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Geobunnik

Le blog d'un enseignant qui prépare au CAPES et au CRPE en géographie à l'ESPE de Corse à Ajaccio et Corte.

Atlas des guerres et des conflits, un tour du monde géopolitique

Publié le 13 Mars 2014 par geobunnik in Une géographie des conflits

Pour ceux qui révisent à la dernière minute ou pour ceux qui s'intéressent à la géopolitique et aux conflits armés, je signale la sortie toute récente (février 2014) d'un ouvrage rédigé par Amaël CATTARUZZA, l'Atlas des guerres et des conflits, un tour du monde géopolitique.

En moins de 100 pages, vous aurez un aperçu des conflits armés dans le monde. Cependant, l'intérêt premier de cet ouvrage, au delà de l'abondante cartographie et de l'introduction rédigée par Michel FOUCHER, est de donner « 7 clés pour comprendre les conflits ». Ces sept clés forment une grille de lecture intéressante que l'on peut utiliser pour étudier et enseigner toute sorte de conflits. L'auteur rappelle :

  1. Que comme l'a montré Yves LACOSTE, les conflits s'étudient à plusieurs échelles (autour du bon exemple syrien : le jeu d'alliances et d'acteurs extérieurs ; les combats à l'échelle nationale avec le jeu des minorités et des populations civiles au cœur des combats ; enfin à l 'échelle urbaine avec le cas d'Alep en 2012 où il apparaît que les quartiers marqués par les combats entre l'Armée Syrienne Libre (ASL) et les forces gouvernementales sont les quartiers centraux ainsi que les quartiers populaires.

  2. L'importance des représentations dans les conflits. Si l'exemple cartographié (là encore à deux échelles) est celui du conflit russo-géorgien de 2008, l'auteur aurait pu tirer dans l'actualité russo-ukrainienne un sujet similaire (voir les nombreux articles du Monde au mois de février mars 2014).

  3. La difficulté de classer, cartographier et nommer les conflits : si les conflit ouverts, armés sont facile à nommer, leur cartographie est plus complexe (toutes les régions ne sont pas touchées avec la même intensité par un conflit dans un pays). De même, l'auteur nous rappelle, en citant FOUCHER, qu'il faut se méfier des dénominations politiques ou journalistiques sur des « arc de crise » ou autres regroupements pouvant déboucher sur des erreurs d'interprétations (et j'ajoute aussi parfois un certain déterminisme).

  4. Que les conflits armés actuels sont surtout intra-étatiques (à l'intérieur d'un État) ; l'enjeu majeur étant le contrôle de cet État ou la prédation de ses revenus au nom d'idéaux politiques, religieux, ethniques ou autres. La nature de ces conflits pose la question de l'intervention extérieure ou ingérence dans la gestion de ces conflits.

  5. Que la ville devient le lieu majeur des conflits armés (avec ici les exemples de Sarajevo et de Misrata en Libye à l'échelle urbaine et l'exemple irakien de 2003 à l'échelle nationale). Une évolution logique : les villes concentrent la majorité de la population mondiale, mais aussi le pouvoir, l'argent, les armées, les lieux de décision économiques, culturels, politiques ou encore les symboles (retour sur les représentations).

  6. L'importance actuelle des enjeux économiques à l'heure du libéralisme triomphant et de la domination culturelle de la valeur richesse. Des enjeux économiques qui peuvent être des buts de guerre (ça c'est classique), mais aussi la richesse issue des conflits via les industries militaires ou les SMP (Sociétés Militaires Privées), expression désignant les milices, mercenaires ou autres « contractors » comme on dit aux États-Unis.

  7. Enfin, la septième clé est celle des armes : stocks, producteurs, consommateurs, flux légaux ou non participent aussi aux conflits.

 

D'autres clés pourraient être données pour la lecture et la compréhension des conflits, elles apparaissent par la suite, notamment dans la partie 2 de l'ouvrage consacrée aux acteurs : puissances militaires (avecune définition intéressante, mais un développement qui semble limité aux seuls Etats-Unis), ONU, civils, « combattants irréguliers » (= non étatiques, que ce soit des milices, des terroristes, des pirates), les médias sont trait en fin d'ouvrage. La dimension temporelle apparaît aussi indirectement, c'est une dimension à ne pas oublier lors d'un travail sur les conflits : temps de tension, de combats, de paix, mais aussi temporalité liées aux représentations, au gel d'un conflit, au règlement plus ou moins réussi d'un conflit (que pensent les réfugiés palestiniens d’Israël ? Cela pèse depuis plus de 60 ans sur les relations entre palestiniens et israéliens).

 

La troisième partie du livre est consacrée classiquement à l'étude des régions en guerre actuellement. C'est un tour d'horizon qui vous permet de penser à quelques croquis. Ce tour du monde des conflits commence par l'Europe et la Russie, s'étend ensuite à l'Asie, à l'Amérique du nord puis du sud, avant de finir par l'Afrique (mais vous n'y trouverez pas de carte sur le Mali ou la République centrafricaine, les conflits sont trop récents) et le Moyen Orient.

 

Enfin ,une dernière partie s'intéresse aux conflits de demain. Une partie intéressante à plusieurs titres : elle permet de reprendre une grille de lecture géographique sur les enjeux à venir : transports maritimes, Arctique, la place des identités locales dans le monde, celle des ressources naturelles (eau, énergies), un questionnement sur les enjeux géopolitiques du changement climatique (l'auteur reprend les arguments de Bruno TERTRAIS qui minimise les notions de « guerres climatiques » et le poids des réfugiés climatiques dans les tensions et les conflits), sur me rôle des médias et de la dissuasion nucléaire avant de terminer sur les guerres du cyberespace dont les enjeux sont surtout ceux du contrôle de l'information (économique ou militaire) et l'usage de cette arme dans un conflit plus large.

 

La conclusion reprend une idée très utile et juste : les conflits sont avant tout des phénomènes sociaux, donc à étudier comme tels, ancrés das le temps et l'espace. Il ne faut donc pas négliger dans l'étude de ces conflits la ou les sociétés dans laquelle (ou lesquelles) se déroule un conflit … idée valable aussi pour les conflits d'aménagement, d'usage ou autre.

 

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