1- Les termes du sujet :
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"les transformations récentes ..." : les bornes chronologiques sont larges : jusqu'où remonter ? A priori, il faut se baser sur :
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les politiques agricoles françaises et européennes (création de la PAC en 1962) ;
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l'évolution des méthodes de production (mise en place du modèle breton dans les années 1960) ;
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l'évolution globale de la société (on peut remonter aux années 1980) et du regard de celle-ci sur le système agricole, la prise de conscience environnementale ou la volonté de certains consommateurs de privilégier la qualité face au prix ;
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L'intégration dans un système productif de plus en plus complexe (souvenez vous du trajet de la viande pour fabriquer des lasagnes industrielles) depuis les années 1980 aussi : les modes de production ont été touchées par les nouveaux modes de production et les nouvelles manières de consommer (surgelés, plats préparés, …)
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"... du système productif agricole ... " :
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Il faut dépasser la simple lecture de la définition de Félix DAMETTE et Jacques SCHEIBLING définissant un système productif comme « l'ensemble des acteurs et acteurs concourant à la production, la circulation et la consommation de richesses ». Pour ces géographes, il existe deux sphères : celle de la reproduction sociale (qui exerce son pouvoir via l'administration publique, l'enseignement, la santé, les services aux particuliers, le commerce de détail, …) et la sphère productive (plus discriminante, qui se rapproche de la hiérarchie urbaine et qu'ils coupent en deux : la sphère de la production matérielle d'un côté, soit l'agriculture, le bâtiment et l'industrie, et la sphère péri-productive, qui fait fonction d'intermédiation, c'est à dire les services aux entreprises, la finance, la commerce, le transport, la logistique, …
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On doit adapter la définition au sujet : ici, il faut donc prendre en compte non seulement l'agriculture au sens strict (vue comme une production de biens primaires, non transformés), mais aussi les transformations industrielles subies par les produits de base et encore ce qui se passe en amont et en aval = recherche scientifique, commercialisation, intégration dans des logiques productives de grands groupes, etc. Il faut donc évoquer la sphère de la production matérielle et la sphère péri-productive mais sans les séparer : elles sont intimement liées.
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Comme les autres système productifs, le système agricole est régi par des logiques propres et par des logiques communes à tous les autres systèmes (concentration, financiarisation, spéculation, spécialisation, libéralisation, mondialisation, …)
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agricole = pas de pêche mais cultures + élevages + sylviculture.
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" ... français" :
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si l'échelle de base est le territoire français, il ne faut pas oublier les régions ultramarines qui ont aussi soumises à ces logiques productives (notamment autour des plantations de canne à sucre)
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de plus, il ne faut pas négliger les échelles plus petites (Union Européenne et monde), tant pour les marchés qu'elles représentent que pour les choix politiques qui sont effectués à ces échelles.
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Enfin, il ne faut pas oublier les échelles régionales ou locales pour montrer la diversité des situations et des systèmes productifs en France.
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2- Problématiser le sujet :
Je propose (au choix) :
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un questionnement autour des logiques de concentration des productions / spécialisation des territoires → les logiques récentes (depuis les années 1960) de concentration et de spécialisation des territoires productifs poussent-elles à la division des formes de production agricole en France ? (problématique que je suis ci-dessous)
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un questionnement autour de la diversité des systèmes productifs (j'en propose trois : intégré-mondialisé ; intensif-périurbain ; extensif du rural profond).
→ Assiste-t-on à une division forte du système productif agricole français en trois modèle parallèles aux logiques spatiales et sociales complémentaires et divergentes ?
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Un questionnement autour de la marginalisation de ce système productif (complexe : car si les agriculteurs semblent être de plus en plus marginalisés économiquement et socialement, on assiste à un phénomène inverse quand aux grandes structures industrielles)
→ la concentration des activités et l'ouverture du secteur agricole à des marchés plus larges provoquent-elles une marginalisation de la sphère productive agricole au profit de la sphère péri-productive ?
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Un questionnement autour de l'ouverture des marchés et de ses conséquences sur le système productif (cela revient à poser la question des acteurs politiques ou économiques, de leurs choix et des conséquences spatiales et sociales de ceux-ci)
→ L'ouverture progressive du marché agricole (France, puis Europe puis monde) depuis 50 ans a-t-elle provoqué une concentration spatiale des productions ?
3- Plan : (qui suit la première problématique)
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Des logiques de production qui échappent de plus en plus aux agriculteurs
(quelles sont les logiques économiques et politiques qui influencent le système productif agricole en France?)
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Un monde agricole qui connaît de nouvelles logiques sociales
(quelles sont les logiques sociales qui marquent les agriculteurs + quel sont les attentes de la société vis-à-vis de ces producteurs ?)
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Le développement de trois systèmes productifs agricoles parallèles.
(comment ces choix se traduisent dans l'espace : typologie autour des idées de spécialisation, d'ouverture, d'intégration dans des systèmes productifs plus ou moins complexes?)
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Des logiques productives qui échappent aux agriculteurs.
a- Des enjeux de production qui ont changé d'échelle depuis cinquante ans.
Ici, je reviens sur les logiques des politiques françaises, européennes et mondiales : d'un monde protectionniste à une ouverture des marchés. Ces choix sont le fait d'acteurs clairement identifiables : les élus nationaux (députés), les gouvernements successifs, les commissaires européens, l'OMC.
- Avant 1962 :
- échelle nationale dans une France encore rurale marquée par l'exode rural ;
- logique protectionniste :
- recherhce d'une autosuffisance alimentaire ;
- une production sur tout le territoire national ;
- une réduction du nombre de paysans au profit des ouvriers, exode rural.
- 1962-1984 :
- échelle européenne réduite (de 6 à 12 membres) dans le cadre de la Communauté Économique Européenne (CEE) ;
- un cadre libéralisé entre pays où le protectionnisme se fait aux frontières de la CEE => premiers conflits et tensions entre producteurs français et producteurs britanniques (ovins) ou méditerranéens (fruits, légumes, vins) ;
- Une forte hausse de la production et de la productivité qui aboutit à une surproduction aidée par la Politique Agricole Commune (PAC) qui subventionne les productions pour permettre aux agriculteurs d'élever leur niveau de vie + la production. L'agriculture représente la moitié du budget de la CEE.
- Vers une spécialisation des territoires dans un cadre concurrentiel fort.
- 1984-2015 :
- ouverture maximale : l'Union Européenne (qui passe de 12 à 28 membres) impose une libéralisation des marchés en lien avec l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : baisse des droits de douane, baisse des subventions à l'exportation, …
- nombreuses réformes qui aboutissent au découplage des aides :
- des aides aux agriculteurs pour garder un maillage d'exploitations dans toutes les régions, même les plus difficiles pour l'agriculture (notamment montagnes et îles).
- des aides à la production pour rester compétitif au niveau mondial ;
- De plus, prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux.
- Une plus grande spécialisation des territoires agricoles ;
- Une plus grande intégration dans un système productif industriel pour viser des marchés européens ou mondiaux.
b- Une mutation des méthodes de production
(= l'intégration dans des systèmes productifs plus complexes) On a assisté à une révolution agricole dont l'objectif a été d'augmenter la production et la productivité :
- par la mécanisation et la motorisation de toutes les productions, qu'elles soient végétales (tracteurs, moissonneuses, vendangeuses, …) ou animales (trayeuses) :
- 680 000 tracteurs en 1960 → 1,2 millions aujourd'hui (alors que le nombre d'agriculteurs a été divisé par 4)
- des machines plus puissantes (50 → 80 → 150 chevaux), plus rapides, plus efficaces.
- Par l'intensification des cultures ou de l'élevage :
- par la chimisation de l'agriculture : plus de pesticides, insecticides, engrais.
- Cela s'est traduit par une forte hausse de la productivité par hectare ou par exploitation (blé : 10-15 q/ha de 1900 à 1950 → 70 q/ha à partir des années 1990)
- Le nombre de bête par exploitation augmente (environ 60 têtes pour les bovins, mais mise en place d'une vingtaine de projets de « fermes à mille vaches » depuis le début des années 2010)
- Par la mise en place du modèle breton pour développer cette région : une agriculture plus performante, intensive, bien intégrée dans un système productif complexe :
- un cœur productif français et européen : 6% de la Surface Agricole Utile française mais 57 % de la production de porcs, 46 % des dindes, 40 % des poules pondeuses, 22 % de la production de lait, 80 % des choux-fleurs, …
- une mécanisation forte ;
- Une concentration forte : 20 000 agriculteurs en 2012 (120 000 en 1954) ; une concentration spatiale forte aussi, le long des axes, des littoraux et près des villes.
- Une spécialisation des territoires (croquis)
- Une intégration forte : 600 entreprises agro-alimentaires, 75 000 emplois (soit 40 % des emplois industriels de Bretagne).
- Des problèmes liés à cette concentration (pollution des eaux et des terres, algues vertes dès 1964).
- Des salaires qui ont augmenté … mais qui restent faibles (12 000 €/an par éleveur).
Croquis du modèle agricole breton : une production de masse aux conséquences déséquilibrées
(en référence aux trois piliers du développement durable : les piliers environnementaux et sociaux ont été sacrifiés au profit du pilier économique)
- Par l'importance de la commercialisation des produits :
- les MIN (Marchés d'intérêt national), comme celui de Rungis ;
- l'importance des grossistes, des traders (blé, viandes) ;
- l'intégration dans des circuits longs, avec vente dans des supermarchés.
- Par une concentration et une augmentation de la taille des exploitations :
- une baisse de 62 % du nombre d'exploitations entre 1979 et 2011 ;
- des exploitations plus grandes : 15 ha en moyenne en 1955 → 30 ha en 1990 → 55 ha en 2015.
- des grandes exploitations plus nombreuses :
- Entre 1979 et 2010, le nombre d'exploitations de plus de 100 ha a été x 2,3 ; le nombre d'exploitations de moins de 50 ha a été divisé par 2,5.
- ¼ > 100 ha ; ¼ entre 50 et 100 ha ; ¼ entre 20 et 50 ha et ¼ de moins de 20 ha en 2010.
- des champs plus grands par le remembrement et surtout la débocagisation : 70 % de haies en moins entre 1960 et 1980, soit plus de 1,4 millions de kilomètres de haies arrachées. 16 millions d'hectares ont été redécoupés pour former des champs plus grands et plus géométriques, plus facilement exploitables par les machines agricoles.
- Par l'importance de la recherche dans les choix productifs :
- recherche agronomique avec notamment le rôle de l'Institut National de la recherche Agronomique (INRA) depuis 1946, un établissement public de recherche qui travaille sur des nouvelles semences, des variétés plus résistantes, plus performantes.
- Idem pour les poules pondeuses, le maïs (même s'il n'est pas génétiquement modifié), les céréales en général, les fruits, …)
- On peut citer la domination de deux races bovines en France aujourd'hui : la Prim'Holstein (4 000 litres de lait par an ou plus), la Charolaise (pour la viande) recherche commerciale et des produits par les entreprises industrielles qui proposent des produits à des consommateurs qui demandent des produits plus rapidement consommables : innovations dans les surgelés, les plats préparés, les produits frais (salades ou légumes découpés et lavés, par exemple).
- Ces deux logiques ont abouti à une normalisation des produits (taille, couleur, forme, goût) et un réduction de la diversité des produits pour répondre à la demande des supermarchés notamment.
- Ces recherches se font aujourd'hui, comme pour le reste de l'industrie, dans un des 12 pôles de compétitivité agricoles (comme Végépolys à Angers, IAR-pôle en Champagne-Ardennes ou encore céréales-vallée en Limagne)
c- Une intégration croissante à des logiques industrielles.
Les agriculteurs sont entrés dans le système productif pour devenir un maillon de la chaîne, dans le cadre d'une division du travail dans laquelle ils sont en amont mais de moins en moins décisionnaires.
- Il faut en effet penser le système productif agricole aussi sous l'angle d'une filière complète et complexe qui intègre les producteurs aux industriels et aux commerçants mais aussi (comme nous l'avons déjà vu) à la recherche et au développement de nouveaux produits, nouvelles variétés.
- Une filière complète qui intègre production de matières premières agricoles + la transformation de ces produits (ateliers, usines) + la commercialisation des produits transformés (circuits courts ou longs) + la conception de nouveaux produits ou de nouvelles techniques de fabrication.
- Une filière qui s'est extraordinairement complexifiée, comme en atteste les questions liées à la traçabilité des produits, notamment depuis l'affaire de la présence de viande chevaline dans des lasagnes au bœuf en 2013 :
- un abattoir roumain
- un courtier (trader / négociant) en viande chypriote qui transporte la viande par conteneurs frigorifiques (congélateurs) et qui stocke la viande congelée aux Pays-Bas soit selon des logiques de flux tendu (stock zéro), soit en stockant pour profiter des cours.
- une entreprise de transformation de la viande française (Spanghero)
- une usine de plats préparés au Luxembourg
- une marque qui vend ses plats surgelés (Findus)
- En tout, 7 pays européens touchés par ce produit : 5 pour la production (Chypre, Roumanie, France, Luxembourg, Pays-Bas) et 3 pour la commercialisation (France, Suède, Grande-Bretagne)
- et seulement q
Ces deux courtes vidéos sur la culture des pommes de terre m'ont poussé à faire le croquis qui les suit.
(vidéo 1 - Remarquez l'absence d'usage direct des produits phytosanitaires dans le reportage ... On voit bien en revanche la mécanisation ; la fourniture des pommes de terre par l'entreprise industrielle ; la productivité ; l'irrigation ; les parasites et maladies ; )
(vidéo 2 sur leur transformation : Pour des élèves, expliquer ce qu'est une "étroite collaboration avec nos agriculteurs")
Rappel : Mac Cain représente 27 % des frites surgelées vendues en France.
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- , le camembert Président, le lait Lactelll, la mozzarella Galbani, ...
Pour justifier mon choix, je vous invite à lire l'article de Paula NAHMAS et d'Yvon LE CARO, Pour une définition de l'agriculture urbaine : réciprocité fonctionnelle et diversité des formes spatiales, Environnement urbain, volume 6, 2012, pages a-1 à a-16. Dans cet article, les deux auteurs définissent l'agriculture urbaine (et donc aussi périurbaine, mais l'agriculture dans la ville est plus de l'ordre du jardin, sauf exceptions : expériences, cultures ur les toits, ...)
Leur croquis comme la définition se basent sur
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les territoires (urbains, périurbains, ruraux ; mais aussi intercommunalité : une limite utile pour limiter le périurbain notamment)
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les circuits de commercialisation (auto-consommation, non concernée par notre sujet ; circuits courts ; circuits longs)
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l'insertion économique (agriculture de loisirs et jardins privés ; agriculture professionnelle)
Reste à faire un joli croquis de synthèse ...