulmans) au centre (autour de Xi An).

    • Des conflits étouffés ou réprimés violemment, comme au Tibet depuis 1959 ou au Xinjiang (Turkestan chinois) depuis 20 ans. (attentats, répression, immolations, …)

 

Un sujet qui porte en lui beaucoup de notions, au delà de celles de Nation et de minorités : nationalisme (cf. Ernest GELLNER) / nettoyage ethnique (cf. Stéphane ROSIERE) / fédéralisme ou centralisation / régionalisme ou séparatisme / irrédentisme / conflit asymétrique / terrorisme / mémoires / frontières-interfaces / maîtrise ou aménagement du territoire / balkanisation / libanisation /etc.

 

 

En introduction, après une accroche sur l'idée que les espaces des minorités peuvent empiéter sur les espaces d'autres groupes, comme en atteste les relations entre Tchétchènes et Russes qui se règlent à la fois en Tchétchénie et à Moscou, entre une minorité reconnue mais réprimée dans sa région (son oblast) originelle ; une minorité aussi mise de côté dans le reste du pays car stigmatisée (racisme ordinaire contre les personnes originaires du Caucase vus comme brutaux, dangereux, sans avenir). Il faut ensuite définir les termes du sujet en rappelant que l'idée de Nation est assez récente (un apport de la Révolution française de 1789) et qu'elle est variable (STALINE ou RENAN). De même la notion de minorités apparaît lors de la fabrique des Nations au XIX° siècle et prend corps dans le droit international avec les propositions du Président des États-Unis Widrow WILSON en 1918. Le sujet port donc sur des rapports d'altérité, de représentations (donc de mémoires) entre des groupes qui occupent des espaces différenciés mais qui peuvent se chevaucher. Je pose alors ma problématique : La juxtaposition d'espaces aux mémoires parallèles mène-t-elle irrémédiablement au conflit ? Vient enfin l'annonce du plan (1- Le monde actuel, une juxtaposition d'espaces aux identités concurrentes ou parallèles ; 2- Des revendications ignorées ou réprimées qui mènent au conflit ; 3- Une sortie des conflits souvent longue et lente)

 

1. Le monde actuel, une juxtaposition d'espaces aux identités concurrentes ou parallèles.

Montrer dans cette partie comment les mémoires identitaires peuvent se juxtaposer ou se croiser, mais qu'elle ne sont que le résultat d'une construction historique. Cette partie permet de définir plus précisément les deux termes majeurs du sujet.

a- L'idée de Nation.

  • La Nation comme construction intellectuelle autour de 3 temps :

    • 1789, la Nation comme un groupe qui se constitue comme autonome, qui est souverain, qui se base sur des critères vagues (ethniques ? Politiques ? Linguistiques ?).

    • Ernest RENAN, 1882, Qu'est-ce qu'une Nation ? Il définit la Nation en trois temps : un passé commun / un futur envisagé ensemble / le désir présent de vivre ensemble. Il ajoute l'idée de solidarité.

    • 1918 et la constitution des États-Nation, un mariage en théorie parfait mais porte en lui ses limites car souvent pensé comme ethnique.

    • On peut en tirer trois formes de conception de la Nation : une conception ethnique (pour faire simple autour du droit su sang, comme en Allemagne jusqu'aux années 1980 ou en Corse actuellement encore) ; une conception civique (celle de la Révolution française ou du communisme de LENINE à MAO) ; un conception territoriale (on appartient à un territoire inclut dans des frontières nationales, comme aux États-Unis fondés autour d'une destinée manifeste »).

    • Aujourd'hui, c'est le modèle dominant, même si peu d’État-nation existent réellement (le Japon). Attention aussi il existe des Etats sans nation dominante, comme en Afghanistan (42 % de pachtounes, 27 % de tadjiks + 9 % de hazaras + 3 % d'iraniens (ces 3 groupes parlant le farsi) , 12 % de groupes turcophones, …) ou au Liban.

  • La Nation et son corollaire, le nationalisme.

    • La Nation pensée comme groupe différent, donc parfois supérieur. Pour Ernest GELLNER, le nationalisme estime que l'unité politique et l'unité nationale doivent être congruentes (Nations et nationalismes, Payot, 1989).

    • Une Nation parfois vue comme un corps vivant, ce qui ouvre la porte aux revendications territoriales pou agrandir un « espace vital » des Nations. Des Nations qui se confrontent, seules les plus fortes devant survivre (le « Lebensraum » de Friedrich RATZEL repris et revendiqué par le Nazisme)

    • Un Nationalisme qui aboutit donc à l'idée d'irrédentisme : des terres à récupérer car faisant partie de la Nation, au départ des terres revendiquées par les nationalistes italiens à Trieste, en Corse, etc. Aujourd'hui, on en trouve encore : les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens ; les Serbes au Kosovo (le « Pré au Merles »), les Iraniens en Irak ou en Afghanistan, les Marocains au Sahara Occidental, etc.

    • Donc un nationalisme qui aboutit à des revendications où les espaces sont considérés comme des territoires éternels de la Nation. (cf la carte des nationalisme dans les Balkans où une grande Serbie se heurte à une grande Croatie, une grande Macédoine, une grande Grèce, une grande Albanie, etc.)

    • La Nation peut donc apparaître comme créatrice de conflits … mais elle peut aussi être vécue comme une réponse aux aspirations des minorités à être reconnue, comme dans les États multinationaux.


b- Les minorités.

  • Un concept construit face à la Nation : On peut les voir comme « un groupe de personnes se reconnaissant dans une identité commune basée sur une culture, une ethnicité, une langue, une religion différente de celle du groupe majoritaire l'entourant »

  • Au cours du XIX° siècle on commence à penser les minorités, notamment dans les empires centraux : la Russie fait le choix de la russification des minorités mais l'Autriche-Hongrie fait le choix inverse d'une intégration des minorités (plus ou moins facilement et violemment), un choix lié à la constitution de l'empire et à la volonté d'organiser ces territoires.

  • En 1918, les minorités sont associées au droit à l'autodétermination des peuples. Un droit assez théorique, comme le vivent alors les tchécoslovaques, les yougoslaves (littéralement « slaves du sud », c'est à dire les Serbes, les Croates, les Bosniaques, les Monténégrins, les Slovènes, …). Les revendications locales se heurtent aux choix des grandes puissances.

  • Des minorités aux définitions peu claires, ce qui permet de revenir sur la définition de ce terme pour ce sujet : des considérations ethniques (les Miaos de Chine) ou linguistiques (comme les francophones du Canada, mais pas les wallons ou les flamands car ils sont de poids égal en Belgique), religieuses (cela permet d'intégrer les coptes ou les chrétiens d'orient, les juifs ou les musulmans indiens par exemple), ou encore culturelles.

 

c- Gérer les minorités dans la Nation.  

  • La présence de minorité(s) aboutit à des réponses différentes selon les lieux :

    • Reconnaissance de la minorité, à travers divers outils : un territoire attribué (URSS ou réserves pour les amérindiens aux États-Unis), un territoire de gestion (les 'Territoires' du Canada et le Nunavut)

    • Refus de cette existence : les kurdes sont considérés depuis Kemal Atatürk comme des 'turcs des montagnes', l'Iran nie toute présence de minorité ethnique (mais reconnaît des minorités religieuses).

    • Discrimination (les roms),

    • Exclusion (les castes impures peuvent-elles être considérées comme des minorités?), à travers des moyens visibles ou non (murs, passeports comme en Israël), création de ghettos ethniques ou sociaux (dans la très grande majorité des pays du monde).

    • Participation aux choix politiques ou économiques (les inuits du Canada, les Samis de Finlande, …)

  • Autre cas : les minorités hors des États ou les minorités sans État.

    • Pour le premier cas, des tensions existent entre les espaces nationaux tels qu'ils sont pensés de part et d'autre d'une frontière : l'espace géorgien se confronte à l'espace russo-ossète. Il s'agit de conflits de représentation qui peuvent évoluer en conflits d'usage ou en conflits armés, comme en 2008 en Géorgie à propos de l'Ossétie du sud qui a revendiqué son indépendance, soutenue par la Russie.

    • Pour le second cas, les minorités sans État peuvent aussi être source de conflit, ces minorités essayant soit de former un État indépendant, comme les kurdes entre Turquie, Syrie, Irak et Iran, soit de jouer sur les frontières pour conserver une certaine autonomie, comme les touaregs dans le Sahara entre Algérie, Libye, Niger et Mali.

  • Quoiqu'il en soit, il existe une grande diversité de situations et des revendications qui se basent sur des éléments hétéroclites qui sont plus ou moins écoutées.

 

2- Des revendications ignorées ou réprimées qui mènent au conflit.

 

a- Des revendications hétéroclites.

  • Des revendications politiques :

    • des revendications identitaires : le politique au nom d'un groupe qui se pense comme différent et mal écouté. Sur tous les continents.

    • revendiquer des territoires par et pour les minorités ;

    • revendiquer une autonomie politique, le régionalisme ;

  • Des revendications économiques :

    • des revendications autour du partage de richesses naturelles (sol ou sous-sol) : amérindiens, péninsule de Bakassi entre Nigeria et Cameroun, tensions entre régions du Nigeria, etc.

    • des revendications pour l'accès à la terre

  • Des revendications culturelles :

    • des revendications de droits culturels spécifiques (chasse à la baleine, à des espèces protégées) ;

    • des revendications de droits juridiques au nom de l'autochtonie : inuits, samis de Finlande, …

    • des revendications autour de la langue : Corse, Pays Basque, …

    • des revendications autour de la pratique de la religion : coptes en Égypte, …


b- Les Nations et leurs États face à des conflits asymétriques :

  • Ces revendications, lorsqu'elles ne sont pas écoutées cristallisent les passions et peuvent conduire à des conflits en plusieurs temps.

  • La discorde :

    • des conflits de représentation, où minorités et nations se chamaillent autour de symboles (drapeau, chants, toponymie, … )

    • des malentendus qui persistent et qui se nourrissent d'autres malentendus

    • liée à des mouvements de population suite à des migrations économiques, politiques (au Tibet, au Xinjiang).

    • une discorde qui peut se révéler lors d'un changement politique (indépendance, élection, révolution, succession dynastique) : la minorité pense que ses revendications seront entendues mais elle est déçue.

  • La cristallisation du conflit :

    • autour d'un événement fondateur (un procès, une manifestation qui dégénère, …) en Corse, la prise d'otages dans une cave viticole à Aléria en 1976 qui est réprimée violemment.

    • Autour d'élections quand les États ne garantissent pas toujours les droits de chacun (au Kenya en 2008 lors des élections présidentielles qui révèlent des fractures ethniques fortes ou qui les attisent).

    • une justification qui va puiser dans les mémoires, les ressentiments.

  • Un conflit qui prend des formes très variées :

    • pacifique : grèves, résistance passive ; Les indiens de l'armée zapatiste de libération nationale (EZLN) du Chiapas au Mexique depuis 1994.

    • asymétrique : guérilla, terrorisme ; des conflits qui peuvent être très longs : la guérilla des tigres tamouls au Sri Lanka a lutté pendant 37 ans avant d'être vaincue en 2009 par les autorités nationales. En Birmanie, trois groupes en conflit avec le pouvoir central : les Karens (6 % de la population du pays, à l'est) ; les Kashin (2%, un conflit qui resurgit en 2011 après 17 années de trêve, au nord), les Shan.

    • violentes : guerres civiles ; voire nettoyage ethnique, comme en ex-Yougoslavie entre 1992 et 1995. pour Stéphane ROSIERE (Nettoyage ethnique, violences politiques et peuplement, Revue de Géographie de l'Est, mars 2005), ce processus est lié à la création de l’État, à sa défense ou à des projets d'expansion. L'administration accroît alors son pouvoir de coercition par homogénéisation ethnique, par stress ethnique ou par ingénierie ethnique (= agir spatialement sur les ethnies). Le but est alors de modifier de manière durable le peuplement d'un territoire cible. Cela nécessite une pensée organisée, une idéologie et une application méthodique par le biais de structures appropriées.

    • violentes : guerres d'indépendance. Timor oriental qui est résolu en 2002. Irlande du nord, un conflit qui dure presque un siècle (1922-1997 avec les accords du vendredi-saint mais une paix véritable quelques années plus tard).

    • Violentes : une intervention extérieure, comme la Russie en Ossétie en 2008.


c- Des territoires au cœur des enjeux : les marges, les périphéries.

  • Les zones frontalières : croquis de la Chine et de ses minorités (voir sciences-po), ou du Caucase (un peu plus complexe). Il faut bien voir le Caucase comme une frontière (entre Europe et Asie, entre monde Russe et mondes iraniens et turcs et chrétiens), on peut aussi prendre l'exemple français (Corse, Pays Basque, Alsace, Bretagne, Catalogne, …)

  • Les forêts denses :

    • Birmanie,

    • République Démocratique du Congo,

  • Les déserts (chauds ou froids)

    • Le Sahara (Mali, Mauritanie, Sahara Occidental, …)

    • Le Soudan (celui du nord), avec le Darfour.

    • Le Xinjiang chinois.

    • Les Bushmens (boshimans) du Kalahari

    • Le cachemire entre Inde, Pakistan et Chine : un désert humain (montagnes, glacier de Siachen, sommets à + de 8 000 mètres, comme le K2)

  • Les territoires délaissés des métropoles.

    • Los Angeles et les émeutes de 1992 à Southcentral ;

    • Les ghettos un peu partout et spécifiquement à Londres en 2011, en banlieue parisienne en 2005, etc.

 

3. Une sortie des conflits souvent longue et lente.


a- L'acceptation par l’État de la minorité : une acceptation de la juxtaposition des espaces.

  • Suite à un changement de régime

  • Suite à une prise de conscience lente

  • Suite à une pression internationale

  • Une différence entre dictatures et démocraties : un processus plus rapide ou moins violent.


b- Des négociations internes ou internationales

  • des tables rondes,

  • des opérations vérité et réconciliation (Afrique du Sud, Rwanda)

  • des négociations menées par l'ONU (avec ou non les casques bleus)

  • des juridictions internationales (le Tribunal Pénal International)


c- Intégrer les diasporas, les déplacés et les réfugiés :

  • les diasporas et leur rapport mythifié au territoire originel

  • les déplacés et les réfugiés, un retour plus ou moins facile

  • gérer la complexité.


d- La volonté de prévenir les conflits autour des minorités

  • dans le cadre de l' ONU : un programme de protection des droits des minorités

  • dans le cadre de l'Union Européenne : une reconnaissance des minorités et de leurs droits linguistiques ou culturels.


Pour conclure : Pas de conflit systématique entre minorités et nations ; Un conflit qui éclate quand il y a discorde ou incompréhension forte qui mènent à un sentiment d'injustice ; De nombreuses minorités sont bien intégrées, sans qu'il y ait acculturation ; Une intégration qui passe souvent par une reconnaissance de droits, de la différence par la loi et par une absence de stigmatisation.

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