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Geobunnik

Le blog d'un enseignant qui prépare au CAPES et au CRPE en géographie à l'ESPE de Corse à Ajaccio et Corte.

Les conflits en Afrique

Publié le 20 Décembre 2012 par geobunnik in Une géographie des conflits

Ici, les conflits sont à prendre au sens le plus large, avec des conflits sociaux qui sont devenus médiatiques en Afrique du sud au début des années 2010 (mine de Marikana). Mais la plupart des conflits sont des conflits violents, armés qui opposent des groupes militaires formés à des groupes non officiels (guérillas, opposants, …) menant souvent à des guerres civiles dont le but principal est de prendre le pouvoir du pays pour mieux en contrôler les revenus. Il s'agit souvent de conflits asymétriques.

Ces conflits, au delà de l'image trop simpliste d'un continent en guerre et en crise permanente (une image accolée à l'Asie dans les années 1950 et à l'Amérique latine dans les années 1970), se déroulent sur un continent aux limites assez nettes. Cependant, on ne peut pas comprendre les conflits dans cette région du monde sans poser un postulat évident : l'Afrique n'est pas uniforme, unie. On peut distinguer différentes zones ou régions qui connaissent des conflictualités différentes, parce que leur histoire, leur géographies, leurs cultures différent : une Afrique du nord (Maghreb et Machrek, que l'on peut prolonger jusqu'au Sahel, marquée par l'Islam et la proximité de la Méditerranée) ; une Afrique de l'ouest (entre Sahel et Océan, marquée par des conflits récents autour du contrôle des richesses du sol ou du sous-sol) ; une Afrique centrale, équatoriale (la RDC et ses voisins, en conflit plus ou moins ouvert depuis 50 ans) ; une Afrique orientale (le long des côtes de l'Océan Indien, marquée par des conflits peu nombreux) et une Afrique australe (qui s'est sortie des conflits violents qui ont marqué la période de l'Apartheid).

Quelles problématiques possibles ?

La faiblesse des appareils étatiques favorise-t-elle les conflits ?

L'Afrique peut-elle gérer seule ses conflits ?

La pauvreté est-elle un facteur de conflictualité ?

Le nombre de conflits en Afrique est-il révélateur des maux des sociétés africaines ?

Un territoire considéré comme marginal au point de vue économique ou géopolitique peut-il être au cœur des enjeux internationaux ? 

 

L’État, sa faiblesse, son pouvoir, ses richesses est-il la cause des conflits en Afrique ?

Plan :

1- Un continent marginal, pauvre mais convoité

2- Des conflits liés au carences de l’État

3- Des conflits surtout internes qui cherchent surtout à contrôler l’État

 

Qui peut-on citer dans l'introduction pour montrer que l'on connaît le sujet des conflits ?

Béatrice GIBLIN (Hérodote)

Yves LACOSTE (Géopolitique, Herodote)

Joseph NYE (soft power)

Stéphane ROSIERE

Raymond ARON (conflit autour de l'espace comme enjeu, théâtre ou milieu)

 

Qui peut-on citer dans l'introduction pour montrer que l'on connaît l'Afrique ?

Marc LAVERGNE (Afrique du Nord, notamment Machrek et Corne de l'Afrique ou Soudan)

Roland POURTIER, Afriques Noires, 2001

Stephen SMITH, Atlas de l'Afrique, Un contient jeune, révolté, marginalisé, Autrement, 2005.

Ahmadou KOUROUMA, Ivoirien : En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) ; Allah n'est pas obligé (2000)

Colette BRAECKMAN, Rwanda, histoire d'un Génocide

un éditeur spécialisé sur l'Afrique : Karthala

un journal ou une revue : Jeune Afrique

Le site géoconfluences (link)

Un article de Bernard CALAS (dans les Cahiers d'Outre-Mer) qui contient une carte intéressante esquissant une typologie des conflits en Afrique autour des richesses (naturelles) et des privations (économiques et démocratiques) menant à des conflits : www.cairn.info/revue-les-cahiers-d-outre-mer-2011-3-page-295.htm.

 

1- Un continent marginal et pauvre mais convoité pour ses richesses.

1.1. Des richesses naturelles au cœur de conflits. 

a- Des conflits autour des hydrocarbures

 

L'Afrique produit 12-13 % du pétrole mondial, principalement dans le Golfe de Guinée, en Angola et en Afrique du Nord (Algérie, Libye, Égypte), mais aussi au Soudan, au Tchad, en RDC et en Mauritanie.

Les principaux pays producteurs ont tous connu des trouble , des émeutes ou des conflits au cours des dernières années :

  • le Nigeria (+ 2 millions de barils par jour, 27 % de l'Afrique), memebre de l'OPEP 
  • l’Algérie (2 M/jour, 25 %), OPEP 
  • l'Angola (1,8 M, 23 %), OPEP 
  • la Libye (1,8 M avant 2011, trou en 2011, 23%), OPEP 
  • l’Égypte (0,7 M, 8%), sur terre et en mer 
  • le Soudan (0,5 M, 6%) 
  • la Guinée Équatoriale (0,36 M, 4%)

Une production qui se fait par des compagnies étrangères : rude compétition entre Européens, Américains et Chinois.

 

Des conflits pour le partage de la ressource au niveau national : Nigeria, rôle du MEND (Mouvement pour l’Émancipation du Delta du Niger),

 

Des conflit dans des pays producteurs :

  • Soudan (Darfour + sécession du Sud Soudan qui ravive des tensions, jusqu'à présent sans conflit armé),  
  • Algérie et Libye (guerres civiles respectivement dans les années 1990 et 2011 mais où le pétrole n'a pas servi de cible, seulement une source de financement pour l’État - Algérie- ou pour la rébellion -Libye),
  • Angola (où le pétrole a servi pour alimenter les guérillas et armées en guerre durant la guerre civile).

Risque de conflit entre Soudan et Soudan du Sud pour le partage de la richesse et pour l'acheminement vers les ports de l'Océan Indien (port Soudan ou Mombasa).

 

b- Des conflits pour contrôler des minerais et des pierres précieuses

 

Principalement en Afrique centrale, et en RDC mais aussi en Afrique de l'ouest (Libéria, Sierra Léone)

Des ressources qui ont été au cœur des conflits, pour les financer, ("blood diamonds")

Le processus de Kimberley a permis de moraliser et de réduire les trafics.

Des États en paix maintenant, sauf RDC.

 

En RDC, trafics multiples : nourriture (thé, poissons, riz, ..), produits pharmaceutiques, véhicules, carburant, gibier, bois tropicaux, etc. Des trafics favorisés et entretenus par les conflits locaux, notamment avec la LRA ; En RDC, trafics et conflits autour des diamants, cuivre, et autres richesses minérales dans le Kivu et le Katanga, dans les années 1970 et 1990.

 

Autour de l'uranium : prise d’otages et pression sur les mines au Niger (7 salariés d'Areva enlevés en septembre 2010, dont 3 relâchés en avril 2011 ; deux otages tués en janvier 2001). 

 

c- Des conflits autour de terres agricoles

 

En fait, pas de conflit armé, mais des tensions fortes entre puissances ou entreprises étrangères (Chine en RDC et Zambie, Égypte au Malawi, Arabie Saoudite en Tanzanie et Soudan, Corée du sud au Soudan, Inde en Éthiopie). Exemple, le refus de la part des agriculteurs malgaches pour l'acquisition de 1,3 M d'ha par Daewoo Logistic en 2008 (soit 1/2 des terres cultivées de Madagascar).

Les principaux investisseurs sont l'Inde en Éthiopie, la compagnie chinoise ZIE International en République démocratique du Congo et le coréen Daewoo à Madagascar. Les pays les plus courtisés sont la RDC (2e au niveau mondial, avec 8 millions d'hectares), l’Éthiopie (3e avec 5,3 millions d'hectares), le Soudan (7e) et Madagascar (9e).  

 

1.2. Des populations pauvres soumises à la pression politique  

a- Des populations pauvres   

 

Pauvreté globale :

 

la pauvreté en Afrique 2009 la pauvreté en Afrique 2009

 

Une pauvreté qui a des conséquences sur la production, notamment agricole, par manque de moyen, d’investissement (sauf qq contre exemples, comme la production de fleurs au Kenya pour l'exportation européenne).

Une pauvreté liée aussi aux maladies, Malaria, Sida, etc.

Une pauvreté plus sensible dans les villes et les métropoles où les tensions sont plus fortes.

Une pauvreté qui a pour conséquence des flux de populations.

 

b- Des États aux moyens faibles (dépenses sociales, éducation, ...)

 

Dépenses pour l'éducation qui font que la population reste en grande partie analphabète ;

Mais aussi une population jeune et qui meurt jeune ;

Une région du monde marquée par les maladies de masse : sida, paludisme, etc.

 

c- Une pression politique : 

 

Corruption endémique, considérée comme normale par la population qui doit faire avec : administration, police, armée, gouvernement.

Peu de démocratie, sauf exceptions, même si des progrès en cours : Sénégal, Côte d'Ivoire, Afrique du Sud, Nigeria, ... Les dictateurs durent longtemps (Khadafi 30 ans, Blaise Campaoré au Burkina Faso depuis 1987, ..) et certains voient leur fils leur succéder (népotisme : Kabila, Bongo, ...)

Une instrumentalisation des ethnies ou religions, comme au Nigeria (Noël 2011) ou en Côte d'ivoire (années 1990-2000, jusqu'au conflit de 2011) et Grands Lacs (Hutus et Tutsis, Rwanda et Burundi après 1994) 

 

1.3 Des États sous influence

a- La Françafrique et la présence britannique :

 

Toujours une pression diplomatique et financière de la France ou de la GB sur leurs anciennes colonies. Cela se fait via le Commonwealth et la Francophonie, cela se mesure lors des votes aux Nations Unies (Conseil de Sécurité, élection du Secrétaire général, votes en assemblée générale).

La France possède toujours des bases militaires en Afrique, même si le dispositif s'est allégé depuis les années 1990 (et le discours de La Baule de F. Mitterrand le 20 juin 1990).

De plus, la France n'hésite pas à intervenir depuis les indépendances : Tchad (1978-1985), Rwanda (1990-93 + 1994), Cote d'Ivoire (2002-2011), Libye (2011), Mali (2013), République centrafricaine (2013).

La GB intervient au Sierra Leone dans les années 1993-2000.  

 

b- La "Chinafrique" et "l'Indafrique" (voire même la "chindianafrique")

 

Une pression de plus en plus forte qui passe non pas par le hard power mais par le soft power. Donc des acteurs de conflits indirects et pour l'instant qui n'interviennent pas dans la diplomatie ou dans les conflits armés.

L’Inde est surtout présente sur les côtes de l'Océan Indien où les commerçants indiens sont implantés depuis des siècles, une présence qui a été renforcée lors de la colonisation britannique. Cette présence est aussi culturelle (Bollywood) et physique : des Indiens sont présents en Tanzanie, Ouganda, Kenya, Afrique du Sud, . Une présence qui a pu être source de tensions ou de conflits : Tanzanie, Kenya, Ouganda dans les années 1980.

La Chine a une présence plus récente, associée à un discours de coopération sud-sud, à travers des infrastructures (stades, hôpitaux, routes) ou à travers des investissements massifs dans les hydrocarbures ou les terres agricoles (le 19 juillet 2012, 5° conférence sino-africaine à Pékin). On note parfois des rejets ponctuels des Chinois.

 

c- La présence des États-Unis

 

Un acteur présent mais pas toujours actif, il préfère parfois laisser les autres agir à sa place (Mali 2012).

Autour de ses intérêts géostratégiques (Égypte), des hydrocarbures (Nigeria, Algérie, Libye : 18 % du pétrole importé des EU vient d'Afrique). Pendant la guerre froide, volonté de ne pas laisser le continent sous la domination de l'URSS, mais depuis, un engagement toujours limité.

Un engagement plus net depuis le 11/09/2001 autour de la lutte contre le terrorisme, notamment dans le Sahara (Aqmi). Une présence à travers des bases militaires (Djibouti)

Une présence ratée en Somalie dans les années 1990 (« restore hope ») 1992-93.

 

Quatre zones regardées de près par les EU : la Corne de l'Afrique, le Golfe de Guinée, le Sahara-Sahel et l'Afrique australe (minerais)

 

2- Des conflits surtout liés aux carences des États. 

2.1. Un modèle d’État-nation non abouti  

a- Des États jeunes qui ont essayé de fonder des nations

=> une faiblesse démocratique.

Avant la vague d’indépendance des années 1956-1962, seuls cinq pays sont indépendants en Afrique : l’Éthiopie, le Liberia (fondé en 1847), la Libye (1951), l’Égypte (1922) et l'Afrique du Sud (1910, dominion).

 

Deux temps d'indépendances : 1956-1962 (colonies française + britanniques) / 1975-90 (Zimbabwe, Mozambique, Angola, Namibie). Peu de violences au moment de l'indépendance (Algérie 1954-62, Madagascar 1947, colonies portugaises, Congo Belge juste après) ... on peut toujours se fouetter, mais les Européens ne sont pas forcément à l'origine des violences politiques liées aux indépendances (... on oeut en chercher les causes plus dans notre gestion des pays après et dans notre legs de sociétés peu organisées et très dépendantes de nos administrations).

 

b- Des frontières héritées qu'il a fallu accepter 

=> une faiblesse démocratique héritée.

Les frontières sont nées de la colonisation, ainsi que la notion d’État. Une grande partie d'entre elles sont dessinées à la fin du XIX° siècle par les puissances coloniales, à la suite du congrès de Berlin de 1885.

A la suite des indépendances, certains États demandent un nouveau traçage des frontières (groupe de Casablanca), alors qu'un autre demande l'intangibilité de celles-ci (groupe de Monrovia). C'est ce groupe qui l'emporte en 1964 lors d'un sommet de l'OUA.

 

Pourtant, le sujet est resté sensible, en témoignent les guerres d'indépendance très longues menées par l’Érythrée et le Soudan du sud, mais aussi le cas particulier du Somaliland, non reconnu ou encore du nord Mali.

 

Certaines frontières ont été dessinées conjointement ou par voie légale récemment (péninsule de Bakassi entre Cameroun et Nigeria ; en cours pour l'île de Mbanié entre Gabon et Guinée Équatoriale).

 

c- Des États faillis 

=> une faiblesse démocratique interne.

Ce qu'on peut remarquer c'est que la plupart des États africains, sauf exceptions (Afrique du sud ? Égypte ? … ) ne contrôlent pas leur territoire. Des « espaces interstitiels » se sont développés ans les territoires éloignés, qu'ils soient frontaliers, forestiers, montagnards ou dans les bidonvilles. L’État n'a pas les moyens d'agir, une situation renforcée par le désengagement de l’État dans les années 1990 sous la pression du FMI et de la Banque mondiale (politiques d'ajustement structurel) qui ont demandé aux États africains de libéraliser leur économie et une réduction des emplois publics (fonctionnaires).

 

Dans la majorité des pays, l’État n'a pas les moyens de sa politique : manque d’instituteurs et de professeurs, manque e médecins, corruption des fonctionnaires à tous les niveaux, etc. Certains États sont dans une situation plus complexe encore, avec une quasi absence de celui-ci pour des raisons diverses : ingérence extérieure, guerre civile. Cet état de fait renforce bien sur les conflits, tout en étant sa cause.

 

C'est la cas en Somalie, divisé entre factions et groupes : le nord, autrefois colonisé par l'Italie est devenu de fait indépendant sous le nom de Somaliland (mais non reconnu par la communauté internationale) et le sud, autrefois Somalie britannique connaît une guerre civile depuis 1991 dans laquelle les clans se disputent le pouvoir, parfois sous la pression des États voisins (Éthiopie en 2006, Kenya en 2011, Union Africaine depuis 2011) parfois sous la pression de groupes islamistes (les « Shebab », en recul depuis 1 an). La capitale Mogadiscio est devenue un immense camp de déplacés survivant grâce à l'aide internationale et plus de 5 millions de somaliens se sont réfugiés dans les pays voisins, exportant ainsi la conflit. Une situation qui a favorisé le développement de la piraterie maritime. 

 

Le Mali depuis mars 2012 apparaît aussi comme un État failli : un État pauvre qui manque de moyens pour contrôler ses frontières sahariennes mais aussi les 2/3 de son territoire. Un État carrefour mais un carrefour enclavé, sans richesse ni moyen pour agir face aux revendications des populations minoritaires (touaregs) ou face à des interventions extérieures (islamistes d'Aqmi ou du groupe Ansar Eddine). 

 

Idem depuis quelques années en Centrafrique où l'Etat est incapable de fournir une protection minimale à sa population.

 

Selon le magazine Foreign Policy, en 2010, 8 États sont menacés ou dans une situation critique en Afrique : la Somalie, le Zimbabwe, le Soudan, le Tchad, la RDC, la République centrafricaine, la Cote d'Ivoire, le Kenya.

 

2.2. L’État facteur de conflits 

a- Une faiblesse structurelle.  

=> une faiblesse démocratique.

  • Des États nés de la colonisation qui ont du se construire récemment, dans la période de la guerre froide et toujours sous la pression des États colonisateurs (France, GB, Portugal).
  • Des États fragilisés par la politique d'ajustement structurel des années 1990, initiée par le FMI pour réduire le poids de l'administration dans les États, réduire leur endettement public et les ouvrir au commerce mondial. Une politique aux effets secondaires prévisibles : hausse du chômage, de la précarité dans des pays pauvres, mais aussi désengagement de l’État dans ses fonctions régaliennes (police, justice, contrôle du territoire, aménagement du territoire, …). 
  • Une forte corruption dans tout le continent, à tous les niveaux de l'administration : du pouvoir central aux fonctionnaires locaux, chacun réclame une part des investissements ou fait payer des services publics. Cela a conduit certains à dénoncer les « biens mal acquis » des présidents, dictateurs ou de leur famille en Europe, notamment en France.

 

b- Une « ethnicisation » des conflits pas les gouvernants.

=> L'Etat vu comme un objectif à atteindre, un gateau à se partager ... ce qui conduit à une prédation d'un groupe sur des bases ethniques sur cet Etat.

Le cas le plus récent est celui de la Côte d'Ivoire, mais il n'est pas isolé.

La politique menée par les démocraties comme par les dictatures a été d’ethniciser le jeu politique par des choix clientélistes. L’État n'est pas apparu comme unificateur mais comme un gâteau à partager entre groupes, le groupe proche du pouvoir étant le mieux servi. Il faut bien sûr relativiser la partie ethnique des conflits. Celle-ci ne sert souvent qu'à dynamiser le conflits qui naît sur un brasier complexe fait de pauvreté, de corruption, de népotisme, de faiblesse de l’État, etc.

 

Cela a pu mener à des conflits par fois violents : 

  • Côte d'Ivoire (entre Ivoiriens du sud et du nord entre 2002 et 2011). En 1995 le président BÉDIÉ introduit le concept d'Ivoirité pour éliminer un candidat à l'élection présidentielle : Alassane OUATTARA. En 2002, Laurent GBAGBO remporte les élections présidentielles, reprenant à son compte le concept pourtant développé par ses adversaires, toujours pour empêcher OUATTARA de se présenter. Le conflits se mue progressivement en guerre civile jusqu'à la mort de GBAGBO et la victoire militaire (soutenue par la France) de OUATTARA en avril 2011.
  • Nigeria, entre Ibos au sud et Haoussas du nord, dès les années 1970, notamment lié au partage des richesses du pétrole. C'est un État fédéral, mais les richesses sont au sud. Depuis les années 1990, on assiste à une ethnicisation du conflit entre peuples du sud, chrétiens, et peuples du nord, musulmans. Le tout se faisant dans un climat de pauvreté, de corruption. (+ de 50 meurtres à noël 2011 par la secte islamiste BOKO HARAM). +de 13 500 morts dans la décennie 2000-2010 selon HRW.
  • Soudan, entre les soudanais du nord et ceux du sud, entre musulmans et chrétiens, qui a conduit à la guerre civile entre 1983 et 2005 et à la partition du pays. Depuis, d'autres conflits, notamment dans le Darfour depuis 2003 (entre 10 000 et 300 000 morts selon les sources).  
  • Éthiopie entre les Érythréens et l’Éthiopie, qui a conduit à la division du pays après des décennies de guerre (1961-1993 ; 70 000 à 100 000 morts).  
  • Rwanda ; entre Hutus (84% de la population du pays) et Tutsis (15 %) depuis l'indépendance en 1960, ces derniers ayant profité de la colonisation pour prendre les rênes du pouvoir. Entre avril et juillet 1994, le génocide préparé depuis des mois et mené par les extrémistes Hutus proches du pouvoir, 800 000 morts, + 1 million de réfugiés pour 6 millions d'habitants.  
  • Burundi : idem à une autre échelle (pas de génocide)  
  • RDC (à l'Est ; dans le Kivu, atour de Goma) ; une conséquence des guerres civiles du Rwanda et du Burundi, une exportation du conflit qui pousse hutus et tutsis rwandais, burundais et congolais à se battre entre eux. La cause du conflit est d'ordre politique : le gouvernement de la RDC ayant décidé d'assimiler tous les hutus et les tutsi à des réfugiés rwandais ou tutsis. 
  • Au Kenya, entre les membres de différentes ethnies : Kikuyus notamment pour le partage du pouvoir présidentiel.
  • En Centrafrique, l'ethnicisation des dernières années s'est transformée en opposition religieuse entre musulmans et chrétiens au cours de l'année 2013.

 

c- Un continent marqué par de nombreux coups d’États

=> une faiblesse démocratique structurelle.

Plus de 80 coups d’États perpétrés depuis 60 ans :

  • 8 au Nigeria entre 1966 et 1993 ;
  • 5 aux Comores, Ghana, Burundi ;

 

Des coups d’États dont le nombre et la fréquence se réduisent : 26 dans les années 1970, 19 dans les années 1980, 14 dans les années 1990, 9 dans les années 2000. Il existe donc une culture de la violence politique sur le continent, avec une place importance pour l'armée qui apparaît comme le seul corps constitué pouvant servir de recours. De plus, on peut aussi lire l'usage d'un coup d’État comme la volonté d'un petit groupe de dominer le gâteau, de se tailler la part le plus grosse, une manière de changer d'ère, d'élites. L’État, par ses acteurs politiques devient à la fois enjeu et acteur des conflits.

 

2.3. Des États impuissants à régler les conflits

a- De nombreux réfugiés et déplacés à gérer

=> des effets directs des conflits + de la faiblesse des Etats.

Les réfugiés selon le HCR : la Somalie, la République démocratique du Congo et le Soudan figurent parmi les dix pays ayant généré le plus grand nombre de réfugiés au début comme à la fin de la décennie 2000-2010.

Ne pas oublier les déplacés, très nomùbreux eux aussi.

 

croquis : déplacés et réfugiés en Afrique 2012 déplacés et réfugiés en Afrique 2012  

 

b- Une aide internationale importante : 

=> un effet de la mondiaisation et surtout des communications actuelles : dramatisation à outrance et sentiment d'impuissance face à des catastrophes politiques qui nous échappent.

Le continent africain apparaît comme le continent le plus aidé par les bailleurs de fonds internationaux. Il faut séparer deux types d'aides ; l'aide d’urgence lors de catastrophes et l'aide au développement. On estime à plus de 1 000 milliards de dollars l'aide que l'Afrique a reçu depuis les indépendances. Cette aide représente environ 5 à 6 % du PIB des pays depuis les années 1990.

 

Ces deux aides sont à la fois conséquence et moteurs de conflits :

Les conséquences :

  • Les aides internationales interviennent à la suite de catastrophes humanitaires souvent liées aux conflits. Les citoyens français de plus de 20 ans ont en mémoire l'opération médiatique d'aide humanitaire en Somalie en 1991, mai son peut aussi rappeler les actions en Éthiopie en 1984, suite à la famine décidée par le pouvoir central.
  • Les acteurs de ces aides sont connus : États, agences de l'ONU (FAO) ou ONG comme La Croix Rouge, le Croissant rouge, enfin, cette aide peut aussi venir des migrants installés dans des pays riches. 

Les moteurs :

  • Une dépendance accrue, déséquilibre des marchés locaux par l'afflux de marchandises agricoles gratuits ou à bas prix sur des marchés fragilisés par le conflit. 
  • Des déséquilibres,
  • Une gestion des aides au profit de quelques groupes, développement de la corruption, confiscation de l'aide par des forces rebelles ou l’État, … 
  • Une dépendance de certains États à cette aide internationale : Somalie par exemple. 

 

c- Une ingérence extérieure forte :

=> des puissances qui servent leurs intérêts propres.

L'ONU

Les anciennes puissances coloniales : France et GB (voir + haut).

Les États-Unis : Somalie, Soudan, etc. 

 

3. Des conflits principalement internes

3.1. Des conflits violents très localisés  

=> Attention, toute l'Afrique n'est pas a feu et à sang ... et même les pays en guerre ne connaissent pas des violences partout sur leur territoire (exemple du Mali).

a- La Corne de l'Afrique

  • Somalie : enjeu, le contrôle du pays depuis 1991. Des régions détruites, comme celle de Mogadiscio. 300 000 morts ?
  • Éthiopie et Érythrée de 1961 à 1993 , 70 000 à 100 000 morts dans une guerre qui a pris la forme de guerre de tranchée. 
  • Soudan (36 millions d'habitants)  : 2 millions de morts dans le conflit avec le Soudan du sud ? 200 000 morts et 3 millions de réfugiés au Darfour ?
  • Le Soudan du Sud qui semble se diriger vers une guerre civile à la fin de l'année 2013.

 

b- Les Grands Lacs

  • Rwanda (6 millions d'habitants) : 800 000 morts et 1,2 M de réfugiés en 1994.
  • Burundi 1994 : plus de 100 000 morts. 
  • RDC (55 millions d'habitants) : entre 4,5 et 6,7 millions de morts dans les conflits de 1996 à nos jours (guerre civile de 1997 à 2002 + Kivu) selon les sources.
  • On peut y associer la République centrafricaine.

 

c- L’Afrique de l'Ouest

  • Cote d'Ivoire (2010-2011 - 3 250 morts) 
  • Nigeria 
  • Sierra Leone (1991-2002) : 50 à 75 000 morts, un demi-million de réfugiés au Liberia et en Guinée et plus de 2 millions de personnes déplacées, soit environ 44 % de la population de la Sierra Leone. Particularité : emploi d'enfants soldats + mines de diamants (Ahmadou KOUROUMA, Allah n'est pas obligé, 2000) 
  • Liberia : guerre civile de 1989 à 2003, avec aussi l'emploi d'enfants soldats ; 150 000 morts, 800 000 réfugiés. Intervention finale de l'ONU. 

 

d- Le Sahara et le Sahel

Mali : en cours depuis mars 2012 : coup d’État, création de l'Azawad, etc.

Tchad : guerre civile pour le pouvoir central de 1978 à 1994, 75 000 morts, intervention de la France, de la Libye.

 

e- L'Afrique du nord 

  • Sahara occidental : 1975-2012, 16 000 morts, construction d'un mur. Un conflit interne ou ouvert selon les acteurs (Maroc, Sahraouis, Algérie). 
  • Algérie, la décennie perdue : guerre civile surnommée « guerre invisible » qui a fait + de 100 000 morts, 200 000 à 300 000 blessés, un million de personnes déplacées dans un double jeu de terrorisme (GIA, Armée Islamiste du Salut, GSPC arès 1998) et de répression (armée nationale issue de l'ALN). 
  • Printemps arabe : voir après.

 

3.2. Des conflits sociaux très forts  

a- Un printemps arabe ... très africain

=> une demande démocratique forte

Évolution générale : Un conflit social qui dégénère en conflit politique contre les dictateurs en place depuis 30 ou 40 ans. Un conflit générationnel aussi : les jeunes diplômés ou non cherchent leur place dans la société (emploi, mariage, mode de vie, etc.) dans trois pays très différents : 

  • Tunisie : décembre 2010 à Sidi Bouzid, immolation d'un jeune homme => mi janvier 2011, fuite de Ben Ali et mise en place d'une démocratie. Un conflit rapide, peu violent.  
  • Libye : 25 à 50 000 morts, intervention internationale (coalition internationale) en mars-septembre 2011. Un conflit long, très violent aux conséquences géopolitiuqes encore imprécises.  
  • Égypte : La révolution commence par des manifestations le 25 janvier 2011 pour dénoncer les abus des forces de police égyptiennes, la corruption ainsi que l'état d'urgence permanent. L'objectif des manifestants est d'obtenir la fin de l'État policier et la démocratie, avec comme condition première le départ du président égyptien Hosni MOUBARAK (au pouvoir depuis le 14 octobre 1981). ERNfin, une autre revendication plus sociale : une répartition plus juste des richesses. Le mouvement aboutit le 11 février 2011 au transfert du pouvoir à l'armée chargée par la suite de préparer des élections législatives. Cependant, sur la place Tahrir, les manifestations continuent, pour contester l'ordre social d'alors : meilleures conditions de travail, salaires, protection sociale. Fin juin et début juillet des nouvelles manifestations provoquent une mise à la retraite anticipée de centaines de gradés de la police et de l'armée. Par la suite, les élections démocratiques portent au pouvoir les frères musulmans, dans l'opposition depuis toujours.  
  • Maroc et Algérie sont moins touchées soit par des réformes politiques après manifestations et attentats (Marrakech printemps 2011) soit par aides publiques issues de l'argent du pétrole (Algérie). 

 

b- Les émeutes de la faim, ou les émeutes contre la vie chère

=> une demande économique forte : faire face au manque (à la privation)

Les causes : les prix des matières premières agricoles sont fixées par les marchés du nord, selon l'offre et la demande mais aussi de plus en plus par des spéculations sur les prix à venir selon l'état des récoltes dans les différents pays producteurs de céréales (riz, blé, maïs). Les pays africains et surtout les villes africaines sont de plus en plus intégrées dans la mondialisation et dé pendant de plus en plus des importations de matières agricoles. L'indice FAO des prix des produits alimentaires est passé de 139 à 219 entre février 2007 et février 2008, les plus fortes augmentations concernant les céréales (indice 152 à 281) et les produits laitiers (indice 176 à 278). Face à une flambée des prix, les populations les  plus vulnérables manifestent plus ou moins violemment poussant les autorités à intervenir plus ou moins violemment (7 morts au Cameroun).

 

37 pays sont touchés par des violences dans le monde, plus particulièrement le Burkina Faso, le Cameroun, le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d'Ivoire, l'Égypte, et le Maroc qui ont connu des manifestations ou des scènes d'émeutes à la fin de l'année 2007 et au début de l'année 2008.

 

A côté de ces crises alimentaires globales, il y a aussi des crises alimentaires plus localisées qui sont liées aux conflits, soit parce qu'un conflit provoque une pénurie (Darfour), soit parce que la pénurie provoque des violences (Niger 2005).  

 

c- Les conflits miniers en Afrique du sud. 

=> une demande sociale forte : ce n'est pas parce qu'on est pas en Europe que les travailleurs ne réclamment pas des droits.

Un cas particulier car le pays est touché depuis 2012 par des conflits miniers très violents. Pendant l'été 2012, conflit violent autour de la mine de platine de Marikana (44 morts). En septembre 2012, d'autres grèves violentes éclatent (mines d'or).

Des conflits qui ne sont pas nouveaux, le pays étant connu pour ses conflits miniers depuis l'apartheid.  

 

3.3. Des conflits de la mondialisation, des conflits importés ?  

a- Attentats et Islamisme (ou Djihadisme)

=> un mouvement qui participe de et à la mondialisation.

Depuis les années 1990, apparition de groupes terroristes musulmans issus de la mouvance djihadiste. Leurs revendications sont multiples : antiaméricanisme, lutte contre les valeurs occidentales (liberté, démocratie, …) et volonté de mettre en place un pouvoir religieux basé sur la Charia et le Coran. Ces attentats se sont déroulés principalement dans trois régions :

  • L’Afrique de l'est est la première touchée par des attentats qui visent des intérêts états-uniens. Le 7 août 1998 à Nairobi, au Kenya, et à Dar-es-Salaam, en Tanzanie, des attaques suicides menées par des membres d'Al-Qaïda prennent pour cibles les ambassades américaines.  
  • L'Afrique du nord a d'abord été touchée par des actions terroristes visant des buts nationaux : en Algérie, les actions terroristes des « afghans » comme on a surnommé les djihadistes formés en Afghanistan par Al-Qaida et les talibans. Ces actions ont marqué l'Algérie pendant la « deuxième guerre d'Algérie », cette guerre civile qui a opposé le gouvernement aux intégristes djihadistes entre 1991 (élections aux résultats refusés par le gouvernement dirigé par le FLN et l'armée) et le début des années 2000, globalement en 2002 lorsque le GIA (Groupe Islamiste Armé) et l'AIS (Armée Islamique du Salut) rendent les armes.  
  • Par la suite, d'autres actions terroristes ont lieu, cette fois-ci dans le cadre de la mondialisation et de choix politiques mondiaux, notamment contre le tourisme : à Djerba (11-04-2002), à Marrakech (28-04-2010).

 

b- Des conflits liés aux ressources naturelles

=> des richesses qui échappent aux populations.

  • Le pétrole : L’Afrique continentale représente 12 % de la production mondiale de pétrole et 10 % des réserves mondiales prouvées. Les États-Unis importent environ 60 % du pétrole africain (celui-ci constitue plus de 90 % des exportations africaines vers les États-Unis) contre 20 % respectivement pour la Chine (plus de 60 % des exportations vers la Chine) et pour l’Union européenne. Les principaux producteurs sont le Nigeria, l’Algérie et l’Angola.
    •  Des conflits ont été liés au contrôle de la production dans un pays (Libye ? Angola, entre les deux Soudan actuellement).
    • D'autres ont été liés au partage de la ressource (Nigeria lors de la guerre du Biaffra, rébellion du MEND) 
    • Quoiqu'il arrive, le pétrole est aussi une source de financement des conflits (comme en Angola pendant la longue guerre civile entre 1975 et 1991). 
    • De plus, les accords passés entre les compagnies pétrolières et les États peuvent aussi porter à conflit, comme au Tchad où Total est sensé financer des programmes sociaux.

croquisHydrocarbures et conflits en Afrique 2012 Hydrocarbures et conflits en Afrique 2012

  • Les minerais sont soumis aux mêmes problématiques : financement et cause de conflits, comme au Liberia et Sierra Leone dans les années 1989-2003 (Liberia) et 1991-2002 (Sierra Leone).
  • Les terres agricoles sont aujourd'hui cause de conflits non violets entre agriculteurs dépossédés de leurs terres, gouvernements et entreprises ou États accapareurs.

 

Quel croquis de synthèse ?

 

 

Conclusion :

Il semble donc que ce soit bien l’État qui est au cœur des conflits en Afrique. Un État qui peut être source de conflit par ses carences (armée déficiente et corrompue, frontières mal contrôlées, richesses mal réparties) soit par la volonté de contrôler cet État afin d'en tirer des bénéfices à court terme (comme lors de guerres civiles ou de guérillas).

Loin de l'idée d'un continent à la dérive, ou "mal parti" (cf. René DUMONT dans les années 1970 qui annonçait la situation actuelle malgré des années fastes alors), il faut voir que l'Afrique et les africains n'ont pas su (ou pas pu) constituer des États solides capables de gérer la violence ni même de la contrôler. Trop souvent l’État est générateur de violences, comme a pu l'être l’État en Asie ou en Amérique latine dans les années 1950 ou 1970. Cependant, il ne faut pas oublier que des facteurs externes restent puissants dans la gestion des conflits : l'Afrique, continent oublié de la mondialisation ne l'est pas forcément pour tous.

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C
good post
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M
Article passionnant et très complet, merci beaucoup! J'y aurais simplement ajouté les conflits liés aux migrations de travail, spécificité sud-africaine (pour l'instant), qui a donné lieu aux violences de 2008 dans les bidonvilles de Johannesburg.
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P
Concis et précis. Cet article mérite un grand merci !
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