La production de soja en Amérique latine pose de nombreuses questions en géographie. Cette culture d'exportation est utilisée pour mettre en valeur des territoires très vastes : plus de 36 millions d'hectares au Brésil, plus de 20 millions d'hectares en Argentine. Loin de ne concerner que ces deux pays, trois autres pays produisent massivement du soja dans la région : le Paraguay (2.6 M d'ha), la Bolivie (1.2 M d'ha) et l'Uruguay (0.9 M d'ha).
Le choix de développer cette culture est assez récente, elle date des années 1970 au Brésil, impulsé par l’État et vise à exploiter des grandes superficies pour exporter une production dont la demande est en hausse. en effet, l’industrialisation de la filière bovine en Europe de l'Ouest ou aux États-Unis nécessite plus d'intrants, plus de nourriture. le soja, sous la forme de tourteaux, apparaît comme une solution bon marché et pratique pour alimenter du bétail en batterie.
Très vite cette production s'intègre dans une logique agro-industrielle dans laquelle s'associent la puissance publique et les entrepreneurs privés. Ainsi, l’État brésilien pousse la recherche agronomique à améliorer les semences, les rendements et la résistance des plantes (soutien à la recherche publique à travers l'EMBRAPA). Très vite le Brésil s'appuie sur des avantages compétitifs certains : les coûts de production sont faibles à la sortie de la ferme, les coûts de transport sont eux aussi bas (par route et/ou voie ferrée ou fluviale) et les coûts portuaires maîtrisés. L'Argentine suit le même chemin, l’État appuyant la recherche et aidant à l'exportation. La superficie de culture du soja double tous les dix ans dans ce pays. Dans les années 1990, ces pays décident d'accepter de cultiver des sojas transgéniques (OGM) afin d'améliorer les rendements. En Argentine aujourd'hui, 99 % du soja produit est génétiquement modifié.
Ce sont des entrepreneurs brésiliens ou argentins qui vont développer la culture de cet oléagineux dans les pays voisins comme le Paraguay, la Bolivie et l'Uruguay.
Même si les États-Unis restent le premier producteur mondial de soja, ces pays font partie des dix premiers producteurs mondiaux et surtout des premiers exportateurs : environ 90 % des volumes exportés proviennent du Brésil, des États-Unis, de l’Argentine et du Paraguay en 2020 (sources MAPA, 2020 ; Département de l’agriculture des États-Unis, USDA, 2020). Cette culture rapporte ainsi 9 milliards de dollars de taxes à l'exportation à l’État argentin, le soja sous toutes ses formes (tourteau, faine, huile) représentant 30 % des exportations du pays, très loin devant la maïs (11%), les viandes (3.8 %) ou le blé (3.7%) (source : Banque mondiale, 2020)
L'impact de ces cultures est multiple :
- il est d'abord paysager : la mise en culture de ces millions d'hectares impacte les paysages de ces pays. C'est souvent une monoculture, sur des champs vastes (pour mémoire 1 ha = 100 m x 100 m, soit 10 000 m² ... et un million d'ha = 10 000 km² ... ou encore 60 M ha = 600 000 km², soit plus que la superficie de la France qui est de 551 000 km² ou 55 M d'ha). Ainsi, en 2019 la culture du soja représente 49 % des terres cultivées et 41 % des revenus agricoles du Brésil.
- il est ensuite environnemental puisque le soja est une culture qui est accusée d'accentuer ou de créer une pollution des sols et des eaux, mais aussi de changer les climats localement, notamment par la déforestation. Cette monoculture réduit logiquement fortement la biodiversité sur ces territoires. Le Brésil a l'un des niveaux de pulvérisation de pesticides sont parmi les plus élevés au monde (6 litres par hectare contre 2 litres par hectare en Europe, arrivant à 19 litres par hectare pour le soja en Amazonie). Selon la FAO, il est depuis 2008 parmi les trois premiers consommateurs de pesticides au monde avec les États-Unis et la Chine. [Le projet scientifique Odyssea a été lancé en 201 6dans la région de Santarem au Brésil pour construire un observatoire socio-environnemental (hydrologie, écologie, géographie, climatologie, agronomie, économie, sociologie et anthropologie; ...). Il vise à comprendre les grands changements qui affectent les populations rurales des territoires de monoculture et la manière dont elles s’y adaptent : voir Rendre visible les impacts des pesticides du soja : contributions et limites d’un observatoire de science citoyenne à Santarém, Amazonie brésilienne]
- il est aussi socio-économique, puisque ces cultures se font selon une logique libérale favorisant des grandes exploitations et les investisseurs extérieurs à la région. en Argentine, on parle du "modelo sojero" pour désigner ce modèle économique basé sur des associations de producteurs, des organisations en réseau qui supplantent les traditionnels propriétaires terriens qui cultivaient leurs propres terres de manière familiale avec ses propres équipements agricoles. Désormais, ces collectifs de production séparent le lien entre propriété foncière, famille et production. On passe d'un mode de production basé sur un agriculteur par celle d’un entrepreneur qui gère des surfaces de plus en plus grandes, parfois distribuées géographiquement dans des provinces/pays différents, et dont le rapport à la ressource foncière devient instrumental : les entrepreneurs ne sont pas toujours propriétaires des terres cultivées, n'étant souvent que locataires, de plus en plus avec des contrats courts, déliant le rapport au sol. Enfin, cela entraîne de fait une éviction de nombreuses familles de l’activité agricole, la concentration de la production entre les mains d’un nombre restreint de producteurs, la perte considérable d’emplois d’ouvriers agricoles au profit de techniciens de la production et l’aggravation des inégalités de revenus. [voir : Hernandez, Valéria, et Pascale Phélinas. « L’impact économique et social de la production de soja transgénique en Argentine », Revue Française de Socio-Économie, vol. 18, no. 1, 2017, pp. 31-51.]
- il est aussi politique puisque ces productions et producteurs jouent un rôle majeur dans les choix politiques de ces pays, notamment au Brésil (autour des enjeux de la déforestation lors de la campagne présidentielle de 2022) et en Argentine (débat autour des taxes en 2020: l'Argentine a décidé d'augmenter les taxes à l'exportation sur le soja, celles-ci passant de 24.7 % (2019) à 33 % (mi 2020) malgré des grèves menées par les producteurs [voir : En Argentine, l’ire des grands producteurs de soja]
Toutes ces informations peuvent se cartographier. Cependant, pour plus de clarté, je me suis contenté de limiter mon croquis à l'évolution des surfaces cultivées et à l'intégration dans les marché mondiaux. Ma base de croquis est issue d'un article de Martine Guibert [Martine Guibert, Le pôle sojicole sud-américain, OCL, Volume 25, Nunméro 1, Janvier-Février 2018.]. J'ai cherché à rendre plus simple encore sa carte, déjà très accessible, pour le transformer en éventuel croquis intermédiaire dans une copie.
Premier temps, une simplification des traits et des informations.
Puis une deuxième temps, de plus grande simplification associé à l'apport d'autres informations, notamment sur l'exportation du soja ou les chiffres de la production.