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Geobunnik

Le blog d'un enseignant qui prépare au CAPES et au CRPE en géographie à l'ESPE de Corse à Ajaccio et Corte.

Au soleil, Naissance de la Méditerranée estivale

Publié le 18 Août 2014 par geobunnik in La Méditerranée

Jean-Didier URBAIN, Payot, 2014

 

Voila un livre qui nous raconte comment en un siècle (de 1868 – année de l'invention du terme de Cote d'Azur par Stephen LIEGEARD – à 1968 – année où les étudiants cherchent désespérément la plage sous les pavés parisiens), le regard de notre société sur la Méditerranée s'est inversé. En effet, dans une logique qu'Edward SAID n'aurait pas renié, Jean Didier URBAIN nous explique comment les français ont changé leur regard sur cette mer si proche. Il parle d'une « grande inversion » (titre du chapitre 4) sur ce territoire tout en essayant de faire une « biographie » (c'est son expression) de la mer Méditerranée.

 

Un livre alerte, poétique, riche en sources diverses qui ravissent les géographes dans la lignée d'Armand FREMONT : affiches publicitaires, littérature française, chansons, etc. On y trouve une réflexion sur la création d'un territoire à travers ses représentations. On y lit comment la mer est passée d'un espace considéré comme l'opposé de l'océan, un « autre océan », voire un anti-océan à un espace propre (puis à un espace que l'on regarde aujourd'hui comme un sous-Pacifique.

 

Un prologue nous présente la Méditerranée de ce livre : une mer riche en clichés, en histoire(s), en mythes, en rêves, bien que pauvre en poissons. Une mer usée par les humains (on peut relire Fernand BRAUDEL), traversée, envahie, « violée, pillée, … polluée, souillée » (pages 18-19). L'auteur insiste, avec raison, sur les représentations que l'on a eu et que l'on a de cette mer, la comparant à une femme et aux trois âges de celle-ci :

  • la mer des fantasmes (la Méditerranée des odalisques, des l'orient, des origines, de l'exotisme ),

  • la mer maternelle, soignante, infirmière (qui soigne les maladies de peau, idée qui s'impose dans les mœurs au milieu du XIX° siècle, avec un tourisme hivernal),

  • la mer éternelle ou plutôt sans âge, vieille, celle du passé, de la culture antique, la mer des origines (on peut relire la Genèse).

Ce prologue se termine par une reprise pertinente des travaux de Michel PASTOUREAU sur l'histoire des couleurs … et donc du bleu devenu « couleur chaude » durant la période étudiée.

 

Le plan du livre est assez classique, chronologique :

  • Le premier chapitre nous présente la Méditerranée avant 1868 ;

  • Le deuxième chapitre nous montre comment cette mer (et ses représentations) s'est construite face à l'océan (opposition de couleurs, de taille, d'usages, d'images), la Méditerranée étant un espace de mobilités, connu, à conquérir (le XIX° siècle est celui de la colonisation du monde par les Européens).

  • Le troisième chapitre rappelle comment à partir du troisième tiers du XIX° siècle la Méditerranée devient un espace de loisirs, mais des loisirs différents des nôtres : on recherche l'ombre (par peur du soleil), on rejette les flots (on se baigne dans l'eau douce). C'est à la fin de cette période que la Méditerranée se construit autour des quatre cercles qui font la Méditerranée actuelle : un premier cercle naturaliste et ethnographique ; un deuxième sanitaire et mondain (ces deux cercles étant présent dès l'invention du tourisme au début du XIX° siècle), un troisième cercle, celui des loisirs et un quatrième cercle lié aux sports nautiques.

  • Le quatrième chapitre explique cette « grande inversion » du regard sur la Méditerranée à partir des années 1920-1930. Jean-Didier URBAIN reprend cette biographie de cette mer et de ces trois âges, il montre comment cet espace autrefois vu comme un autre océan s'est forgé une identité propre puis comment il est devenu un univers singulier. S'appuyant sur des sources riches (affiches publicitaires, littérature, chansons, …), l'auteur axe sa démonstration sur le passage du tourisme d'hiver à celui d'été (changement de culture, notamment de celle des élites, changement de monde politique et social, concurrence de la montagne en hiver), sur le nouveau culte du corps, sa libération, lié à la mode, aux premiers voyages de noces, à une modernité méditerranéenne face à un ancien monde atlantique, sur la découverte de la nage et des bains de mer et surtout sur la mode du bronzage (c'est en 1935 qu'est créée la fameuse ambre solaire). Ce chapitre se termine sur ce qui fera la Méditerranée après 1945 : une Polynésie proche (à travers les clubs de vacances notamment).

 

 

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