Introduction :
- Une accroche sur l'importance des trafics maritimes et des lieux de décision économiques.
- Détroits = une définition simple et claire, pas de problème. On peut aller vers une définition juridique issue de Montego Bay => « Un détroit est un seuil maritime étranglé (largeur inférieure ou égale à 24 milles marins), approprié par les États riverains selon la règle du partage par l’équidistance et qui admet le passage en transit sans entrave de tout navire ou sous-marin étranger. Ses fonctions sont ambivalentes, puisqu’il assure à la fois une séparation et une mise en contact dans les deux directions. Activités économiques, accumulation démographique, apparition de grands organismes portuaires, émergence d’interfaces sont fonction de l’environnement local. » (source : Patrick PICOUET, Jean-Pierre RENARD, Les détroits : de nouveaux territoires ? l ’exemple du pas de calais, Mappemonde, 2002,1, pages 7-12)
- Passages = L'idée de ce mot est d'élargir le sujet pour ne pas le limiter aux seuls détroits dont la listes est somme toute assez réduite. On peut y ajouter les pertuis des Antilles, le canal du Mozambique, les passages du nord-est et du nord-ouest, la « Lawrence seaway » ou en français le golfe du Saint Laurent et le Saint Laurent lui-même jusqu'aux Grands lacs, les caps (Horn, Bonne Espérance), … Bref, l'occasion de montrer qu'on sait élargir le sujet et que l'on a des connaissances nombreuses.
- Isthmes = Pour complexifier le sujet, cela permet de penser aux obstacles pour le passage maritime ; ils sont parfois creusés (Panama, Suez).
Des éléments communs à ces trois termes :
- un faible écart (moins de 24 miles nautiques pour les détroits selon Montego Bay ?)
- des goulets d'étranglement
- faible profondeur des eaux
- des aménagements à proximité
- une importance grandissante avec l'augmentation du trafic maritime mondial
Il ne faut pas se tenir à la seule échelle mondiale, mais penser le sujet à l'échelle locale et à l'échelle régionale. On peut se demander si ces lieux forment des territoires propres, spécifique, des nœuds du commerce mondial.
Il ne faut pas non plus limiter le sujet à l'économie, il faut penser l'ouvrir à la géopolitique (le contrôle des détroits, passages, isthmes), et à toutes sortes de flux (humains notamment).
Ces lieux (naturels ou non) sont-ils devenus des centres dans le système mondial actuel ?
Des lieux plus ou moins naturels
Des nœuds mondiaux
Des lieux stratégiques
1- Des lieux plus ou moins naturels aménagés par les humains :
Des points de passage obligés du système économique mondial actuel.
a- Des lieux de passage naturels (détroits et passages)
- Les caps
- Ils prennent de l'importance lors des Grandes Découvertes puis avec la maritimisation des transports au XIX° et XX° siècle lié au charbon puis au diesel.
- Ce sont eux qui donnent sa forme au réseau jusqu'au XIX° siècle :Magellan / Cap de Bonne Espérance, mais ils ont perdu en importance économique et stratégique : ce sont des confins, des marges du monde, même si le Cap de Bonne espérance reste un lieu important pour le transport des hydrocarbures.
- Ils sont devenus secondaires pour des raisons principalement physiques : éloignement des centres économiques mondiaux (ils sont dans l'hémisphère sud … alors que ces centres sont au nord), difficultés naturelles (le Cap Horn reste dangereux, température moyenne de 5°C, vents forts réguliers, visibilité souvent faible en hiver, …)
- Ils servent de relais avec quelques ports : Ushuaia en Argentine (petit port) mais surtout Durban en Afrique du Sud.
- Les détroits :
- Des lieux qui imposent le réseau eux aussi parce que ce sont aussi des lieux de passage naturels. On les trouve surtout dans l'hémisphère nord, à proximité des centres économiques : Gibraltar Bosphore / Malacca / Ormuz / Oresund / Pas-de-Calais / …
- Ces territoires ordonnent aussi le réseau, malgré des enjeux naturels et politiques :
- la taille et la profondeur peuvent limiter le trafic (détroit de la Sonde peu profond, détroit de Bali trop étroit et autres détroits indonésiens ou philippins réduits).
- la sécurité est un enjeu fort, comme dans le pas de Calais (enjeux environnementaux) ou la détroit de Malacca (risque de piraterie fort dans les années 1990-2000 et toujours présent) ;
- le risque de saturation est grand : 100 000 navires par an dans le Pas-de-Calais, un peu moins à Gibraltar, 75 000 à Malacca, 51 000 dans le Bosphore => mise en place de rails pour éviter les collisions.
=> croquis de Gibraltar
- Les isthmes:
- des ruptures de charge pour les navires :
- L'Amérique centrale a longtemps été une coupure pour les marchandises entre Atlantique et Pacifique, profitant aux commerçants mexicains ou panaméens et poussant les États-Unis à développer leur chemin de fer.
- L'isthme de Kraa reste une coupure entre l'océan indien et la mer de Chine.
- Les petits isthmes de Kiel ou de Corinthe on eux aussi formé des coupures entre des mers jusqu'à la fin du XIX° siècle.
- Mais ce sont aussi des ponts pour le transport terrestre : comme les détroits, ce sont des lieux de passage commerciaux, politiques ou culturels. Le plus important actuellement étant celui de l'Amérique centrale, mais on peut rappeler l'importance du Sinaï dans l'histoire méditerranéenne.
- des ruptures de charge pour les navires :
b- Des lieux créés par les humains (canaux et seuils)
- Les canaux, produits et facteurs de la mondialisation : C'est au cours du XIX° siècle que les européens, alors qu'ils dominent politiquement et économiquement le monde, tentent de réduire les routes maritimes (principalement la route Asie-Europe et la liaison maritime côte est-côte ouest des États-Unis) en creusant des canaux dans les principaux isthmes du monde : Suez (1859-69), Panama (1880-1914), Kiel (1784), Corinthe (1880-1893).
- Les enjeux de ces territoires sont d'abord économiques, comme nous l'avons vu, mais ils sont aussi politiques (contrôle des routes, comme on a pu le voir lors de la nationalisation du canal de Suez en 1956 ou lors de l'intervention des États-Unis à Panama en 1903 pour créer le pays, le canal et son contrôle jusqu'en 1999 + intervention en 1989 contre le général Noriega). Les enjeux sont aussi techniques : ces canaux sont aujourd'hui saturés et trop petits pour laisser passer les plus gros navires de taille « post-panamax ». Pour l'Allemagne, le canal de Kiel permet un transport par cabotage plus facile entre Hambourg ou Brême et ses ports de la Baltique, comme Rostock.
- Enfin, ces territoires sont aussi des lieux de production qui accueillent à proximité des ports d'importance mondiale, comme Port Saïd, Panama-city.
c- Des passages et des seuils en devenir : une dynamique toujours présente
- Les projets sont de plus en plus nombreux :
- Percement d'un canal dans l'isthme de Kraa qui permettrait de raccourcir la route entre l'Océan Indien et la mer de Chine de 1 100 km et éviterait ainsi de passer par le détroit de Malacca mais nécessiterait comme à Panama la mise en place d'écluses. Le canal mesurerait 150 km de long, 120 m de large et permettrait le passage de de navires de 100 000 tjb.
- Élargissement du canal de Panama en cours.
- Creusement d'un Panama-bis soit plus au nord au Mexique sur l'isthme de Tehuantepec (200 km), soit au Nicaragua (200 km aussi,financé par la Chine ou la Russie, 40 milliards de dollars, 10 ans de travaux).
- Canal entre la mer Baltique et la mer Blanche, financé par la Russie pour éviter le détroit d'Oresund.
- Canal pour compléter le détroit du Bosphore, projet porté par le président turc. Surnommé « canal Istanbul ». Selon Erdogan, ce canal mesurera entre 45 et 50 kilomètres de long, 150 mètres de large, 25 mètres de profondeur et sera conçu pour assurer le passage quotidien de 160 navires de très gros tonnages (il pense aux pétroliers et gaziers russes, bien entendu). L'objectif est de contourner Istanbul (limiter les risques de collision ou de marée noire) mais il est aussi nationaliste (pour flatter la grandeur, la richesse et le génie du peuple turc).
- Les passages du Nord (à développer, on trouve ça partout, mais on peut lire : Frédéric LASSERRE, « Des autoroutes maritimes polaires ? Analyse des stratégies des transporteurs maritimes dans l’Arctique », Cybergeo : European Journal of Geography , mai 2011.
- Les seuils immatériels (voir André LOUCHET, La planète Océane, Coll U, Armand Colin, 2014,pages 159-160) : des points de passage essentiels mais qui ne correspondent à aucun trait physique particulier : des lieux de croisement des routes, comme entre Maldives et Laquedives (Océan Indien) où convergent les routes Europe-Asie et Golfe arabo-persique-Asie, il est surnommé le « eight degree chanel », car il est situé sur le … 8° parallèle nord. Idem autour de Diego Garcia pour les routes Aden-Perth et Le Cap-Malacca. LOUCHET en compte 4 dans l'océan Indien, 3 dans le Pacifique et 3 autres dans l'Alantique dont le sud-est des Bermudes ou entre Açores et Madère.
=> croquis possibles :
- Panama / Bosphore
- Faire ressortir les passages maritimes + terrestres + les projets + les ports
2- Des nœuds mondiaux dans le cadre d'une maritimisation des échanges à l'échelle mondiale :
Sont-ils des haut lieux de la mondialisation ?
La notion de haut lieu (de Bernard DEBARBIEUX en 1993 dans la revue L'Espace Géographique 1993-1, pages 5 à 13, à propos du Mont Blanc) renvoie à l'idée qu'un lieu peut être « érigé délibérément et collectivement au statut de symbole d'un système de valeurs territoriales » : un territoire concret mais aussi un symbole, un archétype. Cela dépasse et complète la notion de lieu. Ici, c'est sûrement exagéré de parler de haut-lieux de la mondialisation (ceux-ci seraient plutôt New York, Washington, Pékin, Shenzhen, … ) mais Panama, Suez, Malacca portent en eux plus que ce qu'ils sont localement.
a- Des nœuds maritimes pour le commerce mondial qui polarisent et organisent les routes :
- les routes commerciales mondiales :
- la route majeure coupée en trois tronçons ; Europe-Amérique, Europe-Asie, Asie-Amérique : voir mon croquis du ring mondial pour les chiffres.
- Les routes secondaires : celles qui contournent les continents (Amérique du Sud, Afrique) + celles qui relient des pôles secondaires (Australie) + celles du cabotage (feedering, ça fait mieux dans une copie) + celles des culs-de-sac (le Saint-Laurent en tant que route maritime, j'ose ; la Baltique, la mer Noire, le Golfe arabo-persique, etc.)
- les principaux points de passage => typologie selon le trafic marchandises et hydrocarbures :
- points majeurs
- points secondaires
- des points qui polarisent les activités :
- zones franches et industrielles, exemple de Gibraltar
- hubs de transbordement, exemple de Dubaï ou de Singapour situés à proximité de points de passage.
- Des États dépendants (économiquement) de ces points de passage : Panama ; l'Égypte ou encore Singapour.
=> croquis de synthèse à l'échelle mondiale.
b- Des nœuds terrestres également pour les migrations et les marchandises :
- des points de rencontre européens :
- Gibraltar, entre Afrique et Europe – penser à Ceuta et Mellila, mais aussi Gibraltar.
- Bosphore, entre Asie et Europe, avec la frontière murée avec la Grèce.
- Manche (Sangate, tunnel sous la Manche)
- des points de rencontre américains :
- Dans les Caraïbes, des connexions fortes avec les États-Unis (universitaires, touristiques, économiques, …)
- Amérique centrale, avec les maquiladoras d'Amérique centrale + les produits agricoles + les migrants + les drogues colombiennes.
3- Des lieux stratégiques sous surveillance :
Des territoires (ou lieux) à surveiller dans le système mondial actuel.
a- Des territoires à partager entre États et entre utilisateurs
- Une territorialisation des détroits :
- le droit de la mer : un contrôle renforcé par la convention de Montego Bay de 1982.
- Malacca, une territorialisation forte par des accords politiques entre Malaisie, Singapour et Indonésie : un partage du contrôle des navires, un partage du trafic, un partage de la lutte contre la piraterie = la nécessité de s'entendre, quitte à créer un territoire transfrontalier (le triangle SIJORI, entre Singapour, Johore et Riau => voir les travaux de Nathalie FAU (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Mobil/MobilScient2.htm)
- Les enjeux du partage des détroits et passages dans l'Arctique (Canada et Russie), à Gibraltar (tensions avec l'Espagne) ou en mer de Chine (Chine vs ses nombreux voisins) : qui doit contrôler les routes, par ou passent-elles et surtout qui a la souveraineté sur ces routes : l'objectif des États riverains étant de contrôler au maximum ces routes, quitte à imposer leurs points de vue et à entrer en conflit politique avec ses voisins (mais pas de guerre pour l'instant)
b- Des points vulnérables : piraterie, tensions, accidents
- Des zones qui concentrent les risques majeurs : les risques de tremblement de terre ou de tsunami en Indonésie ou en Amérique centrale mais aussi dans le Bosphore ou Gibraltar … logique, ce sont des points de rencontre entre des continents, entre des plaques océaniques, bref entre des plaques tectoniques. La gestion des risques reste à l'échelle locale ou nationale, elle ne semble pas concerner grand monde.
- Des tensions sur les détroits, notamment Ormuz et Suez : des tensions géopolitiques proches ou non où les détroits / canaux servent de moyen de pression sur les négociations internationales (menace de l'Iran de bloquer Ormuz dans les tensions autour du dossier du nucléaire civil iranien).
- Une piraterie parfois très présente : localisation et enjeux à différentes échelles (causes : des États défaillants, des rebelles armés, une grande pauvreté ; réponse : des actions internationales militaires, comme Atalante)
=> croquis de synthèse à l'échelle mondiale à compléter
c- Un contrôle stratégique de plus en plus fort
- la présence des puissances mondiales ou régionales à proximité des détroits et passages : exemple des bases navales autour du détroit d'Ormuz, autour de Bab el Mandeb (Djibouti), autour de Suez ou de Gibraltar, etc.
- des opérations communes pour contrôler les routes et les détroits : les opérations contre la piraterie principalement.
=> croquis de synthèse à l'échelle mondiale à compléter.
Conclusion : ce ne sont pas des centres car ils ne sont pas décisionnels (ou rarement, comme Singapour, centre économique majeur avec sa bourse, ses sièges sociaux, les banques qui rayonnent sur l'Asie du sud-est), mais des lieux du partage et de la coopération en devenir.