Introduction :
On peut aborder l'étude des conflits par les lieux, mais cela peut sembler exhaustif. Il faut organiser les conflits selon deux lignes de force : d'une part les acteurs d'autre part les ressources. A la conjonction de ces deux groupes peuvent exister des conflits.Bien évidemment, parler des acteurs ne dispense pas d'avoir un regard critique sur ceux-ci : un regard sur leurs prétentions, sur leurs représentations.
Par acteurs, il faut considérer tous ceux qui agissent, avec une certaine intentionnalité, mais aussi une capacité d'action et des compétences. il s'agit donc à la fois d'individus, de groupes privés, de groupes politiques. Les acteurs interagissent, il ont des comportements parfois rationnels, parfois non. Enfin, les acteurs sont des acteurs spatiaux, ils marquent l'espace. Je ne reviens pas sur la notion de conflit (voir : COMMENT DÉFINIR LES GÉOGRAPHIE DES CONFLITS ?
Il faut voir que les conflits dans le monde ne concernent pas que les armées ou les États Aujourd'hui, une multitude d'acteurs existent, qu'ils soient politiques, économiques, collectifs ou individuels. Assiste-t-on dans cette logique de multiplication des acteurs à un recul de l'acteur principal des conflits, l'Etat ?
Pour voir cela, trois parties : une première sur la place des États aujourd'hui dans le monde, une deuxième sur les associations ou groupes qui gravitent autour des États (ONU, OIG, ONG) et une troisième sur les acteurs qui inscrivnet l'Etat comme un contre-modèle ou un concurrent (organisations extra-étatiques : guérillas, pirates et terroristes, entreprises, médias).
1.1. Un ordre westphalien à son apogée au XX° siècle.
La notion d'Etat s'est construite lentement, à partir de la fin du Moyen Age, ou plutôt avec l'ère moderne. C'est au cours du XX° siécle qu'elle apparaît comme la forme absolue de gouvernment. Or en ce début de XXI° siècle, l'Etat semble reculer face à d'autres acteur, notamment économiques.
Les premiers théoriciens de l'Etat écrivent au XVIe siècle : on peut citer notamment La République de Jean BODIN (1579) qui décrit une situation qui est en train de s’imposer :
- Le Prince d’un État souverain jouit, au sein du territoire qu’il contrôle, du monopole de l’emploi de la force.
- Les relations internationales sont le domaine de la force.
- Les États sont tous souverains, aucun ne possède de suzeraineté sur les autres : faute d’arbitre, leurs relations reposent sur l’emploi de la force ou sur la menace d’y recourir.
- Parmi les droits fondamentaux dont dispose un souverain absolu, il y a celui de faire la guerre à qui bon lui semble.
- C’est la base du droit international dont Hugo GROTIUS jette les bases dans son traité De jure belli ac pacis (1625).
A noter que c'est aussi à cette période que les États cherchent à imposer leur puissance sur d'autres territoires que les terres : La GB fixe au XVII° siècle les limites de sa souveraineté sur la mer : trois milles, soit la zone que l'artillerie peut balayer ... La Grande-Bretagne fait donc progressivement apparaître un véritable espace international – même s’il n’existe qu'à cause de la supériorité de la Royal Navy.
De même, la paix n’existe que par l’effet dissuasif exercé par les forces militaires et navales sur les adversaires potentiels. Il faut donc former et entretenir des soldats professionnels, formés en temps de paix par des exercices répétés du drill (entraînement militaire en temps de paix). Ces armées permanentes apparaissent à la fin du XVIIe siècle en Europe (Prusse, France, ...). Il faut aussi des États-majors, qui préparent les décisions.
Enfin, il existe des effets de dissuasion : avant de recourir à la guerre, le souverain évalue les chances qu'il a d’en retirer des avantages (armements des adversaires ; solidité des alliances).
Au XVIIIe siècle, le souverain se confond avec le peuple : l’État souverain devient national. La mutation s’accomplit en Grande-Bretagne à la suite de la Révolution de 1688, mais le peuple s’y réduit à une étroite élite. La situation change avec la Proclamation de l’Indépendance américaine (1776), puis avec la Révolution française. Ainsi, au XIX° siècle, l’État national tend à être démocratique.
Démocratisation et industrialisation transforment la guerre : d'une part la production des armes augmente rapidement, d'autre part les États disposent de la possibilité de faire de tous leurs citoyens des soldats : les armées nationales font leur apparition (conscription en France à partir du 5 septembre 1798).
De plus, la naissance de l’État national fait naître des nouvelles contraintes territoriales : les limites de l’État national se confondent normalement avec les limites de l’aire où le peuple qui le légitime est installé. Mais ce principe est gros de nouvelles tensions et de nouveaux conflits : quel statut accorder aux minorités qui vivent à l’intérieur de cet espace ? A-t-on le droit de les expulser et de procéder à ce que l’on qualifie, plus tard, de purification ethnique ? La tentation est grande de les assimiler. En réaction, les irrédentismes se multiplient.
C'est avec l'invention de la notion d'État qu'apparaît l'idée de la paix civile. Emmanuel KANT se met à rêver d’un système où la guerre cesserait d’être l’état normal des relations entre États, et où la paix n’apparaîtrait plus comme une parenthèse utilisée par les gouvernements à poursuivre leurs buts de guerre par d’autres moyens. (voir La Paix perpétuelle, 1795).
La mise en place de gouvernements démocratiques éliminera la guerre dans la mesure où les Assemblées sur lesquels ils reposent refuseront de voter les crédits militaires – sauf pour se défendre d’un voisin autocrate. Le processus fera donc tâche d’huile et la paix deviendra universelle et perpétuelle.
Ces idées commencent à avoir des retombées sur la pratique diplomatique :
- la Grande-Bretagne recourt moins facilement à la guerre et favorise les procédures de conciliation.
- La Cour d’arbitrage international de la Haye naît de deux conférences qui se tiennent dans cette ville en 1899 et 1907.
- Au Brésil, le Ministre des Affaires étrangères (le Baron de Rio Branco) renonce à l’usage de la force pour régler les différents territoriaux qui naissent du bornage du territoire national : sans coup férir, il élargit ainsi le Brésil de plus de 250 000 km² !
On peut le penser car :
- Après la 1° GM, le Président des États-Unis W. Wilson impose d'une part l'idée que les nations doivent se constituer en États (ce qui sert presque de base de discussion aux traités de paix de Versailles, Sèvres, etc.) D'autre part, il propose la mise en place de la Société des Nations sensée supplanter les jeux secrets de la diplomatie traditionnelle ; les négociations, désormais publiques, ne soulèveront plus de suspicion ; mettre en œuvre des politiques de puissance deviendra plus difficile. C’est à Genève, siège des nouvelles institutions internationales, que s’exprime le mieux cet esprit nouveau.
- De plus, la révolution bolchévique en Russie permet la prise du pouvoir par les communistes qui rêvent d'un monde où l'Etat, en plus d'être un régulateur politique est aussi un organisateur économique et social. L'Etat triomphant.
- La mise en place de l'ONU va renforcer le rôle des États : ce club de grandes et petites puissances n'existe qu'entre États. (51 à la création, 193 aujourd'hui)
- Enfin, ce modèle, après avoir été diffusé par les puissances coloniales, se répand dans le monde entier lors des processus de décolonisation (de l'Asie à l'Afrique en passant par le Proche Orient). Les nouveaux dirigeants reprennent le modèle de l'Etat européen pour asseoir leur souveraineté et ne remettent pratiquement pas en question les limites territoriales des nouveaux États. Les espaces qui échappaient à toute souveraineté politique étaient offerts à la convoitise des pays mieux organisés. Ils disparaissent.
Ainsi, jamais le monde n’a jamais paru plus proche du modèle westphalien. Cependant, il faut nuancer cette vision : dès leur indépendance, les nouveaux États ne disposaient pas de moyen suffisants pour assumer leur souveraineté.
Plusieurs changements économiques et sociaux vont changer la donne de la toute puissance des États :
- Dans les années 1970 (TV) et 1990 (Internet), les communications deviennent plus rapides et plus sûres, les nouvelles sont connues instantanément. L’opinion internationale (notion dont il faut se méfier car peu précise) s’affirme. De plus, l'Etat n'est plus le seul à informer : à côté de l'information officielle de l’État se développe l'information diffusée par des médias privés de plus en plus fragmentés.
- Les changements économiques récents connus sous le nom de "mondalisation" vont aussi réduire le rôle des États. Ceux-ci délèguent de plus en plus de souveraineté vers d'autres organismes (Union Européenne, Cour de justice internationales,...), contrôlent plus leurs frontières pour limiter les flux migratoires (surtout le spays riches (Etats-Unis, Union Européenne), voient leurs marges de manoeuvre diminuer face à d'autres acteurs, les FTN (Firmes Trans Nationales), les ONG (Organisations Non Gouvernementales), etc. Les entreprises, désormais capables de gérer des établissements dispersés, désertent les pays où leur action rencontre trop d’obstacles.
- Enfin, la défaite du communisme politique en URSS et en Europe de l'Est et du Centre, mais aussi en Chine (où le Parti Communiste garde le contrôle du pouvoir politique mais assouplit les règles économiques) marque un recul de l'idée que l'Etat peut être l'acteur majeur des relations internationales ou des décisions économiques. A partir des années 1980 (REAGAN, THATCHER), et surtout après 198-1990, le monde s'offre au libéralisme politique et économique (pour le bonheur qu'on lui connaît depuis 2007-2008).
Depuis les années 1990, les conflits sont plus nombreux. Après une phase de rééquilibrage des puissances et des forces en présence sur différent conflits gelés de la Guerre froide (Afrique lusophone, Éthiopie, Afghanistan), les conflits territoriaux se multiplient en Europe orientale (ex-Yougoslavie), au sein de l’ex-URSS (Tcjhétchénie), mais aussi en Afrique (Rwanda, Libéria, Cîte d'Ivoire, RDC, ...). Les conflits se sont transformés : les stratégies du faible au fort reposent sur la guérilla – mais celle-ci ne peut se maintenir que dans des pays où les masses paysannes demeurent nombreuses. Dans des sociétés de plus en plus urbanisées, la contestation repose de plus en plus sur le terrorisme.
Pour certains, cette période annonce la fin de l’État westphalien (Bertrand BADIE).
1.2. La territorialisation du monde
Les frontières telles que nous les connaissons sont apparues petit à petit, d'abord en Asie (Chine-Tibet, accords aux VIII°-IX° siècles), puis en Occident. Pourtant, on peut les faire remonter à la Mésopotamie, avec la stèle des vautours au III° millénaire (Musée du Louvre) qui règle un différend entre deux cités, Umma et Lagash. Le litige est réglé par le roi de Kish. Plus tard, des stèles frontalières sont posées entre les empires égyptiens et les royaumes de Mésopotamie.
Pendant l'Antiquité grecque, Athènes et les autres cités délimitent leurs territoires par un bornage sacré : des bornes sacrées limitent la propriété de la cité (comme une propriété privée), souvent matérialisées par des statues d'Hermès epitermios et de Zeus horios. L'Attique était entourée de forteresses où stationnaient en permanence les "péripoles" (jeunes athéniens chargés de contrôler la frontière, ce sont des éphèbes de la seconde année de l'éphébie). De même, les Étrusques puis les Romains marquaient la limite de leurs territoires par le pomerium, la limite religieuse de la ville qui se transforme petit à petit en mur ou en chemin.
Une autre forme de frontière apparaît durant l'Antiquité, c'est le limes qui s'étend sur près de 9 000 km, du Rhin au Danube puis à l'Euphrate, mais qui n'est fortifié qu'à certains endroits, comme le Mur d'Hadrien (117 km, fossé + muraille + route militaire + rempart de terre) ou le limes rhénan : série de tours de garde en bois + murailles en argile de 550 m de long, 1 000 tours de garde + 100 castella. En fait, il y a eu 4 limes successifs, le dernier durant jusqu'au V° siècle.
En Chine, la Grande Muraille apparaît parfois comme une frontière, car elle matérialise la rupture entre le monde chinois et le monde barbare, entre sédentaires et nomades, entre terres agricoles et steppe. Elle est construite entre 1320 et 1595, mais ce qui reste de ces murailles a été précédé d'une douzaine de tracés en 21 siècles ... Il faut plus voir cette muraille comme un outil d'unification des peuples chinois, un outil de politique intérieure. La muraille actuelle est ainsi devenue, au fil des conquêtes une muraille intérieure de + de 5 000 km.
C'est à Byzance, entre 565 et 1150, qu'une autre conception de la frontière s'affirme : à une conception gréco-romaine de frontière idéologique (correspondant aux frontières de écoumène) s'ajoute une frontière vue comme un objectif à atteindre qui correspond à une aire d'influence sur des pays amis. Les Byzantins s'appuient alors sur des frontières "naturelles", comme le Danube, l'Euphrate, le Taurus. (l'empire ottoman a lui aussi à des frontières plus ou moins nettes, soit très marquées, comme en Europe, avec des forteresses, des petits forts et un peuplement de vétérans et une zone de no-man's-land entre leur frontière et celle de l'Autriche.)
Une troisième conception de la frontière se développe lors des colonisations des terres russes et nord-américaines : la Russie en se constituant se crée aussi des frontières, des frontières en constante évolution, avec le système de la "barrière", un système qui est fait d'une ligne de front avec une série de forts disposés dans les clairières de la grande forêt de Sibérie. Une "frontier" avant celle des États-Unis en quelque sorte. De plus, une deuxième frontière se dessine petit à petit, celle du sud, face à l'empire ottoman, une frontière qui se construit par des négociations et des guerres.
Depuis les premières sociétés, des hommes et des femmes (explorateurs, commerçants, soldats) ont cherché à connaître l'inconnu, les terres d'outre-mer, les mers lointaines.
Les Grecs, non contents de délimiter et de borner leurs cités ont légué à notre civilisation la notion d'oekoumène, c'est à dire les terres habitées par les humains. Un planisphère fait par
Emmanuel de MARTONNE dans son Traité de géographie physique (1929) montre l’élargissement progressif de l’horizon géographique (voir l'article de dans Mappemonde 92
(2008.4) : link)
Cet élargissement du monde s'accompagne à la fois d'une description, d'une mesure et d'une appropriation du monde par les humains. Une appropriation telle que l'écoumène semble aujourd'hui être la Terre entière (sauf quelques pics perdus dans les Andes ou dans l'Antarctique ?).
Cet élargissement a donc été lié à une augmentation des frontières depuis 4 ou 5 siècle. (par frontière, je retiens la conception issue de l'absolutisme frnaçais du XVIII° siècle : une frontière linéaire qui a une nature non pas de délimitation mais de cohésion au sens où elle sert à délimiter un ensemble cohérente et uni, le royaume puis la nation. Une frontière qui est donc une limite, un trait que l'on peut tracer sur une carte et que l'on peut matérialiser par des fortins, des fortifications (rappelez vous VAUBAN). Associée à l'idée de nation, cela donne une frontière qui correspond au territoire de la nation, une confusion typiquement frnaçaise entre nation, culture, État (puis République, mais c'est aune utre histoire qui commence avec la III° République).
En 1492, les États n'existent pas, les frontières restent flottantes. On parle d'un partage lors du Traité de Tordesilas, mais ce n'est pas un traité qui fixe des frontières, uniquement deux zones d'influence, de part et d'autre d'un parallèle, à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap Vert, le 7 juin 1494. On peut aussi rappeler que la conférence de Berlin de 1885 on fixe pas de frontières non plus, elle ne fait que fixer elle aussi des zones d'influences commerciales (mais où les Etats jouissent d'un monopole ... ce qui va donc renforcer l'idée d'Etat. A noter que l'acteur principal alors n'est pas l'entreprise ou la nation, c'est bien l'Etat).
Pour cette partie, je me réfère aux travaux de Michel FOUCHER sur le tracé des frontières (L'invention des frontières, 1986) qui montre que :
- Les frontières de l'Amérique latine sont surtout tracées après 1810 et les indépendances (30 % des frontières sont dessinées avant le XIX° siècle et 10 % après le XIX°).
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Les frontières de l'Afrique naissent aussi en grande partie de la colonisation 70 % des tracés se font entre 1885 et 1909.
- Les frontières du Proche Orient sont surtout tracées entre 1910 et 1930.
- En Asie, l'antériorité des frontières est claire, car il existe une tradition diplomatique qui n'est pas remise en cause par les colonisations : 15 % des frontières actuelles sont en place avant le XIX° siècle, 45 % sont tracées entre 1860 et 1910 en Asie du Sud et du Sud-Est surtout ; enfin, 30 % sont tracées après 1945.
- En Europe, Michel FOUCHER estime qu'il y a eu 8 siècles d'orogénèse, avec quelques caractéristiques : comme en Asie, beaucoup d'Etats-nations et des frontières très mouvantes (cf Pologne) ; comme en Afrique, beaucoup de négociations dans des conférences internationales (cf Vienne 1815, Berlin 1878 où 7 puissances découpent la Bulgarie pour créer la Roumanie, la Serbie et la Monténégro, Traité de Versailles 1919) ; comme en Amérique, des frontières de colonisation agricoles, des frontières en marche, que ce soit à l'Est (Allemagne, Pologne, Russie, Autriche) ou au Nord (Angleterre, Écosse).
De même, Michel FOUCHER s'amuse à classer les grands États traceurs de frontières :
- le Royaume Uni (21,5 % des frontières mondiales),
- la France (17,2 %),
- le Portugal (4,5%),
- l'Espagne (3,8 %),
- L'Allemagne (3,7 %),
- Les Pays Bas et l'URSS (4,6 % chacun),
- L'Inde et le Pakistan (3,3 % chaque),
- Le Brésil (3,1 %),
La fin de la Guerre Froide entre 1989 et 1991 n'a pas eu que des conséquences idéologiques (fin de la référence soviétique, remise en question du modèle communiste) et économiques (refus de l'économie planifiée, victoire du libéralisme et de l'ultra-libéralisme, mondialisation des échanges économiques et humains), elle a eu aussi des conséquences territoriales les bouleversement des frontières liés à la guerre froide ont créé 27 000 km de nouvelles frontières internationaleset 24 États ont été créés en Europe, en Asie et en Afrique :
- En Europe, six États sont issus de l'URSS sur la frontière occidentale de cet ancien empire : les trois États baltes qui on recouvré une indépendance née en 1919 et anéantie en 1939 mais aussi la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie : des,créations issues des frontières internes de l'URSS lors du partage de la fédération par Staline en 1922.
- En Europe encore, sept États naissent de l'éclatement la fédération de Yougoslavie, un État créé en 1919 lui aussi. Un État sensé fédérer les "slaves du Sud" autrefois dominés par l'empire Ottoman (jusqu'au XIX° siècle) puis par l'empire austro-hongrois.Ces sept États sont : la Serbie, le Monténégro, le Kosovo, l'ARYM (Ancienne République Yougoslave de Macédoine), la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie. Ces nouvelles frontières sont dessinées dans la violence : une série de guerres oppose les anciennes républiques de la fédération yougoslave dans les années 1990-2000.
- Aux marges de l'Europe et de l'Asie, trois États apparaissent dans le Caucase : la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan. (Noter le cas spécifique de la Géorgie dont les frontières ont été déplacées deux fois, par deux guerres : d'abord la guerre de sécession de l'Abkhazie en 1993 puis guerre de 2008 avec la Russie : Ossétie du Sud).
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En Asie centrale, la fin de l'URSS voit naître cinq États : le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan.
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L'Afrique est un cas particulier, car lors des indépendances, les États ont décidé de mettre en œuvre un "principe de l'intangibilité des frontières" arrêté par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) en 1964. Mais ce principe a été remis en cause deux fois : d'une part par le règlement de la guerre entre Éthiopie et Érythrée (2000), d'autre part par le règlement de la guerre civile soudanaise qui a abouti à la partition de ce pays grâce a u concours de l'ONU en deux entités en juillet 2011 : le Soudan (au Nord) et le Soudan du Sud (au Sud). A noter aussi le recours à la cour internationale de la Haye en 2008 entre Cameroun et Nigeria (échange de terres pour stabiliser la frontière => vers un bornage commencé en 2009, financé par l'UE).
A noter aussi que le continent africain est certainement celui où les États sont les plus faibles, avec la présence de certains États très affaiblis ou divisés comme La RDC ou la Somalie, des États qui ne contrôlent pas leurs frontières et qui n'exercent pas leur autorité politique, incapables de faire respecter la paix dans leur propre pays. Certaines régions de la RDC sont même sous contrôle de pays voisins, comme le Rwanda.
Seules deux frontières ont disparu avec la fin de la Guerre Froide : celle qui divisait l'Allemagne et celle divisant le Yémen en 1990.
Il faut aussi remarquer que les frontières tracées ont mis du temps à être effectives. Encore aujourd'hui les limites entre la Russie et le Kazakhstan ou l'Ukraine sont délimitées mais par forcément formalisées par des bornes ou des grillages (ce qui peut faciliter certains trafics légaux ou non). De plus, ces nouveaux pays ont dû faire face parfois à des mouvements politiques régionalistes ou nationalistes dans le but de créer des nouvelles frontières (cf. Kosovo ou Montenegro qui ont abouti à la partition ; Transdniestrie en Moldavie ou Tchtechénie en Russie qui n'ont pas abouti, le second pour des raisons de politique intérieure mais aussi de gestion de l'ensemble de la fédération russe).
Cette période post Guerre Froide a été marquée aussi par une augmentation des accords transfrontaliers signés bilatéralement entre États, ce qui a permis de stabiliser des frontières mais aussi de les ouvrir : la frontière de l'Amour entre Chine et Russie ; les frontières du sud de la péninsule Arabique 5arabie Saoudite; Yémen, Oman) ; les frontières de l'Afrique sahélienne ; les frontières entre Algérie et Maroc.
Depuis la Convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay en 1982, les frontières maritimes ont la particularité d'être définies selon des règles uniformes qui s'appliquent en droit à tous les États. Elles sont directement corrélées à la possession des territoires terrestres, îles et littoraux. L'espace alors situé entre la frontière "dans la mer" et la côte s'appelle la ZEE.
On reconnaît aux États un droit de pleine souveraineté sur les eaux territoriales qui s'étendent sur douze milles à partir des côtes. Cette zone est donc considérée comme partie intégrante du territoire national. Les navires étrangers y ont cependant un droit de passage innocent et le droit de poser des câbles sous-marins. Lorsque deux États sont séparés par un détroit, la frontière passe au milieu. Jusqu'à deux cents milles des côtes, l'État possède une Zone économique Exclusive (ZEE), dans lequel il a un droit de gestion des ressources. Dans certaines régions, ces règles ne peuvent être appliquées car la mer est trop étroite. C'est le cas, par exemple, en Méditerranée. Au-delà des 200 milles se trouve la haute mer, régie par le droit international.
93 États ont déposé devant la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies une demande d'extension des zones économiques exclusives au delà des 200 milles nautiques.
Dans sa thèse en 2010 (Territorialisation des espaces océaniques hauturiers : l’apport de la navigation à voile dans l’Océan Atlantique), Camille PARRAIN montre que les océans, par leur attraction (mythes, légendes) sont soumis à des enjeux géopolitiques forts, et qu'on peut les comparer à un front pionnier, tant en surface qu'en profondeur. Il note une territorialisation croissante des espaces maritimes, déjà prouvée sur les mers côtières, mais qui prend un angle particulier sur le domaine hauturier du fait de l'immensité et de son l'éphémérité de cet espace. Il analyse ce processus à travers l'étude de la navigation à voile (à la fois comme pratique de loisir et professionnelle) dans l’océan Atlantique.
Camille PARRAIN définit ainsi la notion de territoire en haute mer afin de distinguer l’existence de « merritoires ». Selon lui, la connaissance des routes transatlantiques permet de dégager des centralités, des périphéries et des marges atlantiques. Ce routes constituent des réseaux territorialisés mettant en relation différents lieux où se révèle l’identité des navigateurs. Le long de ces trajets se greffent des paysages marins « itinérants », des repères, des discontinuités spatio-temporelles, des rites et représentations dégageant des disparités spatiales et une structuration de l’Océan Atlantique.
1.3. Comment mesurer aujourd'hui la puissance des États ?
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Emmanuel KANT, autour de la négociation entre puissances et d'un équilibre, avec l'idée démocratique aussi.
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Hans MORGENTHAU, autour du principe de réalisme militaire et diplomatique (réal politik).
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CLAUSEVITZ, pour sa réflexion sur l'art de la guerre.
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Raymond ARON, autour de l'idée que les puissances se créent sur la coercition puis doivent agir plus doucement pour garder leur leadership.
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Joseph NYE (hard/soft power).
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Suzanne NOSSEL (smart power)
Avant de commencer cette partie, je reviens sur trois termes liés à la notion de puissance :
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Le hard power (ou puissance coercitive) qui correspond à la capacité d'un corps politique d'influencer le comportement d'autres corps politiques à l'aide de moyens militaires et économiques. Cette capacité repose sur l'importance des armées, à la fois en armes conventionnelles et en armes nucléaires, à la fois sur terre, sur mer et dans les airs et l'espace (d'où l'importance des lanceurs spatiaux). Comme disait Raymond ARON, «au sens le plus général, la puissance est la capacité de faire, produire ou détruire». Cependant, ces capacités de destruction ne peuvent pas venir à bout de tous les conflits, notamment les conflits asymétriques (cf l'URSS pus les EU en Afghanistan). Ainsi, ce qui importe, ce n'est plus le nombre d'avions ou le nombre de chars mais la possibilité de faire communiquer un satellite de reconnaissance avec un drone, un avion, un char, le serveur d'une pièce d'artillerie ou le simple soldat et de permettre ainsi au chef militaire de choisir en temps réel le moyen approprié à la destruction d'une cible ennemi, bref, une capacité à mener une " guerre en réseau " qui inclut aussi le contrôle des réseaux de communication permet de détruire les capacités aériennes ou terrestres des adversaires (cf Belgrade bombardée pendant la guerre avec OTAN, pour détruire les moyens de communication).
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Le soft power (ou puissance douce) est un concept développé par Joseph NYE pour décrire la capacité d'un acteur politique – comme un État,
une firme multinationale, une ONG, une institution internationale (comme l'ONU ou le FMI) voire un réseau de citoyens (comme le mouvement altermondialiste) – d'influencer indirectement le
comportement d'un autre acteur ou la définition par cet autre acteur de ses propres intérêts à travers des moyens non coercitifs (structurels, culturels ou idéologiques).
Il existe trois types de ressources dans l'analyse de NYE : les ressources militaires, les ressources économiques, les ressources intangibles (que tout le monde a, les gouvernements, les ONG, les firmes, ... des ressources dispersées et non hiérarchisées).
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De cette analyse, NYE conclut que les États-Unis profitent de la mondialisation mais ne la contrôlent pas. Ils disposent d'un pouvoir certain sur les autres États, mais de moins de pouvoir qu'hier sur l'économie mondiale du fait de la montée en puissance des acteurs privés. Ces derniers voient leur influence progresser, mais de manière non coordonnée et on ne peut pas en tirer de conclusion quant à la contribution des forces privées à la gouvernance mondiale, selon Nye. A court terme, les États-Unis doivent s'appuyer sur les institutions internationales, défendre leurs valeurs universelles et entretenir leur pouvoir d'attraction pour faire accepter leur politique et éviter le développement d'un sentiment anti-américain. A long terme, la diffusion des nouvelles technologies diminuera leurs ressources intangibles, faisant évoluer le monde vers une répartition du pouvoir plus équilibrée.
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On peut parfois aussi y ajouter le smart power (ou pouvoir de l'intelligence), théorisé en 2004 par Suzanne NOSSEL dans un article de la revue américaine Foreign Policy. Cette dernière propose de revenir à un modèle classique de l’action des États-Unis dans le monde : « l’internationalisme libéral ». « Le point central de cette doctrine est que les régimes démocratiques et les économies de marché ne se font pas la guerre », écrivait-elle alors. « Washington doit prendre les commandes d’une dynamique internationale pour promouvoir toute une série d’objectifs : l’autodétermination, les droits de l’Homme, l’état de droit, la libertés des échanges, l’aide au développement économique, l’isolement et l’élimination des dictatures et des arsenaux d’armes de destruction de masse. Dans cet effort la diplomatie, l’aide internationale, le commerce, et la diffusion des valeurs américaines ont un rôle aussi important que la puissance militaire ».
Un classement basé sur trois critères :
- les forces en présence (soldats, technologies, force de frappe, armes nucléaires, etc. )
- la capacité d'intervention extérieure ... nous sommes dans un monde globalisé, y compris pour l'action militaire et diplomatique (réseau diplomatique, 'prés carrés', interventions armées ces vingt dernières années, poids dans l'ONU - notamment au sein du Conseil de sécurité, place dan le 'concert des Nations', ...)
- les ambitions territoriales (le monde, un continent, un ancien empire colonial, une région du monde, ou moins encore).
Attention, ce classement est à relativiser dans la mesure où les critères retenus peuvent être subjectifs ou incomplets : budgets alloués à la défense et la capacité de projection, ambitions diplomatiques, etc. .
On peut en tirer le classement suivant que l'on retrouve sur la carte : La puissance des Etats dans le monde
1- Une hyperpuissance : les Etats-Unis (expression d'Hubert Védrine pour qualifier les EU après l'implosion de l'URSS)(voir : la carte de Philippe RECKACEWITZ sur "l'empire américain" link).
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1.5 millions de soldats, une puissance nucléaire (plus de 3 000 têtes officiellement), plus de 6000 avions de chasse, ...
; des bases militaires des États-Unis dans le monde (une capacité d'intervention mondiale)
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50 % des dépenses militaires dans le monde, soit 580 milliards de $ en 2009 (selon le CIPRI)
- une avancée technologique incomparable (drones, satellites, communications, renseignement, avions "furtifs" ... ) : Lucent et Motorola, les deux premiers équipementiers, sont américains. De même que cinq des dix premières entreprises de télécommunication (AT&T, Verizon...), sept des dix premiers constructeurs informatiques (IBM, HP, Dell...), huit des dix premiers éditeurs de logiciels (Microsoft, Oracle...) et neuf des dix premières sociétés de services (Ingram Micro, PwC, Accenture...).
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une industrie militaire performante (Boeing, Lockheed Martin, Northtrop Grumman, maisil ne faut pas oublier les secteurs de l'informatique, des
télécommunications, de l'électronique, les armes conventionnelles, ... ).
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un coeur diplomatique mondial : siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, au coeur des décisions sur le Proche Orient, la Méditerranée,
l'Afrique noire, ... une diplomatie qui sert les intére^ts economiques : champs pétroliers, routes du pétrole, routes maritimes ; mais aussi les intérêts des entreprises agroalimentaires, des
mines, etc.
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un rôle culturel mondial (langue, modèle, mode de vie, idéaux politiques, libéralisme économique, avec des lieux symboliques du soft power : Hollywood,
New York, Las Vegas, la Sillicon Valley, ...),
- Une puissance économique (première économie du monde avec 1/4 du PIB mondial, premier foyer de consommation mondial).
- Une zone d'influence directe très vaste : l'Amérique (un reste de la doctrine Monroe malgré le Vénézula, Cuba, la Bolivie, le Brésil, ... ), l'Océanie, l'Europe (en particulier le Royaume Uni, l'Allemagne, la Pologne).
2- Des puissances secondaires qui tentent de garder un rang mondial ou régional : la France, le Royaume Uni, la Russie :
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Elles disposent d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU,
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Trois puissances nucléaires, des armées modernes et puissantes (aviation, marine, ...) même si elles sont plus faibles que celles des États-Unis (en
nombre de soldats mais aussi en moyens techniques et technologiques)
- Des capacités d'interventions assez importantes mais bien moindre que celle des États-Unis, en temps, en nombre et en distances : la Russie avec des interventions dans l'"étranger proche" (Géorgie 2008) ; Le Royaume Uni 9 500 personnes en Afghanistan et il y a eu jusqu'à 7 100 soldats en Irak avant le retrait de 2010 ; la France, 6 000 soldats dans le monde, surtout en Afrique et au Liban et Afghanistan (link
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Un réseau diplomatique toujours dense, mais en déclin (Russie) ou adossé à celui d'autres pays (France et RU : l'Union
Européenne)
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Une influence culturelle liée à un héritage historique colonial : pour la France et le Royaume Uni, l'Afrique principalement ; pour la Russie, la
CEI.
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Des économies toujours performantes, quoique concurrencées par des puissances émergentes
3- Des puissances secondaires qui émergent : la Chine, l'Inde et le Brésil :
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Un poids militaire en progression, pas forcément en nombre de soldats, mais en technologie (aviation, marine, missiles, aérospatiale, ... ) => le
livre blanc de la défense sur l'armée populaire chinoise de 2011 souligne bien cette évolution pour la Chine : moins de soldats et plus de technologies ainis que des capacités d'intervention
internationales accrues pourun budget officiellement équivalent à celui de la France (soit 1/10 des Etats-Unis).
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Une volonté de développer une puissance alternative basée sur une diplomatie 'sud-sud', des aides économiques ; un poids diplomatique inégal : la Chine
a plus de poids grâce à sa diaspora, son siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU ou à ses investissements que l'Inde (diaspora aussi en Afrique) ou que le
Brésil.
- Des capacités d'interventions extérieures encore faibles mais en devenir soit à travers l'ONU (Brésil : 1 200 militaire en Haïti), soit dans une logique nationaliste locale Inde et Chine : voir pour l'Inde : link et pour la Chine : link
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Des aspirations plutôt régionales dans un cadre local attentiste (en Amérique latine ou en Asie, ces trois États font peur par leur poids
démographique, économique ou militaire).
- Une influence culturelle plutôt réduite : trois (ou plus) langues nationales ou peu internationales.
4- Des puissances secondaires de rang régional : Au Proche Orient : Israël- Iran- Turquie - Arabie Saoudite ; en Afrique : Egypte - Algérie - Côte d'Ivoire Nigéria - Sénégal - Afrique du Sud ; en Amérique latine : Argentine - Vénézuela
ailleurs : Australie - Japon - Allemagne - Italie - Espagne - Pologne. Une grande disparité dans ce groupe car :
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Un poids militaire plutôt réduit, mais avec des dépenses par habitant parfois très fortes (pays pétroliers, pays qui basent leur identité sur la
défense comme Israël).
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Des capacités militaires inégales, plus ou moins avancées technologiquement. Certains de ces pays ont des industries militaires exportatrices, comme
l'Espagne ou l'Italie et l'Allemagne.
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Des diplomaties parfois complexes (Israël, Iran, Vénézuela), parfois sous domination des Etats-Unis (Egypte, Arabie, Japon,
...)
- Des économies émergentes ou plus établies.
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Des champs d'interventions globalement limités (exception du Vénézuela qui va où il peut embêter les États-Unis.
Et pour la carte :
5- Des territoires à partager ou à contrôler :
- Les Etats et territoires d'intervention ou dominés par d'autres puissances que les Etats-Unis : ce sont des territoires sous contrôle d'une puissance régionale ou mondiale, mais où peuvent se jouer des rivalités (comme en Afrique de l'Est entre Chine, Inde, Royaume Uni - en Afrique de l'Ouest entre France et Chine ou Etats-Unis) ;
- Des zones sous tensions où les puissances régionales ou mondiales s'affrontent (Mer de Chine, Syrie et Proche Orient, Asie du Sud, Sahara). Ce osnt le principaux lieux des conflits dans le monde.
- Des détroits et routes commerciales maritimes à contrôler.