On peut étudier la population de l'Inde par sa diversité, une problématique certainement trop simple qui permet de poser des bases pour comprendre cette population : la taille, l'importance de la population associés à l'immensité du pays (3,288 millions de km², soit 6 fois la France ; 1 600 km entre le nord du Cachemire et la pointe sud du Tamil Nadu, le cap Comorin ; 1 400 km entre l'extrême ouest, le golfe de Kuch et l'extrême est, les montagnes himalayennes de l'Arunachal Pradesh – le Kanchenjunga à 8 598 m) ainsi qu'à sa diversité des milieux : (Croquis bioclimatique à partir des cartes ci-dessous + relief)
Dans une composition de capes, comme dans un cours, il faut dépasser cette problématique trop simple et faire émerger la spécificité de la population indienne :
- Peut-on s'en tenir au nombre, à la masse ?
- Est-ce l'hétérogénéité de la population ?
- Est-ce l'importance des populations rurales, aux évolutions comportementales plus lentes que dans les villes, des populations marquées par des traditions tenaces ?
- Est-ce la place des minorités dans cette population ? (minorités dans lesquelles on peut inclure les femmes)
- Est-ce la mobilité des populations qui composent ce pays ? Certains parlent d'une 'population en mouvement', comme Christophe Z Guilmoto dans C. Jaffrelot (dir.), L'Inde contemporaine, Pluriel, presses de sciences-Po, 2014, page 137).
Autres éléments à prendre en compte pour étudier une population, quelle qu'elle soit :
- les dynamismes spatiaux (polarisation ? Littoralisation ? Exode rural ? Migrations ? …) ;
- les dynamismes internes (vieillissement, évolution de la natalité, de la mortalité, …) ;
- les jeux d'échelles entre la population indienne à l'échelle nationale, la population à l'échelle régionale, la population à l'échelle locale (urbaine ou rurale).
Pour ma part, je me demanderais en quoi les enjeux démographiques ont des conséquences politiques fortes.
Voir le très bon article de François Durand-Dastès : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/le-monde-indien-populations-et-espaces/articles-scientifiques/les-hautes-densites-demographiques-de-linde
1- Un foyer majeur de la population mondiale.
L'Asie du sud est un des deux principaux foyers de population du monde. L'Inde, la Bangladesh, le Pakistan, l'Afghanistan, le Bhoutan, les Maldives et le Sri Lanka regroupent 1,6 milliards d'habitants, soit 24 % de la population mondiale sur 4 % des terres émergées.
Dans ce total, l'Inde représente 17 % de la population mondiale (deuxième pays le plus peuplé au monde) sur 3% des terres. Le recensement de 2011 a compté 1,2 milliards de personnes.
Les densités populations sont fortes : plus de 1 000 habitants/km² au Bangladesh et aux Maldives, 382 en Inde, plus de 300 au Sri Lanka ou encore plus de 200 au Pakistan. La particularité de cet ensemble est la proportion de population rurale présente dans chacun des pays : les densités rurales sont fortes voire très fortes, atteignant plus de 1 000 habitants par km² parfois (Bangladesh, Inde).
Ce foyer de population est aussi remarquable par le dynamisme de sa population. Le rythme annuel de croissance a été de 2,1 % entre 1975 et 2005, soit plus que la moyenne mondiale (1,6 %) mais moins qu'en Afrique noire (+ 2,7 %) ou dans au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (+2,6 %).
Il ne faut donc pas oublier que l'Inde est entourée de voisins à la population importante : le Pakistan 182 millions d'habitants ; le Bangladesh 156 millions, des populations aux taux d'accroissement de la population rapide (Pakistan = 80 millions d'habitants en 1980, soit + 127% en 35 ans ou + 3,6 % /an ; 82,5 M au Bangladesh en 1980, soit + 90 % en 35 ans, soit 2,5 % par an).
Enfin, c'est un foyer d'émigration depuis longtemps : vers l'Europe, l'Océan Indien, l'Asie du sud-est ou vers l'Amérique du nord plus récemment.
Cette émigration est ancienne, datant du XIX° siècle. Elle a connu trois vagues assez bien localisées ;
- la première commence vers 1833-34, pour fournir de la main d’œuvre dans l'empire britannique (Afrique de l'est et du sud, Caraïbes, Asie du sud-est, Fidji, Sri Lanka, Malaisie et Birmanie). On sait que Plus de 1,5 million d’Indiens ont quitté le sous-continent entre 1834 et 1917 et ont été envoyés vers Maurice (450 000), les Caraïbes (200 000), la Guyane britannique (239 000), le Suriname (34 300), les îles Fidji (61 000), mais aussi en Afrique de l’Est (32 000) et du Sud (Natal, 152 000).De même, près de six millions de travailleurs indiens ont été exportés en direction des pays voisins d'Asie du sud-est vers le Myanmar (2,5 millions) ou la péninsule malaise (2 millions) et Ceylan. Ces travailleurs d’origine indienne, recrutés dans les plantations pour remplacer les esclaves nouvellement affranchis, sont rejoints par des migrants libres qui forment une classe marchande et une petite élite intellectuelle, et qui conservent des liens non seulement commerciaux, mais aussi culturels et politiques avec le sous-continent jusqu'à aujourd'hui.
- la deuxième, après l'indépendance vers les pays riches : Europe et Amérique du nord mais aussi Australie et Nouvelle-Zélande.
- A partir des années 1970, ce mouvement se double d'émigration vers les pays du golfe arabo-persique.
Désormais, et surtout depuis la loi de 2002, les autorités indiennes classent les émigrés et leurs descendants en deux groupes :
- Les personnes d'origine indienne (person of indian origin / PIO) qui regroupent les personnes qui ont possédé un passeport indien (et qui ont pu changer de nationalité), leurs descendants et leurs conjoints. Environ 12 millions de personnes.
- Les citoyens indiens qui ont émigré et qui gardent leur passeport indien : les indiens non résidents (non resident indiens / NRI). Environ 4 millions de personnes, considérés par les autorités comme des émigrants temporaires.
Les principaux pays d'accueil sont :
- le Népal,
- la Malaisie,
- les États-Unis,
- les Émirats Arabes Unis,
- l'Arabie saoudite,
- le Sri Lanka,
- la Birmanie,
- le Canada,
- la Grande-Bretagne,
- l'Afrique du sud.
2- La répartition de la population en Inde
Ce foyer de population est marqué par une répartition de la population assez complexe :
a- Trois foyers de concentration de la population :
- La plaine du Gange, un vaste ensemble de 2.400 km d'est en ouest et sur 300 km du nord au sud qui accueille 400 millions de personnes, avec des densités rurales supérieures à 500 voire 1 000 habitants par km². (470 000 km², une densité rurale moyenne de près de 700 h/km² - seule une autre région possède des densités rurales aussi forte : le bassin du fleuve Jaune en Chine). On peut rattacher le Golfe du Bengale à cet ensemble et le compléter par le Bangladesh (156 millions de personnes) + la plaine de l'Indus.
- La pointe sud à partir de la côte du Kérala vers le Tamil Nadu, aux densités plus faibles : 105 millions de personnes sur 168 000 km² (autour de 62 hab/km²). Cet ensemble peut aussi être complété par la vallée du Brahmapoutre au nord-est.
- Le Golfe de Cambay ou de Khambhat, du Gujarat jusqu'à Mumbay et Pune, autour de 90 millions de personnes.
- 10 états (sur un total de 35) comptent plus de 50 millions d'habitants en 2011 alors que 5 états ou territoires en comptent moins d'un million. Ainsi, l'Uttar Pradesh et ses 200 millions d'habitants est plus peuplé que le Brésil.
b- Deux périphéries :
- La périphérie externe : les bordures montagneuses du Nord (Cachemire, Himalaya) et le désert de Thar (nord-ouest)
- La périphérie interne (Durand-Dastès, 1995) : du Rajasthan à l'Odisha (des plaines sèches au nord-ouest, des collines et moyennes montagnes très arrosées mais aux sols médiocres au sud-est => le plateau du Deccan et les moyennes montagnes qui le bordent).
c- Les raisons de la répartition de la population sont bien connues :
- Principalement des raisons agricoles : la plaine du Gange est une région extrêmement fertile dans laquelle deux boucles d'interactions coexistent : une première liée à la riziculture qui permet de nourrir une population nombreuse et, en contre-partie, nécessite une main d’œuvre nombreuse. Cette riziculture est possible grâce à des conditions naturelles particulières : une vallée fluviale large, un climat chaud et humide lié à la mousson. Ces conditions sont en interaction avec des choix politiques et sociaux : la riziculture nécessite un partage ou un contrôle territorial strict lié à la gestion de l'eau pour l'irrigation. Les contreforts de l'Himalaya, très humides, accueillent des populations assez nombreuses (plantations de thé).
- De même, le Kérala est une région chaude et humide (tropicale) qui a développé une riziculture et des plantations, comme la canne à sucre ou le coton.
- Ces raisons agricoles ont été renforcées par des choix politiques : le choix de ne pas favoriser les villes qui, même si elles peuvent paraître tentaculaires restent minoritaires dans le poids total de la population du pays (70 % de ruraux), mais aussi le choix de la révolution verte dans les années 1960-70 qui a permis d'une part l'autosuffisance alimentaire de l'Inde mais aussi une productivité agricole renforcée (principalement dans le Penjab). Enfin, il ne faut pas oublier que le coût de la main d’œuvre indienne reste faible, favorisant ainsi les travaux des champs non mécanisés.
- Il existe aussi des raisons physiques qui limitent les densités de population : les régions périphériques externes et internes sont celles :
- des hautes montagnes du nord, l'Himalaya, les densités y sont très faibles car les populations sont concentrées dans des vallées sèches irriguées par l'eau des glaciers.
- des montagnes ou des collines : elles sont plutôt sèches au nord, sur le plateau du Deccan et plus pluvieuses au sud, mais les densités rurales y restent faibles car la productivité des sols est faible (sols de médiocre qualité nutritionnelle). Noter, dans les représentations indiennes, l'importance de la jungle (jangal n sanskrit, jangala en hindi), qui désigne originellement à la fois une formation végétale (savane) mais aussi un territoire civilisé par les humains, salubre, limité par l'anupa, milieu humide et inhospitalier (paludisme), barbare. Avec la colonisation britannique, le mot a pris une connotation différente, celle de la forêt tropicale humide, l'anupa, un ailleurs sauvage et lointain.
- des déserts dans le nord-ouest, notamment le désert de Thar dans le Rajasthan.
d- Des villes, un héritage plus ou moins ancien.
- Les villes indiennes ne sont pas nées de la colonisation européenne. La plupart des villes actuelles ont été des capitales des différents royaumes et empires. Ainsi, la trame urbaine actuelle est liée à plusieurs vagues d'urbanisation depuis 2 000 ans. Le territoire indien est donc couvert d'un réseau urbain dense fait de nombreuses petites villes (voir doc 1951, villes de plus de 20 000 habitants). Delhi est déjà la capitale de l'empire moghol tandis que Jaipur, Golconde, Hyderabad et Mysore sont aussi d'anciennes capitales.
- La colonisation britannique a surtout favorisé trois villes portuaires devenues par la suite trois pôles urbains organisant le système de villes indien : Calcutta devenue Kolkata, Bombay, devenue Mumbay et Madras devenue Chennai. Ce sont ces villes qui vont dominer le système urbain indien jusqu'à la fin du XX0 siècle. Progressivement Delhi rattrape et double Calcutta (respectivement 240 000 et 1,5 millions d'habitants en 1901 → 6,4 et 6 millions en 1961 → 7,1 et 16 M en 2001 → 21,7 et 15,6 en 2015). Delhi succède à Calcutta (1773-1912) comme capitale de l'Inde britannique puis de l'Union indienne.
- L'évolution récente (depuis les années 1980) est marqué par une polarisation croissante et, comme ailleurs dans le monde, par une métropolisation. Cependant, il n'y a pas d'hypertrophisation du système urbain : les mégapoles et métropoles sont assez bien disséminées sur le territoire, formant 4 ou 7 têtes réseaux de villes (Mumbay – Delhi – Kolkatta – Chennai – Bangalore – Hyderabad – les villes du Kerala : Kozhikode, Malappuram et Thiruvanantapuram.
- Cela pose la question de l'importance des villes secondaires en Inde : on note deux grandes catégories de villes : les mégapoles ou métropoles d'une part et les petites villes (autour de 20 000 habitants et plus) qui n'ont pas les capacités de polariser le territoire car elles ne disposent pas de centralités fortes. Selon certains aménageurs, il manque une catégorie de villes médianes, relais entre les deux types de villes, relais entre l'Inde urbaine et l'Inde rurale.
- Donc, à retenir : un pays à la répartition de la population et des villes assez duale et homogène, même s'il y a des disparités.
e- Un pays de minorités
- Des minorités religieuses : La présence de minorités permet de dépasser la rhétorique nationaliste du BJP de l'Hindouité, notion créée par le BJP dès sa création en 1977.
- Un groupe majoritaire marqué par l'hétérogénéité :
- La religion hindoue est loin d'être unie : le système des castes (varna + jati) est, comme nous l'avons vu en introduction, très hiérarchique. De plus, la religion diffère selon les lieux et les États de l'Inde. Ainsi, si Bénarès est souvent présentée comme le nombril du monde hindou (le centre de l'univers et « le grand lieu de passage »), il existe 6 autres villes saintes qui ont un poids similaire à Bénarès (puisque les autres villes sont aussi des lieux de 'libération' : quiconque meurt dans une de ces 6 villes renaîtra à Bénarès et donc accédera à une délivrance définitive …)
- L'hindouisme regroupe 80 % de la population du pays. C'est un polythéisme complexe qui intègre l'idée d'un dieu unique mais aussi de millions d'autres dieux et de déesses. La figure centrale est Vishnou (le sauveur) et ses avatars (Krishna, Rama) ainsi que deux autres dieux majeurs : Brahma (le créateur) et Shiva (le destructeur). On peut aussi citer Lakshmi (femme de Vishnou, déesse de la chance) ou Ganesh (divinité bienveillante, associée à l'abondance matérielle). Des millions de temples permettent de recevoir prières et offrandes destinées aux dieux. Le Gange est le fleuve sacré, lien entre la montagne et la mer, il permet de purifier les fidèles, d'enrichir les champs.
- Le cœur de la croyance est une métempsycose : l'âme humaine, éternelle, migre d'un corps à l'autre selon les actes accomplis dans la vie de la personne qui transporte cette âme. Le respect des normes sociales permet d'améliorer son karma propre mais aussi d'équilibrer l'harmonie cosmique.
- Cette religion n'a pas de clergé structuré ni de règles générales : chacun choisi ses divinités, ses règles. Des dieux nouveaux apparaissent.
- des groupes minoritaires issus d'influences intérieures ou extérieures
- Le bouddhisme, né en Inde s'est surtout développé hors de ce pays. Aujourd'hui, seuls 1 % des bouddhistes vivent en Inde, principalement au Sikkim et dans le district de Ladakh (Jammu-et-Cachemire). Il est né au VI° siècle d'une volonté de se détacher du cycle des réincarnations par une autre voie : non pas la pureté mais la souffrance ou la compassion.
- Le jaïnisme est né lui aussi d'une volonté de se démarquer de l'hindouisme, mais dans une voie plus stricte (végétariens, non-violents, refus d’attenter à toute vie animale). Ils regroupent 0,5 % de la population, principalement dans l'ouest du pays (Gujarat, Rajasthan, Maharashtra). On en trouve un grand nombre dans le commerce des diamants.
- Le sikhisme est plus récent (XV° siècle). Lui aussi naît en réaction à l'hindouisme, notamment au pouvoir des brahmanes et de la réincarnation. C'est une religion monothéiste qui s'oppose au culte des idoles. 75 % des sikhs habitent au Penjab.
- Les musulmans sont minoritaires partout sauf au Cachemire. Ils regroupent 14,4 % de la population au recensement de 2011. Les musulmans sont majoritaires dans le Lakshadweep (îles Laquedives), et dans l’État de Jammu-et-Cachemire. Le pourcentage de musulmans est important dans l’Assam (30,9 %), le Bengale occidental (25,2 %), le Kerala (24,7 %), l’Uttar Pradesh(18,5 %) et le Bihar (16,5 %)
- Le christianisme est la religion la plus récemment importée en Inde, en lien avec la colonisation. Elle est la religion majoritaire dans le Nagaland, le Mizoram et le Meghalaya. Elle est également importante dans le Manipur (34 %), à Goa (26,7 %), dans les îles Andaman et Nicobar (21,7 %), dans le Kerala (19 %) et l’ArunachalPradesh (18,7 %)
- Cette diversité pose la question de l'identité nationale indienne : la loi de 1992 sur la Commission nationale pour les minorités (National Commission for Minorities Act), considére les musulmans, sikhs, chrétiens, parsis ou zoroastriens et bouddhistes comme des minorités religieuses. Les jaïns ont été par la suite ajoutés à la liste. Les tribus et peuples indigènes ont été regroupés avec les hindous.
- Un groupe majoritaire marqué par l'hétérogénéité :
- Des minorités linguistiques
- Une mosaïque de langues : 863 langues sont officiellement répertoriées, dont 30 langues parlées par plus d'un million de locuteurs 302 langues mineures parlées par moins d'un million de personnes. Parmi ces dernières, 118 langues seraient parlées par moins de 10 000 locuteurs. Enfin, on décompte un peu moins de 200 langues tribales, souvent uniquement orales.
- Le pays compte 22 langues officielles ; chaque État a sa (ou ses) propre(s) langue(s) officielle(s) : jusqu'à 6 dans l’État du Manipur. De même, il existe aussi des langues officielles à l'échelon municipal ou local, afin que chaque citoyen accède aux documents et aux renseignements administratifs de base.
- Deux groupes de langues dominent :
- les langues indo-européennes ou indo-iraniennes : (¾ de la population)
- L'hindi (nord-ouest) qui partage avec l'anglais le statut de langue officielle. On estime qu'elle est comprise par la moitié de la population du pays et parlée par 30% des indiens. L'anglais quant à lui serait parlé par 7 % des indiens.
- l'ourdou qui est la même langue que l'hindi mais qui s'écrit avec un alphabet différent.
- le benagli
- etc...
- les langues dravidiennes dans le sud du pays (¼ de la population) ; au sud d'une ligne qui va du petit état de Goa jusqu'à Cuttack (ville située à 500 km au SO de Calcutta.
- le tamoul
- le Kannada
- etc.
- les langues indo-européennes ou indo-iraniennes : (¾ de la population)
- d'autres langues très minoritaires, comme les langues sino-tibétaines, l'arabe, …
- En Inde, le multilinguisme est une habitude. Le système scolaire indien lui-même a intégré ces langues locales : sur les douze années d’études du primaire et secondaire, l’enseignement se fait d’abord dans la langue maternelle ou officielle de l’État de la première à la cinquième année, et la formule trilingue est introduite à partir de la sixième année. Les trois langues enseignées sont généralement la langue maternelle ou la langue régionale + une des langues officielles de l’Union (l’hindi ou l’anglais) + une autre langue indienne ou étrangère.
- Cependant, il semble que cette variété de langues se réduise au profit des langues les plus parlées et les plus utiles (l'anglais, langue des affaires, de la justice, de la politique et l'hindi, langue des emplois dans la fonction publique). Ce sont principalement les 197 langues tribales qui sont en danger (13 % des locuteurs utilisaient des langues tribales en 1961, 3 % en 2011).
- Des minorités liées au système ségrégationniste des castes
- Un système à lire à travers le lien entre une caste/jati et un territoire. Les villages sont construits sur la base de la ségrégation entre les groupes dits « purs » (varna) et les groupes moins purs, souvent plus foncés de peau … La Constitution de 1950 a aboli le mot mais pas le système, elle intègre même l'expression de 'sheduled castes', de castes répertoriées.
- Les brahmanes (symboliquement « la bouche ») ne représentent que 7 % de la population des hindous. Seuls habilités à lire et à commenter les textes sacrés, ils président les rituels et constituent une forme d'aristocratie toujours reconnue par les société. (forte concentration dans les villes saintes)
- Les kshatriya (guerriers symboliquement « les bras ») regroupent 5 % des hindous
- Les vaisha (marchands symboliquement « la cuisse »), 4 % des hindous, plus présents en Inde du Nord qu'au Sud.
- les shudra (travailleurs manuels, artisans, paysans, symboliquement « les pieds ») forment la masse des hindous : 63 %. Ils accèdent difficilement au pouvoir politique ou économique.
- les dalits ou intouchables, 21 % regroupent tous les autres, considérés comme impurs.
- Les jatis sont basées sur un principe assez fort d'endogamie (mariage entre membres du même groupe), de spécialisation professionnelle (à relativiser depuis l'explosion démographique de l'Inde : un potier s'il a 4 ou 6 fils n'en fera pas forcément 4 ou 6 potiers) et d'hérédité, toujours fort.
- Cette hiérarchie sociale est toujours marquée dans les villages ou certains groupes reçoivent des parts de récolte en échange de services (barbier, forgeron, ..). Elle est visible aussi dans le panchayat, le conseil villageois élu qui peut ostraciser un membre et qui prend les principales décisions politiques concernant le village (accès à l'eau, électricité, …)
- Des structures anciennes à dépasser, marquées par la modernité, notamment en ville
- Un système à lire à travers le lien entre une caste/jati et un territoire. Les villages sont construits sur la base de la ségrégation entre les groupes dits « purs » (varna) et les groupes moins purs, souvent plus foncés de peau … La Constitution de 1950 a aboli le mot mais pas le système, elle intègre même l'expression de 'sheduled castes', de castes répertoriées.
- La place des minorités tribales :
- La notion de tribu est récente : ce sont les britanniques qui, au XIX° siècle, décident de regrouper sous ce vocable des groupes ethniques variés dans un double objectif : d'une part protéger ces minorités et leurs modes de vie (souvent nomade, des groupes isolés et peu nombreux) et d'autre pârt exploiter leurs terres souvent riches en ressources naturelles (mines et forêts). En 1936, l'imperial act dresse une liste de « tribus primitives » associées à des zones d'exclusion pour les non-tribaux. Cette liste est transformée en 1950 (Constitution) en Tribus Répertoriées (Scheduled Tribes) et en Liste des Zones Répertoriées (Scheduled Areas). Environ 104 millions de personnes sont comptabilisées comme appartenant à une de 705 tribus (soit 8,6 % des Indiens).
- Deux tribus sont particulièrement nombreuses :
- les Gonds (13 millions de personnes).
- les Bhils (17 millions de personnes)
- Ces tribus sont soutenues par un programme de discrimination positive (comme les dalits ou intouchables) :
- programmes de développement économique et social.
- postes réservés dans le système scolaire
- postes réservés dans les assemblées électorales
- postes réservés dans la fonction publique ;
- Quelques régions accueillent une majorité de personnes classées dans une tribu :
- Le Lakshadweep avec près de 95 % de la population ;
- Le Mizoram, 94 % ;
- Le Nagaland , 87 % ;
- Le Meghalaya , 84 % ;
- L'Arunachal Pradesh, 70 % ;
- Le Dadra et Nagar Haveli, 52 % ;
- Le Manipur, 41 % ;
- Le Sikkim, 34 % ;
- Le Chhattisgarh, 31 % ;
- Le Tripura, 32 % ;
- le Jharkhand , 26 % ;
- L'Odisha, 23 % ;
- Le Madhya Pradesh, 21 % ;
- La place des femmes dans la société indienne :
Les femmes sont souvent considérées comme inférieures en Inde. Cela a des conséquences importante sur leur vie :
- le sex ratio est de 934 femmes pour 1 000 hommes en 2011, l'écart étant le plus important depuis l'indépendance de 1947 (moyenne mondiale hors 983, mais hors Chine et Inde 1016 – Europe 1075 – Afrique 1010). Ce chiffres s'explique par deux facteurs :
- d'une part l'usage massif de l'avortement et du contrôle des naissances.
- d'autre part une surmortalité infantile des filles.
- Seuls deux états (le Kérala (1058 femmes pour 1000 hommes) et le Puducherry (1001 femmes pour 1000 hommes) ont un ratio positif pour les femmes. Ces chiffres s'expliquant en grande partie par le niveau de scolarisation et d'alphabétisation des habitants, notamment des filles. A l'inverse, l'état de l'Haryana a un ratio de 861 femmes pour 1000 hommes.
- En 1990, l'économiste Amartya Sen (prix 'Nobel' d'économie 1998) invente l''expression de « femmes manquantes », qu'il estime à 100 millions alors. 43 millions selon Christophe Z GUILMOTO en 2012)
- Au delà de l'avortement (en 2011 : 914 filles pour 1000 garçons de moins de 6 ans) ; il faut aussi noter comme causes de ces absences la surmortalité féminine liée à des carences de soins et d'alimentation, liée aussi à la dureté des travaux imposés mais encore liée aux maltraitances et violences faites aux femmes (rappeler l'émoi national et international en 2012 lors des agressions sexuelles de femmes dans les bus, considérés jusqu'alors comme normal ou acceptable).
- La situation de la femme est historiquement mauvaise (on peut rappeler les campagnes de lutte contre l'infanticide féminin menés par les autorités britanniques dans leur colonie du Gujarat au Penjab), elle semble être associée à la pratique de la dot qui pénalise les familles où les femmes sont nombreuses. De plus, 37 % des femmes ont déclaré être victimes de violences domestiques selon une enquête de 2007.
- On peut aussi rappeler les viols faits aux femmes qui ont fait l’actualité dans le monde en décembre 2012 (viol collectif dans un bus).
- Cependant, d'autres causes sont à noter dans les différences régionales de la place des femmes : une des raisons est l'importance des migrations : les migrations internes sont surtout masculines (csq : baisse du taux de féminité dans les régions d'arrivée et hausse dans les régions de départ : le cône sud : état du Tamil Nadu ; les ghats orientaux, dans les états de l'Andhra Pradesh et de l'Orissa). Ainsi, les principales métropoles sont des espaces à faible taux de féminité ; les taux les plus élevés sont dans les zones de départ : le Kérala notamment. De plus, les régions riches connaissent des taux de féminité très bas (autour de New Delhi et du nord-est de la plaine du Gange : les familles y ont plus accès aux échographies, souvent destinées à éliminer les embryons féminins.
3- Les dynamismes de la population indienne
Avant tout, il ne faut pas oublier que l'Inde reste un pays dans lequel l'état civil est loin d'être fiable.
a- Une croissance démographique qui ralentit.
- L'élément central de l'évolution récente de la population est le ralentissement de la croissance. Les chiffres utilisés permettent de comparer principalement la période inter-censitaire 2001-2011.
- Le taux de croissance de la population a été assez fort entre 1921 et 1951 (entre 11 et 14 % de croissance par période de 10 ans), puis s'est accéléré entre 21,5 et 25 % par décennie jusqu'à 2001. Le fait marquant est qu'entre 2001 et 2011, cette croissance n'a été « que » de 17,7 %.
- Cette croissance a été due à une baisse forte de la mortalité dans les années 1955-1985 : le taux de mortalité passe alors de 25 %o à moins de 10 %o (7 %o en 2011). Elle a été accompagnée par une baisse de la natalité plus lente, puisque le taux de natalité est passé de 43 %o en 1955 à 35 %o en 1985 à 22 %o en 2011. la différence (taux d'accroissement naturel) est monté progressivement de 17 %o en 1955 à près de 25 %o en 1980 à environ 15 %o en 2011.
- Une baisse qui a commencé au sud :
- La baisse a commencé dans le Kérala, un état dirigé par le parti communiste qui a favorisé l'alphabétisation des femmes, La baisse a ensuite été nette dans des états plus conservateurs aux populations votant pour les partis hindouistes comme le BJP mais aussi dans les populations musulmanes.
- Cette baisse de la croissance de la population a commencé sur les rives du Golfe du Bengale et dans le cône sud avant de se propager dans le nord-est puis le nord, la plaine du Gange. On assiste aujourd'hui à une certaine homogénéisation des pratiques.
b- Un exode rural faible mais présent.
- Une autre évolution marquante a été la faiblesse de l'exode rural : les ruraux constituent toujours 70 % de la population du pays. Cela représente quand même 977 millions d'urbains en 2011, une hausse de 91 millions de personnes depuis 2001. Une hausse faible mais constante et supérieure à la croissance globale.
- Comme souvent, le mouvement vers les villes est assez complexe : ainsi, les grandes villes isolées ont connu une croissance rapide.
- La croissance des villes est due à 60 % à son propre accroissement naturel, à 25 % à l'exode rural (seulement) à 10 % à l'étalement urbain (intégration de nouveaux territoires urbains) et à 5 % à un reclassement de districts ruraux accédant au statut de ville.
- On peut expliquer la faiblesse de l'exode rural par plusieurs raisons :
- un rejet de la ville, considérée comme sale, corrompue, polluée, dangereuse ;
- le coût de la vie dans les villes, considéré comme top élevé par beaucoup de ruraux ;
- une idéalisation de la campagne depuis Gandhi et sa politique communaliste ;
- un fort enracinement rural (religieux, familial, …) : En Inde du sud, l’initiale du prénom d’un individu correspond à l’initiale de son lieu de naissance. On se définit par un lieu, par un village, par une maison que ses ancêtres ont consacrée devant les dieux au cours d’une cérémonie où un prêtre a célébré le sacrifice du feu. (Frédéric LANDY, http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-1160.html)
- une politique de développement rural mené depuis les années 1960-70 (la révolution verte) qui fait que les densités rurales sont fortes grâce à l'irrigation ou le développement de l'élevage laitier.
c- Une transition démographique achevée ?
- L'évolution de la population de l'Inde est très liée à l'évolution du taux de natalité :
- celui-ci est resté dans les années 1950-1970 stabilisé autour de 6 enfants par femme avant de baisser lentement autour de 5 en 1975, de 4 en 1988, de 3 en 2002 et de 2,5 en 2012.
- Par conséquent, le taux de natalité a baissé lui aussi lentement : 42 %o en 1960 → 8 %o en 1970 → 35 % en 1980 → 30 %o en 1990 → 25 %o en 2000 → 21 %o en 2010 et 20 %o en 2012. Logiquement, l'indice de fécondité est passé de 5,5 à 2,5 enfant par femme entre 1970 et aujourd'hui. Les zones urbaines sont moins fertiles (1,9 enfant par femme ; 2,8 dans les zones rurales). Noter que cette fécondité est très liée à la nuptialité (la quasi totalité des naissances se font dans le cadre du mariage : la vie sexuelle des femme est socialement très fortement encadrée.
- durant la période, le taux de mortalité a baissé plus fortement : 22 %o en 1960 → 16 %o en 1970 → 12 %o en 1980 → 10 %o en 1990 → 9 %o en 2000 → 8 %o en 2010 et aujourd'hui. Il s'explique grandement par une baisse du taux de mortalité infantile (165 %o en 1960 → 41 %o en 2013, même si celui-ci reste très élevé par rapport aux pays occidentaux)
- Ainsi, la croissance de la population (quasi exclusivement liée à l'accroissement naturel – exception faite du début des années 1970, suite à la guerre Indo-pakistanaise de 1971. Depuis la fin des années 1990, l'émigration est supérieure à l'immigration) a été de : 2 % par an en 1960 → 2,34 % par an au milieu des années 1970 (maximum 1977-78) avant de redescendre à 2% en 1990 puis à 1,5 % en 2005 et d'être autour de 1,2 % par an depuis 2010.
- L'Inde a logiquement connu alors un rajeunissement de sa population dans les années 1960-65 ; suivi d'un vieillissement progressif :
- la part des moins de 15 ans est passée de 40 % en 1960 à 28 % en 2012
- la part des plus de 65 ans augmente régulièrement : 3 % en 1960 → 5,5 % en 2014
- l'espérance de vie à la naissance a elle aussi régulièrement augmenté : de 25 ans dans les années 1880 à 41 ans en moyenne en 1960, l'espérance de vie à la naissance est passée à 66 ans en 2013 (68 ans pour les femmes – 64 ans et 9 mois pour les hommes).
- Ces chiffres s'expliquent par la fin des crises de mortalité liée aux épidémies, aux famines ou aux disettes grâce à une vaccination universelle, à une meilleure alimentation. Là encore, le Kérala a été un état pionnier et un modèle.
- Il faut noter que des crises subsistent : épidémie de peste dans le Surat en 1995 (qui a entraîné le départ de 500 000 personnes), permanence du paludisme, de la dengue, de la tuberculose. Le sida touche près de 5,7 millions de personnes. D'autres nouveaux risques sanitaires sont apparus au XX° siècle, comme la pollution qui marque les populations de Bombay, Delhi, Gwalior, Patna, Raipur et Bangalore.
- Depuis l'indépendance de l'Inde, la croissance de la population a toujours été une préoccupation majeure des gouvernements indiens. Alors qu'en 1951 le pays ne compte que 351 millions d'habitants, le taux de croissance de 1,25 % par an (1941-1951) pousse les autorités fédérales à mettre en place un programme de planification familiale → accès aux méthodes contraceptives bon marché, volonté d'augmenter l'âge au mariage des filles (alors de 15,6 ans), campagnes de stérilisation et légalisation de l'avortement pour les femmes mariées (1970). Cette politique devient impopulaire dans les années 1976-1977 lorsque le gouvernement dirigé par Indira Gandhi décide d'imposer une stérilisation obligatoire pour les mère d'au moins trois enfants (8,3 M de stérilisations en 1976-1977 contre 1 à 2 M dans les années 1965-1975 !). Face à son impopularité, cette politique est assoupli pour s'appuyer sur le volontariat. On encourage ainsi l'utilisation de la pilule et du stérile et les stérilisations sont mieux acceptées (4 à 5 millions par an entre 1985 et 2002).
- L'Inde a connu depuis 50 ans des progrès importants mais limités au regard des autres pays du monde. Les progrès à réaliser sont liés à la révolution sanitaire à venir en Inde. En effet, si les épidémies menacent encore l'Inde ou certaines régions du pays (tuberculose, malaria, sida), c'est en grande partie lié à l'accès par la population à l'eau courante (36 % des habitants n'en ont pas chez eux), aux toilettes (47 % des foyers en disposent) ou à l'électricité (30 % des foyers n'y ont pas accès)
- Cette transition s'explique par des choix politique en plusieurs plans quinquennaux (7 plans entre 1951 et 1990) ou annuels :
- une phase d'augmentation du taux de croissance naturel : passé de 1,25 % par an entre 1941 et 1951 à 2,2 % par an dans les années 1970.
- une phase de baisse liée à la politique volontariste menée par les gouvernements successifs d'Indira Gandhi dans les années 1975-1980.
- une troisième phase a été lancée par le gouvernement en 2000. Une politique tout aussi volontariste mais certainement optimiste de stabilisation de la population.
Ces plans ont eu des résultats positifs : la fécondité des femmes avant 20 ans a fortement baissé et est très faible de nos jours.
- Alors que la transition démographique est achevée dans un grand nombre d’États d’Inde du Sud, elle est toujours en cours voire relativement peu avancée dans certains États du nord dont certains sont très peuplés (+ de 3 enfants par femme au Rajasthan, au Madhya Pradesh et au Jharkhand ; 3,8 enfants par femme en Uttar Pradesh et de 4 au Bihar).
- Les niveaux de mortalité infantile restent élevés + de 60 pour 1 000 au Madhya Pradesh et en Uttar Pradesh (mais 28 %o au Tamil Nadu et de 12 %o au Kerala.
- Les progrès réalisés sont donc loin de permettre l’objectif politique du gouvernement depuis plusieurs décennies : stabiliser la population. Cet échec reste lié au faible taux d'alphabétisation de certaines région du pays et à leur pauvreté.
4- L'importance des migrations circulatoires en Inde
- Le concept de « migration circulatoire » est assez récent (années 1990). il sert à désigner des migrations qui ne sont plus seulement uniques, dans un sens (on part d'un point A pour s'installer pour très longtemps dans un point B) mais qui se sont complexifiées : Avec l'essor des moyens de communication, les déplacements de populations sont plus faciles car moins onéreux. Ainsi, un(e) migrant(e) peut faire des pauses en route, faire des étapes plus ou moins longues et plus ou moins proches, faire des retours en arrière, connaître des zones ou des point de rebond. L'espace migratoire n'est alors plus linéaire mais circulaire, avec des ramifications, des circulations plus complexes.
- Le recensement de 2001 a compté officiellement 307 millions de migrants internes en Inde. Cependant, ces chiffres sont trop larges. Il ne faut retenir que deux catégories de migrants :
- les migrants inter-districts (76,8 millions de personnes)
- et 42,3 millions de migrants entre les États.
- Par conséquent, environ 191 millions de personnes (19 % de la population environ) sont concernées par ces migrations internes principalement circulaires.
a- Pourquoi des migrations internes ?
- La principale raison des migrations internes en Inde est la pauvreté : en 2005, 41,6 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 1,25 $ par jour et par personne) selon la Banque mondiale, soit 456 millions de personnes alors. La Commission au plan indienne estima quant à elle que 27,5 % de la population vit sous ce seuil, sur la base de la possibilité de consommer 2 100 de calories par jour en ville et 2 400 à la campagne.
- Le différentiel de coût de la vie entre le milieu urbain (dans les grandes villes en particulier) et le milieu rural pousse beaucoup de ruraux à 'tenter leur chance' dans les zones urbaines, pour un temps limité ou non. Ces migrants gardent alors un lien fort avec leur lieu de départ où est restée leur famille. L'espoir de gagner de l'argent en ville pour réaliser un projet local (ouvrir un commerce par exemple, acheter un terrain, gagner de quoi construire sa maison, payer des études ou une dot, …) pousse certains à partir en ville pour quelques semaines, quelques mois avant de revenir pour les travaux des champs (moisson, récoltes).
- De plus, la possibilité de travailler à la fois dans les secteurs urbain (lieu d'accueil) et rural (village de départ) permet de diversifier les sources de revenu et limite les risques de pertes de revenu au sein d’une même maisonnée. Ainsi, beaucoup d’emplois urbains dans le secteur informel peuvent être compatibles avec des visites régulières au village d’origine.
- Un autre élément important est lié aux moyens de transports : l'amélioration du réseau routier a permis le développement des transports collectifs (bus, minibus, taxis collectifs, trains) ou individuels (motos, vélos, autos) à des coûts accessibles : les distances-temps et distances-coût se sont donc abaissées, facilitant les mobilités plus lointaines.
- Il faut prendre aussi en compte le développement des réseaux de communication comme le téléphone, notamment le téléphone portable qui permet d'échanger plus rapidement des informations : l’achat d’une carte SIM coûte moins de 10 centimes (en euro) quand elle n’est pas gratuite et on peut la recharger avec moins de cinq centimes. Les communications sont elles aussi très peu onéreuses tant la concurrence entre les opérateurs est féroce.
- Certaines personnes laissent leurs enfants pour quelques années dans leur village d'origine, chez les grands parents. Ils font alors des aller-retour pour voir les enfants grandir. Il faut donc prendre aussi en compte des stratégies familiales.
- Parmi ces migrants saisonniers, il fat compter les populations nomades.
- Enfin, il faut prendre en compte des aléas particuliers. Ainsi, un nombre important de personnes de régions sujettes à la sécheresse (comme certaines zones de l’Andhra Pradesh, le Karnataka, le Maharashtra). De même, la construction du barrage sur la Narmada a déplacé 200 000 personnes.
- En revanche, il existe des freins aux mobilités :
- les relations sociales liées aux castes (voire au servage)
- la multiplicité des langues ou dialectes parlés.
- L'absence d'enregistrement à l'état civil (qui donne accès aux papiers d'identité, et donc aussi à des droits).
b- Qui migre ?
- On estime entre 20 et 30 % la proportion de personnes qui a migré en Inde. Mais ces migrations portent principalement sur des courtes distances : 60 % des migrants changent de résidence à l'intérieur de leur district de recensement et plus de 20 % à l'intérieur de l’État de recensement (1991-2004)
- Les micro-enquêtes menées depuis 20 ans montrent que la plupart des migrants ont entre 16 et 40 ans, en particulier chez les migrants semi-permanents et temporaires, dont la durée du séjour peut varier entre 60 jours et un an. Tribus et castes-groupes tribaux et de castes qui sont explicitement protégés dans la constitution de l’Inde en raison de leur social et économique historique inégalité sont sur-représentés dans la migration à court terme des flux.
- La plupart des travailleurs migrants sont employés dans quelques sous-secteurs clés, y compris la construction, le travail domestique, le textile et la brique fabrication, le transport, les industries extractives et l’agriculture.
- Environ 70 pour cent de tous les migrants internes sont des femmes, et le mariage est la principale raison de la migration des femmes, ce qui représente 91 pour cent de la migration des femmes rurales et 61 pour cent des migrations féminines urbaines.
- Les hommes migrent principalement pour des raisons liées à l’emploi : 56 % des hommes migrants urbains se déplacent à la recherche de l’emploi (autres raisons : la famille, l’entreprise, et de l’éducation) :
- Selon une étude, 90 % des travailleurs de l’industrie de la construction sont des migrants internes.
- Les migrations saisonnières permettent de fournir de la min d’œuvre dans la fabrication de briques, la construction, les usines de tuiles.
- Les migrants circulaires sont également attirés par les travaux agricoles, comme la saison de la récolte de riz dans le Bengale occidental et la récolte de la canne à sucre dans le Gujarat.
- Il semble que les flux de migration à long terme ont tendance à être dominée par les hommes, alors que les flux circulaires ou saisonniers (les plus répandus parmi les plus pauvres et les populations tribales) sont plus équilibrés entre hommes et femmes.
c- Quels sont les lieux d'accueil de ces migrations ?
Deux échelles : celle de l'Inde et celle de la ville.
- A l'échelle de l'Inde, un recensement de 2000 a montré que quelques régions de départ fournissent l'essentiel des 10,8 millions de migrants entre États (12 % de la population) :
- Ces 6 États regroupent les 2/3 des migrations internes entre États. Cependant, on peut voir aussi que certains États sont proportionnellement très marqués par ces mouvements : le Karnataka, le Madya Pradesh, le Nagaland, le Penjab, le Sikkim avec plus de 14 % des habitants considérés comme migrants temporairement ou de manière saisonnière.
- Quatre États ont vu entre 800 et 916 millions de personnes se déplacer (entre 10 et 12 % des habitants, dans la moyenne de l'Inde) : l'Andra Pradesh, le Bihar, le Maharashtra et le Bengale occidental.
- Deux États de départ à plus de 1,5 millions d'émigrés : le Madhya Pradesh et l'Uttar Pradesh (respectivement 20 % et 10 % de la population de ces deux États)
- Ainsi, les États ruraux du nord de l'Inde comme l’Uttar Pradesh et le Bihar sont aussi parmi les plus grands États d’origine des migrants. Ils partent vers les régions urbaines ou côtières : New Delhi, le Bengale occidental (Kolkata), le Maharashtra (Mumbai) → voir carte.
Source: RB Bhagat et S. Mohanty, «modèle émergent de l’urbanisation et de la contribution des migrations à la croissance urbaine en Inde, » asiatiques Population Studies , vol 5 no 1 (2009):.. 5-20.
- A l'échelle urbaine, les migrants temporaires ou définitifs. Les villes de Mumbai, Delhi, Kolkata et sont les plus grandes destinations des migrants internes en Inde.Beaucoup de migrants vers ces villes sont des migrants intra-étatiques, principalement venus des zones rurales du Maharashtra et du Bengale occidental. Ces trois villes absorbent également un grand nombre de gens d’autres pays à travers l’Inde.
- Il est évident qu'il existe un lien fort entre migration et bidonvilles : la demande de main-d’œuvre dans les villes et la migration rurale-urbaine en résulte créent des pressions accrues pour accueillir plus de personnes. En 2011, 68 millions d’Indiens vivaient dans des bidonvilles, comprenant un quart de la population de 19 villes de l’Inde avec plus de 1 million d’habitants. Ces habitants comme ces territoires sont soumis à une très forte précarité : précarité de l'emploi, précarité du foncier (lié au droit de rester sur un terrain). Pourtant, les loyers peuvent aussi apparaître inabordables dans les bidonvilles pour certains migrants, ce qui les pousse à vivre à leur lieu de travail (chantiers de construction, chambres d’hôtel de restauration, boutique) ou encore sur les trottoirs ou dans des zones ouvertes dans la ville, accentuant encore leur vulnérabilité au harcèlement par la police et d’autres autorités locales.