Introduction :
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Un continent qui s'est construit par les mobilités : mobilités internationales avec les migrations plus ou moins lointaines et plus ou moins anciennes ; mobilités internes avec des populations qui, même si elles sont plutôt installées autour des ports d'arrivée ont su bouger vers des territoires plus lointains, portés par des espérances économiques (la ruée vers l'or), politiques (la conquête de l'Ouest) ou religieuses (les mormons et autres groupes protestants dissidents).
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Des populations = une étude démographique mais aussi spatiale : s'il faut bien voir les dynamiques internes (naissances, décès, fertilité, vieillissement), il faut aussi étudier les mouvements des populations dans les territoires, se créant des champs migratoires et des espaces de mobilités liés à l'emploi ou aux loisirs.
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Le sujet nous invite à réfléchir à l'impact spatial de choix sociétaux ou politiques dans ces trois pays : un géant démographique aux populations variées de 315 millions d'habitants (les États-Unis), un pays hispanophone plus pauvre de 115 millions d'habitants (le Mexique) et un pays quasiment vide à la population assez homogène bien qu'issue de flux migratoires relativement forts aujourd'hui peuplé de 35 millions de personnes (le Canada).
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Les dynamiques des populations de l'Amérique du Nord favorisent-elle les mobilités socio-spatiales ?
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Une première partie à l'échelle continentale : un continent dynamique et attractif ; une deuxième partie sur les inégalités territoriales qui restent très marquées à l'échelle des États ; une troisième partie à une plus grande échelle, celle des villes, des états ou des provinces sur les inégalités socio-spatiales qui semblent se renforcer.
1- Un continent dynamique et attractif
1.1. Un foyer de peuplement à l'échelle mondiale.
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465 millions d'habitants en Amérique du Nord, soit 6,5 % de la population mondiale.
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Si ce n'est pas un foyer aussi important que les foyers est-asiatique ou sud asiatique qui concentrent plus d'un milliard d'habitants, c'est un foyer secondaire au même titre que l'Europe ou le Golfe de Guinée.
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Ce pôle a attiré entre 7 et 10 millions de personnes entre 2000 et 2010, plus de 30 millions depuis 1980 (¼ des migrants du monde pour 1/5 de la population).
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On y trouve une population très urbanisée, avec quatre très grandes villes dont la population dépasse plus de 10 millions d'habitants : Mexico (plus de 23 millions), New-York (20), Los Angeles (18), Chicago (10) et une multitude de villes millionnaires. Cette urbanisation se retrouve dan certaines manières de lire les territoires, comme celle proposée par Richard FLORIDA et son classement de 10 méga-régions qui organisent le territoire nord-américain : la Mégalopolis, les Grands lacs (qui intègrent les villes canadiennes du St Laurent), Cascadia, Nord-Californie, sud-Californie, Triangle texan, Gulf Coast, Floride, Atlantique (Atlanta), Mexico.
1.2. Des populations dynamiques par un accroissement naturel assez fort.
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On note deux régimes, un pays (Mexique) qui sort de la transition démographique et les deux autres qui l'ont finie depuis quarante ans.
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Au Mexique, la population est plutôt jeune (31 % de moins de 15 ans en 2010) et a un indice synthétique de fécondité encore assez fort (2,3 enfants par femme en 2011) mais en baisse. Ainsi, le pays garde un accroissement naturel relativement fort (+ 1,4 %o) bien que la population vieillisse de plus en plus (en 2010 l'espérance de vie à la naissance était de 75ans pour les hommes et de 79 ans pour les femmes).
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Au Canada comme aux États-Unis, la population est assez vieillie : les plus de 65 ans représentent respectivement 14 et 13 % de la population (contre 6 % au Mexique). L'espérance de vie à la naissance est assez longue : 78 ans chez les hommes et 83 chez les femmes au Canada, 75 et 80 ans aux États-Unis. La fécondité des femmes de ces deux pays est restée relativement forte aux États-Unis (2 enfants par femmes en 2011) mais est faible de nos ours a Canada (1,7). Pourtant, malgré ces différences, les deux pays ont un taux d'accroissement naturel proche de 0,4 (Canada) et 0,5 %o (États-Unis).
1.3. Des populations très mobiles.
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Là encore, des différences entre les trois pays, mais on peut cependant voir des dynamiques proches.
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Deux pays issus de l'immigration de masse (Canada, États-Unis) : les États-Unis accueillent plus de 40 millions de personnes immigrées (dont 11 millions d'illégaux), le Canada reçoit chaque année 250 000 migrants (soit 4 fois ce que reçoit la France).
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Ces migrants peuvent être de deux ordres. Aux États-Unis, l'éventail des personnes accueillies est très large : réfugiés politiques, migrants économiques peu qualifiés ou très qualifiés (le « brain drain »), … Le Canada a une politique migratoire plus sélective, avec un système de points (immigration choisie).
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Les deux pays se rapprochent quant à l'origine des migrants. Si les États-Unis restent le premier pays d'accueil des mexicains ( 140 000 par an ces dix dernières années), les chinois représentent le deuxième groupe de migrants (70 000 - le premier au Canada avec 30 000 personnes), les indiens le troisième (70 000 – 30 000 au Canada), les Philippins le quatrième (60 000 – 30 000 au Canada). On le voit, les asiatiques sont de loin le groupe le plus nombreux à migrer dans ces deux pays, ce qui n'est pas sans conséquences sur l'organisation spatiale de ces deux pays : le littoral pacifique est le lieu d'arrivée de ces migrants, c'est lui qui gagne le plus de population, rééquilibrant les territoires.
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Ces pays sont aussi touchées par des migrations internes (que nous détaillons plus loin), notamment à partir de la région des Grands Lacs.
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Le Mexique reste un pays d'émigration majeur à l'échelle américaine et mondiale. Plus de 3 millions de mexicains sont partis entre 1995 et 2000 et 1,37 million de 2005 à 2010. Ces personnes se fixent plutôt dans le sud des États-Unis. Le Mexique reste aussi marqué par un exode rural qui se dirige moins vers Mexico, voire très peu, mais qui touche les métropoles régionales de ce pays (Puebla, Monterrey, Acapulco, Cancun, …)
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Autre conséquence socio-spatiale : une augmentation de la diversité ethnique au Canada et aux États-Unis mais aussi une fuite des populations du Mexique.
Croquis : les flux de population en Amérique du Nord
2- Des inégalités territoriales très marquées
2.1- Des territoires marqués par de forts déséquilibres dans la répartition de la population.
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Des densités moyennes plutôt faibles : Mexique 50 habitants/km², États-Unis 30 et Canada 3.
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Des territoires très différents : trois croquis
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Au Canada : Une grande opposition entre un Canada peuplé 'le Canada utile' et le reste du territoire quasiment vide. Une opposition qui se manifeste par une population concentrée au sud du pays et sur les littoraux. Les raisons : le climat (et la 'nordicité' qui marque les territoires du nord avec un climat polaire très contraignant) et l'histoire (des migrants qui s'installent sur les côtes car venus d'Europe aux XVII°-XX° siècle puis d'Asie de nos jours).
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Aux États-Unis, une forte littoralisation de la population également : le littoral atlantique nord et sud (Floride), le Golfe du Mexique, le littoral pacifique. De plus, les Grands Lacs, un autre rivage. Enfin, trois pôles urbains (Denver, Phoenix, Salt Lake City) aux pieds des Rocheuses … le littoral occidental des Grandes Plaines ? De plus, la présence de déserts aussi : les Rocheuses, les déserts du sud et l'Alaska. Les États qui ont reçu le plus de migrants internes ou internationaux dans les années 2000-2010 sont le Texas (+4,4 millions), la Californie (+3,4), la Floride (+2,9). 6 États ont accueilli 53 % des migrants durant cette période.
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Au Mexique, une opposition moins nette, même si les littoraux sont assez peuplés. En effet, le pôle majeur est Mexico, au centre du pays. Peu de déserts humains (le sud de la Basse Californie, les déserts du nord).
Croquis : les densités de population au Canada, aux Etats-Unis et au Mexique
2.2- Une polarisation de la population toujours plus forte.
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La répartition de la population dans les trois États continue de suivre une évolution similaire, celle d'une concentration. Ainsi, aux États-Unis, un quart de la population du pays (27 %) réside dans seulement trois États : la Californie (le plus peuplé depuis 1970 et qui comptait 37 millions d’habitants au dernier recensement), le Texas (25 millions d’habitants) et l’État de New York (19 millions). À l’exception de l’Ohio (109 hab/km²), les dix premiers États en termes de densité de population sont tous situés le long de l’Atlantique (du New Jersey avec 460 hab/km², à la Pennsylvanie avec 110 hab/km²).
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Les pôles urbains restent très puissants. Les trois pays sont des pays urbains (Mexique 77 %, Canada 80 % et États-Unis 84 % selon les statistiques nationales).
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On compte 53 métropoles de plus d'un millions d'habitants, 37 aux États-Unis (48 % de la population), 10 au Mexique (36 % des habitants) et 6 au Canada (44 % de la population) . Le fait urbain est donc une réalité proche des habitants de ces trois pays.
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Le géographe états-unien Richard FLORIDA pense qu'une douzaine de méga-régions de plus de 5 millions d'habitants dominent le territoire de l'Amérique du Nord par leur capacité créatrice (en termes de population, d'emplois, de richesse, mais aussi de culture ou de créativité). Ces territoires sont reliés par des axes de communication rapides, des LGV.
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Certaines villes sont très attractives : Au Mexique, les grandes villes ; au Canada, on note un renforcement des métropoles du 'Golden Horseshoe', à savoir Montréal, Toronto et Ottawa. La ville la plus attractive restant Vancouver. Aux États-Unis, ce ne sont plus les villes de la côte pacifique qui sont les plus attractives, mais les villes du sud en général : Atlanta, Houston, Phoenix, Miami, San Diego, Dallas, Las Vegas : des villes qui ont gagné plus de 20 % de population entre 2000 et 2010.
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Attention cependant, toutes les villes ne sont pas aussi attractives. On note ainsi la présence aux États-Unis de villes en décroissance ('shrinking cities'), villes qui ont perdu de leur population lors des 50 dernières années, la raison principale étant la désindustrialisation (une raison secondaire, pour La Nouvelle Orléans par exemple est liée à une catastrophe naturelle, l'ouragan Katrina en septembre 2005) : Détroit, Cleveland, Buffalo, Flint, Pittsburgh, …
2.3- Des minorités qui restent très territorialisées
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Dans les trois pays, les populations blanches, d'origine européennes restent majoritaires. Il représentent environ 30 des 38 millions de canadiens, 72,5 % des étasuniens. Au Mexique, la théorie dominante de la mexicanité veut que la population est métisse, mais on estime qu'environ 60 % des mexicains est métissée et 25 % blanche. Les blancs y sont donc minoritaires, mais le modèle politique, économique et social dominant reste celui des blancs issus de la colonisation espagnole.
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A côté des populations blanches que l'on trouve pratiquement sur tous les territoires de ces trois États, on trouve des minorités dans des territoires assez localisés :
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Hors du Mexique, les hispanophones (hispaniques) qui représentent 16 % de la population des États-Unis (mais 10 % en 2000 et peut-être 25 % en 2050) sont situés plutôt le long de la frontière entre États-Unis et Mexique : près de la moitié de la population du Nouveau Mexique, plus du tiers de la population de Californie et du Texas, ¼ de celle de la Floride (moins des mexicains que des cubains et des porto-ricains). De même, les métropoles majeures du nord-est accueillent des groupes importants d'hispaniques (New York, Chicago, …)
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Les afro-américains sont présents dans deux grandes zones des États-Unis principalement : le 'vieux sud' : Alabama, Géorgie, Louisiane, … La deuxième zone est celle des grands Lacs, avec une population noire beaucoup plus urbaine (28 % de noirs à New-York, 21 % à Philadelphie ou encore 30 % à Baltimore. Au Canada, ils représentent 9 % de la population (surtout dans les villes de l'est). Ces populations suivent les mêmes évolutions démographiques et spatiales que les autres, même si pour les noirs du sud profond, le niveau de vie et surtout l'espérance de vie à la naissance restent très réduits par rapport à la moyenne nationale.
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Les asiatiques forment la communauté la plus récente et la plus dynamique. Certes des populations venues d'Asie se sont installées dès la fin du XIX° siècle au Canada ou aux États-Unis, mais l'essentiel des migrants sont venus depuis les années 1970 (boat people, réfugiés coréens, migrants chinois, indiens ou philippins). Ils se sont installés sur la rive pacifique, principalement dans les villes, constituant alors des 'chinatown' parfois très vases (100 000 habitants à San Francisco). Cependant, ces minorités asiatiques sont aussi présentes dans les métropoles du nord-est (Montréal, New-York, …).
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Les francophones peuvent aussi être considérés comme minoritaires au Canada. Ils sont 7,5 millions sur 38 millions de canadiens et ont obtenu des droit spécifiques pour le maintien de la pratique de leur langue sur tout le territoire canadien, même s'ils sont présent principalement au Québec et dans quelques grandes villes de l'est.
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Enfin, les peuples autochtones sont eux aussi très localisés : soit dans les villes, soit dans les réserves qui leur on été attribuées (Canada ou États-Unis), soit dans des territoires isoles ou peu accessibles du Chiapas ou du Grand nord canadien (ou l'Alaska). Au Mexique, 7 % de la population se définit comme indigène. Seul le Canada a reconnu une réelle autonomie territoriale et politique aux Inuits (au Nunavut, Nunavik etc.) mais pas aux 'premières nations' qui restent confinées dans des réserves.
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On peut axer cette sous partie autour de deux problématiques : 1- l'hispanisation du continent avec la montée progressive des hispaniques, mais surtout aux États-Unis, ce qui fait que l'Amérique du Nord pourrait être coupée en trois zones : le sud hispanique, le centre anglophone (et des minorités) et le nord vide. 2- la place des minorités dans les sociétés nord-américaines : entre reconnaissance et ignorance, entre exclusion et prise en compte de leurs revendications (notamment à travers la langue pour les francophones et hispaniques ou à travers les coutumes pour les peuples premiers et les Inuits). Les enjeux de la fragmentation étant vus dans la partie 3.
3- Des mobilités qui renforcent les inégalités socio-spatiales.
Changement d'échelle encore : après le sous-continent et les États, on passe à l'échelle locale pour étudier les fragmentations et les conflits potentiels qui se créent autour de ces inégalités entre populations. Attention, il ne faut pas tomber dans le piège de lire les relations entre populations uniquement au prisme des minorités et de conflits de couleur ou de race. Les relations sont beaucoup plus complexe. A noter aussi qu'en Amérique du nord (est-ce lié à la culture anglo-saxone dominante ?) les rapports de classe sont beaucoup moins marqués qu'en France (même si les différences sociales sont plus fortes). Par rapport de classe, il faut entendre les relations que les groupes sociaux peuvent entretenir les uns par rapport aux autres ainsi que la conscience de classe de chaque personne.
3.1- Des populations qui semblent privilégier de plus en plus l'entre-soi
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Un constat : des populations qui sont très clivées : l'indice de Gini de ces trois pays (un indice qui mesure les inégalités sociales et économiques à l'intérieur d'un même territoire, l'inégalité absolue étant de 1 et le système le plus égalitaire étant crédité de 0) est faible : 0,46 au Mexique (85 ° rang mondial), 0,40 aux États-Unis (67 ° mondial) et 0,32 au Canada (24° mondial, même rang que la France).
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Dans les trois pays, on assiste à un certain enfermement plus ou moins choisi des populations dans leurs quartiers. Au Canada et surtout aux États-Unis, des quartiers fermés ou 'gated communauties' se sont constitués, formant parfois des communes quasi privées où le pouvoir politique est soumis aux demandes des citoyens-consommateurs. Mike DAVIES dans son livre City of Quartz montre comment des périphéries de Los Angeles se sont ainsi privatisées, privilégiant l'entre-soi et la gestion privée de leurs intérêts, quitte à développer un sentiment nimby très prononcé.
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Au Mexique, et surtout à Mexico, certaines rues ont été privatisées par leurs habitants, dans un processus parfois long de fermeture progressive de leur rue par un système de clotures, de gardiens ou de mur. De même, certains centres commerciaux ne sont accessibles qu'aux automobilistes, séparant de fait les plus riches (qui possèdent une auto) et les autres, piétons. ''À l’intérieur du district fédéral, d’importantes poches de misère perdurent, parfois entourées par des quartiers plus aisés, comme autour du Cerro de la Estrella, dans la délégation Iztapalapa. Mais les principaux centres de gravité de la pauvreté urbaine se sont peu à peu déplacés : Nezahualcóyotl, longtemps présentée comme le bidonville par excellence de Mexico, est désormais une municipalité consolidée, où la majorité des habitants dispose de tous les services essentiels (électricité, eau potable, drainage). Les quartiers sous-intégrés de l’agglomération se trouvent désormais plus dans le nord ou l’est de la zone métropolitaine, vers Ecatepec, Ixtlahuaca, Chalco''. (Alain MUSSET, TDC1009, Le Mexique) En effet, les plus pauvres n'ont pas le choix de leur logement. Bien souvent, ils se retrouvent dans des quartiers par obligation, des ghettos dans toutes les métropoles (et plutôt proche des centre-villes ou dans les centre-villes, comme à San Francisco ou Los Angeles) ou des bidonvilles que l'on ne trouve qu'au Mexique.
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On peut noter un paradoxe important dans les villes des États-Unis notamment, celui des centres des villes : les CBD qui concentrent pouvoirs et richesses sont directement entourés de faubourgs industriels ou logistiques en déclin prononcé. Des quartiers de friches et de pauvreté peuplés de noirs en majorité, comme à Détroit ou à Chicago.
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Au Canada, les territoires de la pauvreté, de l'exclusion, sont situés plus en périphérie des métropoles, dans la première ceinture. Des quartiers qui méritent rarement le terme de ghetto.
3.2- Des politiques libérales qui ont eu tendance à favoriser les inégalités spatiales des populations (échelle urbaine : celle du zonage et échelle nationale : celle du rapport au territoire, de la frontière)
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Les politiques libérales des trois États depuis plus ou moins longtemps ont renforcé ou créé ces inégalités spatiales. C'est depuis les années 2000 que Mexico a mis en place une politique libérale pour densifier les territoires centraux, il en a résulté une augmentation des prix des logements et une gentrification de ces quartiers centraux.
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Un tel processus a eu lieu depuis les années 1970 dans les métropoles des États-Unis puis du Canada (Toronto : les quartiers proches du centre sont eux aussi touchés par la gentrification : Cabbagetown, Don Vale ou The Annex de manière spontanée, puis Harbourfront et St Lawrence par les autorités municipales depuis les années 1990).
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On ne peut pas oublier que l'étalement urbain est intensément lié à l'usage de l 'automobile et à l'augmentation des mobilités. Ces pratiques ont abouti à un spatial mismatch : un décalage entre les lieux de travail et les lieux de logement des habitants des métropoles d'Amérique du Nord.
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A l'échelle nationale, ces politiques libérales se sont traduites par la mise en place d'un accord de libre échange entre les trois pays en 1994 : l'ALENA. Cet accord a permis d'augmenter fortement les échanges de marchandises entre les trois pays et a aussi transformé les paysages et les territoires : la frontière entre les États-Unis et le Mexique est devenue un territoire de confection et d'ateliers à destination du marché
des États-Unis. Cette périphérie oubliée est
devenue une périphérie productive où se
concentrent désormais activités et personnes ;
les maquiladoras emploient près de 2 millions
de personnes en 2012, principalement à
Ciudad Juarez et Tijuana (puis Reynosa,
Mexicali et Matamoros ou Chihuahua).
Croquis : Le "White Flight" à Toronto, entre 1970 et 2005 (d'après un article du Toronto Star) : en rouge les quartiers pauvres qui se sont déplacés du centre vers les périphéries ; en vert foncé les quartiers riches en 1970 et 2005, en vert clair, les nouvaux quartiers riches (gentrification) en 2005. Les flèches vertes montrent le front de gentrification et les flèches rouges le départ des pauvres des quartiers centraux. En jaune, les quartiers des classes moyennes (de moins en moins nombreux).
3.3- Des mythes nationaux mis à mal : mexicanité, melting pot, multiculturalisme.
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Les populations de ces trois États vivent encore dans des mythes collectifs qui les construisent. Au Canada, le multiculturalisme reste une valeur de référence pour les migrants et pour les habitants. Celui-ci promeut une intégration des nouveaux arrivants autour de valeurs canadiennes
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Au Mexique, le pays se considère comme issu du mélange entre les indiens divers groupes mayas, olmèques, toltèques, nahuas, … , des descendants d'esclaves et des descendants de migrants espagnols. Or, les différences sociales et ethniques restent fortes entre ces groupes.
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Aux États-Unis, les fractures socio-ethniques sont encore plus fortes. Dans ce pays où l'indice de Gini est élevé (donc les inégalités plus fortes), on note une forte différence entre les conditions de vie des minorités noires et des amérindiens et le reste de la population (espérance de vie plus courte, revenus plus faibles, précarité plus forte, niveau d'éducation plus faible) malgré des décennies de discrimination positive qui ont permis à des millions de jeunes d'accéder à des formations auxquelles ils n'avaient jusqu'alors pas accès.
Conclusion :
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A la question de savoir si les dynamiques des populations de l'Amérique du Nord favorisent les mobilités socio-spatiales, nous avons répondu que oui : les populations sont très mobiles, tant spatialement que socialement. Cependant, ces populations restent aussi très divisées, tant socialement que spatialement.
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Une situation qui n'est pas sans rappeler la situation d'autres pays neufs où la relation au territoire et aux nouveaux venus est similaire (Brésil, Australie, Argentine) : des inégalités issues de la formation progressive de l’État et du territoire, des inégalités issues de rapports sociaux anciens, des inégalités issues de choix politiques plus ou moins récents basés sur le libéralisme politique et économique où demeure une défiance envers l’État fédéral et ses institutions.